Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2020, Mme D..., représentée par Me Marty, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 11 mars 2020 ;
2) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 21 août 2019 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- la décision de refus de séjour est entachée d'une insuffisance de motivation dès lors qu'elle ne mentionne pas les considérations de fait qui correspondent à l'article L. 313-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est justifié de ses conditions de subsistance et des ressources mensuelles dont elle bénéficie ;
- elle remplit les conditions de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " au regard de son état de santé ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à tout le moins elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
- la décision d'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une insuffisance de motivation dès lors qu'elle ne mentionne pas les considérations de faits qui correspondent à l'article L. 313-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est justifié de ses conditions de subsistance et des ressources mensuelles dont elle bénéficie ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'elle justifie bénéficier d'une prise en charge médicale en France ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à tout le moins elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation en ce que depuis l'année 2006 ses centres d'intérêts sont situés sur le territoire français ; elle s'est rendue avec son compagnon en janvier 2019 à la mairie de Saint-Jean-de-Duras pour une intention de mariage et ses relations avec ce dernier lui permettent de faire face aux difficultés médicales qu'elle rencontre ;
- la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale dès lors que les décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français sont illégales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 septembre 2020, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il s'en réfère à ses écritures de première instance.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2020/009548 du 16 juillet 2020 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Frédéric Faïck a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante sud-africaine née le 3 octobre 1967, est entrée en France une première fois le 11 novembre 2006 avec un visa de long séjour. Elle a ensuite bénéficié, en application de l'article L. 313-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de plusieurs titres de séjour portant la mention " visiteur " dont le dernier a expiré le 23 novembre 2011. Le 16 juillet 2014, Mme D... est revenue en France munie d'un nouveau visa de long séjour auquel ont succédé plusieurs titres de séjour portant la mention " visiteur " renouvelés jusqu'au 13 septembre 2017. Le 3 juillet 2018, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour toujours sur le fondement de l'article L. 313-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 21 août 2019, la préfète de la Gironde a refusé de délivrer à Mme D... le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme D... relève appel du jugement du 11 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 21 août 2019.
Sur la motivation du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. L'arrêté en litige précise que Mme D... ne justifie pas de moyens d'existence suffisants, condition prévue par les articles L. 313-6 et R. 313-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " visiteur " et qu'elle n'établit pas être prise en charge de manière effective, régulière et depuis une période significative par son compagnon faute de produire un document en ce sens. Le préfet a déduit de ces considérations que Mme D... ne remplit pas la condition légale pour se voir renouveler son titre de séjour en qualité de " visiteur ". Par suite, et contrairement à ce que soutient Mme D..., l'arrêté en litige, en tant qu'il décide un refus de titre de séjour, comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Quant à la motivation de l'obligation de quitter le territoire français, qui a été prise sur le fondement du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle découle de celle du refus de titre de séjour.
Sur les autres moyens invoqués à l'encontre du refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire délivrée à l'étranger qui apporte la preuve qu'il peut vivre de ses seules ressources et qui prend l'engagement de n'exercer en France aucune activité professionnelle porte la mention "visiteur" ". Aux termes de l'article R. 313-6 du même code, dans sa version issue du décret n° 2019-141 du 27 février 2019 en vigueur à la date de la décision attaquée : " Pour l'application de l'article L. 313-6, l'étranger qui demande la délivrance de la carte de séjour mention " visiteur " doit présenter (...) les pièces suivantes : 1° La justification de moyens suffisants d'existence dont le montant doit être au moins égal au salaire minimum de croissance net annuel, indépendamment des prestations et des allocations mentionnées à la troisième phrase du 2° de l'article L. 314-8. Lorsque les ressources du demandeur ne sont pas suffisantes, une décision favorable peut être prise si le demandeur justifie être propriétaire de son logement ou en jouir à titre gratuit (...) ".
5. Pour refuser de délivrer le titre de séjour sollicité sur le fondement de ces dispositions, la préfète de la Gironde a relevé que Mme D... ne justifiait pas de moyens suffisants d'existence ni d'une prise en charge effective, régulière et depuis une période significative par son ami.
6. Si Mme D... soutient qu'elle perçoit des revenus provenant de la location de son patrimoine immobilier, à savoir une maison dont elle est propriétaire à Taillecavat, les avis d'imposition qu'elle produit, qui ne traduisent la déclaration d'aucune somme, n'établissent pas la réalité de ses affirmations. Par ailleurs, Mme D... se prévaut de ce que son compagnon, ressortissant britannique résidant à Saint-Jean-de-Duras (Lot-et-Garonne) pourvoit à ses besoins, mais la seule attestation établie par ce dernier le 6 novembre 2019, eu égard à ses termes, ne permet pas d'établir la réalité de cette aide, aucun élément du dossier ne montrant que l'intéressé aurait les moyens financiers de subvenir aux besoins de la requérante ni même, d'ailleurs, que ces derniers vivent ensemble. Au surplus, il ressort des éléments produits devant le tribunal administratif par la préfète de la Gironde que Mme D... avait sollicité l'aide médicale d'Etat en octobre 2018. Ainsi, Mme D..., qui s'est abstenue de produire des éléments, tels que des relevés bancaires, établissant qu'elle disposait de moyens d'existence suffisants, n'a pas apporté la preuve, qui lui incombe, de sa capacité à vivre de ses seules ressources. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté de refus de séjour a méconnu les dispositions de l'article L. 313-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
8. Mme D... ne produit aucun élément probant permettant d'estimer qu'elle était en droit d'obtenir, le cas échéant, un titre de séjour en application des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Son moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. - 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
10. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... est entrée en France pour la dernière fois le 16 juillet 2014 à l'âge de 47 ans et que le dernier titre de séjour portant la mention " visiteur " qui lui a été ultérieurement délivré expirait le 13 septembre 2017. Mme D... est divorcée du père de ses trois enfants qui résident tous au Canada et la relation qu'elle soutient avoir nouée avec son compagnon, avec lequel il n'est pas établi qu'elle vivrait, présente un caractère récent. Par ailleurs, Mme D... ne justifie ni même n'allègue qu'elle aurait tissé sur le territoire français d'autres liens privés ou familiaux présentant un caractère intense et stable et n'allègue pas qu'elle serait isolée en cas de retour dans son pays d'origine où résident ses parents et sa fratrie. Au surplus, ainsi qu'il a été mentionné au point 6, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme D... pourrait vivre en France sur la base de ses seules ressources, quand bien même elle est propriétaire d'un bien immobilier. Dans ces conditions, eu égard à l'ensemble de ces considérations, la décision contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts qu'elle poursuit. Par suite, la préfète de la Gironde n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et n'a pas non plus entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de Mme D....
Sur les autres moyens invoqués à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel vise les titres de séjour, est inopérant à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français.
12. En deuxième lieu, les certificats médicaux produits par Mme D... ne comportent pas d'indication permettant de retenir que son état de santé nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle ne pourrait bénéficier de soins adaptés à sa pathologie dans son pays d'origine. Par suite, l'obligation de quitter le territoire français en litige n'a pas méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
13. En troisième lieu, eu égard aux circonstances exposées au point 10, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation.
Sur les moyens invoqués à l'encontre de la décision fixant le pays de destination :
14. Si Mme D... soutient que la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français, il résulte de ce qui précède que cette exception d'illégalité doit être écartée.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... D..., au ministre de l'intérieur et à Me Marty. Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 3 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.
Le président,
Elisabeth Jayat La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX02395