Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 1er octobre 2016, MmeC..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 24 mai 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Pyrénées-Atlantiques du 5 juin 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Atlantiques de lui délivrer une carte de résident dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté est signé par le secrétaire général de la préfecture des Pyrénées-Atlantiques, par délégation, sans que la preuve de la publication de cette délégation n'ait été rapportée ;
- l'arrêté n'est pas suffisamment motivé, ce qui démontre l'absence d'un examen approfondi et sérieux de sa demande ;
- le préfet a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 341-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; dès lors qu'elle a le statut de travailleur handicapé, le préfet aurait dû déroger à la condition de ressources imposée par les dispositions de cet article et faire prévaloir son intention de s'établir durablement en France ainsi que ses efforts d'intégration dans la société française ; il n'a pas exercé pleinement son pouvoir d'appréciation ; le refus de délivrance d'une carte de résident constitue une discrimination indirecte fondée sur l'état de santé, contraire aux articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce que la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour légalité (HALDE) de défenseur des droits ont déjà eu l'occasion de rappeler ; ce refus est en outre susceptible de porter atteinte au droit fondamental de mener une vie privée et familiale normale, la détention d'une carte de résident contribuant à l'amélioration de la vie privée et familiale de son bénéficiaire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 novembre 2016, le préfet des Pyrénées Atlantiques conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C...ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 5 octobre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 9 novembre 2016 à 12h00.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 juillet 2016.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Marianne Pouget a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., ressortissante camerounaise, née le 17 juillet 1984, entrée régulièrement en France le 1er octobre 2007, s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale, régulièrement renouvelée depuis lors. L'intéressée, à laquelle a été reconnue la qualité de travailleur handicapé par une décision du 19 juillet 2013 de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées pour la période du 18 juillet 2013 au 30 juin 2018, a sollicité le 5 mai 2014 la délivrance d'une carte de résident. Le préfet des Pyrénées-Atlantiques lui a opposé un refus par une décision du 5 juin 2014 au motif qu'elle ne satisfaisait pas à la condition de ressources prévue par l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Mme C...relève appel du jugement du 24 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision lui refusant la délivrance d'une carte de résident.
2. A l'appui des moyens tirés de l'incompétence du signataire de la décision et de l'insuffisance de motivation du refus de délivrance de carte de résident, Mme C...ne se prévaut, devant la cour, d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.
3. Mme C...soutient pour la première fois devant la cour que l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur la base duquel se fonde la décision attaquée instaure une discrimination en raison du handicap au sens des stipulations combinées des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où il a pour effet d'exclure du droit au bénéfice de la carte de résident, les personnes qui, comme elles, ont été reconnues handicapées à la suite d'un accident de travail et n'ont comme seules ressources qu'une pension d'invalidité.
4. La directive du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée a pour objet d'établir, aux termes de son article 1er : " les conditions d'octroi et de retrait du statut de résident de longue durée accordé par un Etat membre aux ressortissants de pays tiers qui séjournent légalement sur son territoire, ainsi que les droits y afférents " et " les conditions de séjour dans des Etats membres autres que celui qui a octroyé le statut de longue durée pour les ressortissants de pays tiers qui bénéficient de ce statut ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 4 : " les Etats membres accordent le statut de résident de longue durée aux ressortissants de pays tiers qui ont résidé de manière légale et ininterrompue sur leur territoire pendant les cinq années qui ont immédiatement précédé l'introduction de la demande en cause ". Toutefois, aux termes du paragraphe 1 de l'article 5 : " les Etats membres exigent du ressortissant d'un pays tiers de fournir la preuve qu'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille qui sont à sa charge : a) de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille sans recourir au système d'aide sociale de l'Etat membre concerné. Les Etats membres évaluent ces ressources par rapport à leur nature et à leur régularité et peuvent tenir compte du niveau minimal des salaires et pensions avant la demande d'acquisition du statut de résident de longue durée (...) ".
5. Aux termes de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Tout étranger qui justifie d'une résidence ininterrompue d'au moins cinq années en France, conforme aux lois et règlements en vigueur, sous couvert de l'une des cartes de séjour mentionnées aux articles L. 313-6, L. 313-8 et L. 313-9, aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 313-10, aux articles L. 313-11, L. 313-11-1, L. 313-14 et L. 314-9, aux 2°, 3°, 4°, 5°, 6°, 7° et 9° de l'article L. 314-11 et aux articles L. 314-12 et L. 315-1 peut obtenir une carte de résident portant la mention "résident de longue durée-CE" s'il dispose d'une assurance maladie. La décision d'accorder ou de refuser cette carte est prise en tenant compte des faits qu'il peut invoquer à l'appui de son intention de s'établir durablement en France, notamment au regard des conditions de son activité professionnelle s'il en a une, et de ses moyens d'existence. / Les moyens d'existence du demandeur sont appréciés au regard de ses ressources qui doivent être stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues aux articles L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles et L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance et sont appréciées au regard des conditions de logement (...) ".
6. Le paragraphe 1 de l'article 5 de la directive cité au point 4 subordonne la reconnaissance du statut de résident de longue durée à l'existence, pour le demandeur et les membres de sa famille, de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à leurs besoins sans recourir au système d'aide sociale de l'Etat membre concerné, afin d'éviter, comme le mentionne le considérant n° 7 de la directive, que l'étranger ne devienne une charge pour celui-ci. Une telle exigence est susceptible de constituer une discrimination indirecte à l'égard des personnes qui, du fait de leur handicap, ne sont pas en mesure d'exercer une activité professionnelle ou ne peuvent exercer qu'une activité limitée et peuvent se trouver ainsi dans l'incapacité de disposer de ressources suffisantes pour subvenir à leurs besoins sans recourir au système d'aide sociale de l'Etat membre où elles résident.
7. Cependant, la condition ainsi posée par la directive est liée aux caractéristiques propres du statut de résident de longue durée, dont le titulaire bénéficie, notamment, du droit de séjourner au-delà de trois mois dans un autre Etat membre. L'article 13 de la directive permet aux Etats membres de délivrer des titres de séjour à des conditions plus favorables que celles établies au paragraphe 1 de l'article 5, dès lors que de tels titres de séjour ne donnent pas accès au droit de séjour dans les autres Etats membres. Le refus de délivrance du titre de séjour de résident de longue durée, qui ne fait pas obstacle à la délivrance d'un autre titre de séjour et qui n'emporte, par lui-même, aucune conséquence sur le droit au séjour de l'intéressé, ne porte pas atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui ne saurait être regardé comme imposant à un Etat de délivrer un type particulier de titre de séjour. L'exigence fixée par le paragraphe 1 de l'article 5 de la directive, justifiée par l'objectif légitime de n'ouvrir le statut de résident de longue durée qu'aux étrangers jouissant d'une autonomie financière, est nécessaire et proportionnée au but en vue duquel elle a été prise.
8. Les dispositions précitées de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile tendent à assurer l'exacte transposition du paragraphe 1 de l'article 5 de la directive du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée en n'autorisant les Etats-membres à ne prendre en compte que les ressources propres du demandeur, sans y adjoindre les prestations dont il peut bénéficier au titre de l'aide sociale. Elles doivent être interprétées comme excluant la prise en compte non seulement des prestations qu'elles mentionnent mais également des autres prestations d'aide sociale, notamment l'allocation de solidarité aux personnes âgées mentionnée aux articles L. 815-1 et suivants du code de la sécurité sociale et l'allocation aux adultes handicapés mentionnée aux articles L. 821-1 et suivants du même code. Dès lors, les moyens tirés de ce que les dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile seraient incompatibles avec les stipulations combinées des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés.
9. Il est constant que Mme C...percevait à la date de la décision attaquée l'aide personnalisée au logement et le revenu de solidarité active, lesquels ne pouvaient ainsi être pris en compte dans l'appréciation de ses revenus compte tenu des dispositions de l'article L. 341-8 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En dehors de ces aides, Mme C...percevait seulement une pension alimentaire pour sa fille d'un montant mensuel de 80 euros par mois.
10. Il suit de là que le préfet des Pyrénées-Atlantiques a pu régulièrement opposer à Mme C...la condition de ressources imposée par les dispositions précitées de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et, dès lors que cette condition n'était pas remplie, lui refuser la délivrance d'une carte de résident.
11. Mme C...soutient que le préfet a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en se refusant à faire usage de son pouvoir discrétionnaire pour lui délivrer une carte de résident. A l'appui de ce moyen, elle ne se prévaut, devant la cour, d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenu par les premiers juges.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet des Pyrénées-Atlantiques du 5 juin 2014 refusant de lui délivrer une carte de résident. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.
DECIDE
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera délivrée au préfet des Pyrénées-Atlantiques.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2016 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
Mme Marianne Pouget, président-assesseur,
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 30 décembre 2016.
Le rapporteur,
Marianne Pouget
Le président,
Philippe Pouzoulet
Le greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX03278