Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires présentés le 17 janvier 2019, le 13 mai 2020 et le 8 septembre 2020, la société Hydromarc, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n°1700363 du tribunal administratif de Pau ;
2°) de lui accorder une indemnité de 154 996 euros par an avec les intérêts légaux et les intérêts capitalisés ; de lui accorder une somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté en litige du 14 décembre 2016 est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; l'article R. 214-22 du code de l'environnement n'impose au préfet aucun délai pour se prononcer sur la demande de renouvellement ; le préfet a laissé s'écouler un long moment avant de statuer sur la demande d'autorisation ; un délai de trois ans s'est en effet écoulé entre le dépôt de la demande de renouvellement et la décision du 23 décembre 2014 refusant ce renouvellement ; on ne saurait ainsi faire grief à la société de ce que l'autorisation initiale était échue depuis cinq ans pour justifier la décision en litige ;
- l'instruction de la nouvelle demande de renouvellement déposée en 2015 a été allongée par la nécessité, reconnue par l'autorité environnementale, de la soumettre à étude d'impact au cas par cas ; l'administration elle-même ne pouvait être certaine de cette obligation tant que l'autorité environnementale ne s'était pas prononcée ;
- l'arrêté en litige n'est pas motivé comme l'exige l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- c'est à tort que le tribunal a relevé que le préfet a accepté à titre dérogatoire et exceptionnel d'instruire la nouvelle demande de renouvellement déposée par la société ; la circonstance que le préfet a refusé, par un arrêté du 23 décembre 2014, la demande de renouvellement, ne faisait pas obstacle au dépôt d'une nouvelle demande ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, l'arrêté en litige ne se fonde pas sur une prétendue atteinte à la continuité écologique de la centrale exploitée par la société ; ce n'est pas à elle de prouver la date de publication d'une liste d'espèces protégées ; elle disposait à la date du 23 décembre 2014 d'une passe à poissons validée par les services compétents ; enfin, l'arrêté du 7 octobre 2013 prévoit un délai de cinq ans pour la mise aux normes des ouvrages existants ;
- pour connaître les prélèvements d'eau opérés par la centrale et le respect du débit minimal prévu à l'article L. 214-8 du code de l'environnement, il est nécessaire de prendre en compte le débit des eaux s'écoulant naturellement et de mesurer le débit réservé en aval ; or, la société Hydromarc ne peut procéder à ces mesures compte tenu des importants prélèvements réalisés en amont par la compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne, laquelle ne publie pas son débit réservé ;
- la prolongation d'une autorisation environnementale n'est pas soumise à évaluation environnementale, comme en a jugé le Conseil d'Etat ;
- elle a droit à une indemnisation dès lors que l'arrêté en litige met fin à la possibilité pour elle de vendre l'électricité produite ; elle subit un manque à gagner qui doit être réparé.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 septembre 2020, le ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'énergie ;
- le code de l'environnement ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C... A...,
- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 24 mars 1981, le préfet des Hautes-Pyrénées a autorisé M. D... à disposer pour une durée de trente ans de l'énergie de la rivière Neste au moyen d'une centrale hydraulique dite " Moulin Marc " située sur les territoires des communes d'Escala, de Montoussé et de Tuzaguet. Le 13 décembre 2011, la société Hydromarc, devenue entre-temps l'exploitante de la centrale hydraulique, et dont le représentant avait été informé, par courrier du 14 août 2009, de la nécessité de demander le renouvellement de l'autorisation dans un délai de deux ans, a déposé en préfecture des Hautes-Pyrénées une demande de renouvellement de l'autorisation. Le préfet a rejeté cette demande par un arrêté du 23 décembre 2014 avant d'informer la société Hydromarc de son intention de lui notifier une décision mettant un terme à l'autorisation initiale. Cet arrêté a été pris le 14 décembre 2016 après que l'administration eut accordé à la société un délai pour présenter un dossier complet, et la société Hydromarc en a demandé l'annulation au tribunal administratif de Pau. Elle a aussi sollicité du tribunal qu'il enjoigne au préfet des Hautes-Pyrénées de rétablir le contrat d'achat d'électricité qui la liait à Electricité de France et de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 175 756 euros réparant son manque à gagner. La société Hydromarc relève appel du jugement rendu le 20 novembre 2018 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ".
3. La lettre du 14 octobre 2016 par laquelle le directeur départemental des territoires des Hautes-Pyrénées a informé la société Hydromarc qu'il soumettrait à la signature du préfet un projet d'arrêté mettant fin à l'autorisation initiale, et communiquant à la société ce projet d'arrêté pour observations, ne constitue pas, eu égard à son objet, une décision administrative soumise à une obligation spécifique de motivation en vertu des dispositions précitées.
4. L'article 1er de l'arrêté du 14 décembre 2016 en litige met fin à compter du 31 décembre 2016 à l'autorisation de disposer de l'énergie de la Neste délivrée en 1981. Pour prendre cette décision, le préfet des Hautes-Pyrénées a d'abord relevé que la durée de validité de l'autorisation initiale était expirée et que la demande de renouvellement de cette autorisation avait été rejetée par une décision du 23 décembre 2014. Il a ensuite rappelé que la société Hydromarc n'a pas déposé de nouvelle demande de renouvellement avant fin avril 2016 comme elle s'était engagée à le faire, alors que les services préfectoraux avaient accepté d'instruire un telle demande à titre dérogatoire et exceptionnel. Enfin, le préfet a relevé que le moulin bénéficie d'un droit fondé en titre, ce qui permet à la société Hydromarc de continuer d'exploiter cet ouvrage dans la limite de la puissance attachée à ce droit. Ce faisant, le préfet a satisfait à l'obligation de motivation.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 214-3 du code de l'environnement : " I. - Sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles (...) ". Aux termes de l'article L. 531-3 du code de l'énergie : " Le renouvellement des autorisations au titre du présent livre est régi par la section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code de l'environnement. Si l'autorisation n'est pas renouvelée, il est fait application de l'article L. 214-3-1 du même code. ". Aux termes de l'article R. 214-20 du code de l'environnement, en vigueur au 14 décembre 2016, date de l'arrêté en litige : " Deux ans au moins avant la date d'expiration d'une autorisation, le bénéficiaire qui souhaite en obtenir le renouvellement adresse au préfet un nouveau dossier de demande (...) ". Aux termes de l'article R. 214-22 du même code : " S'il ne peut être statué sur la demande avant la date d'expiration de l'autorisation ou la date fixée pour le réexamen de certaines de ses dispositions, les prescriptions applicables antérieurement à cette date continuent à s'appliquer jusqu'à ce que le préfet ait pris sa décision (...). ".
6. Par son arrêté du 23 décembre 2014, le préfet des Hautes-Pyrénées a rejeté la demande de renouvellement de l'autorisation initiale présentée par la société Hydromarc aux motifs que son dossier comportait une évaluation environnementale entachée d'une insuffisance substantielle et que le projet n'était pas adapté aux exigences de protection de la ressource en eau. Cet arrêté, qui n'a pas été contesté par la société Hydromarc, est devenu définitif. Toutefois, saisi le 1er septembre 2015 par la société d'une nouvelle demande de renouvellement de l'autorisation, le préfet a informé cette dernière, par courrier du 26 octobre 2015, que son dossier ne comportait aucune amélioration par rapport à sa précédente demande tout en l'invitant à prendre contact avec ses services pour en améliorer le contenu. Ce faisant, le préfet a accepté d'instruire de nouveau la demande de renouvellement de l'autorisation initiale bien que ses services aient rejeté la précédente demande par un arrêté pris moins d'un an auparavant et devenu définitif. Dans un courrier du 20 novembre 2015, la société a fait savoir aux services préfectoraux que le délai de constitution de sa nouvelle demande était tributaire de la décision de la direction régionale de l'équipement, de l'aménagement et du logement (DREAL) quant à la nécessité de soumettre ou non son projet à étude d'impact, et proposait de déposer un dossier au plus tard en avril 2016. Le 19 mai 2016, les services préfectoraux ont encore adressé à la société un courrier lui indiquant qu'un " ultime délai " lui serait accordé si elle produisait avant le 31 mai 2016 un contrat de prestation avec un bureau d'études pour la réalisation du dossier ainsi qu'un échéancier d'établissement de ce dossier de demande. Le 14 juin 2016, le préfet, constatant que la société Hydromarc n'avait toujours pas présenté de dossier ni justifié des démarches exigées dans le courrier du 19 mai 2016, notifiait à cette dernière un projet d'arrêté mettant fin à l'autorisation initiale.
7. Pour contester l'arrêté en litige du 14 décembre 2016, la société Hydromarc fait valoir qu'elle n'est pas responsable du fait que trois années se sont écoulées entre le dépôt de la demande de renouvellement de l'autorisation initiale fin 2011 et le rejet opposé à cette demande le 23 décembre 2014. Toutefois, la société a pu continuer d'exploiter la centrale pendant l'instruction de la demande de renouvellement au bénéfice d'une prorogation tacite de l'arrêté du 24 mars 1981, comme l'a relevé à juste titre le tribunal. Si l'instruction de la nouvelle demande de renouvellement déposée en 2015 nécessite une étude d'impact dont la durée d'élaboration explique que la société Hydromarc n'ait pas été en mesure de déposer son dossier en avril 2016 comme elle s'y était engagée, cette dernière n'a pas justifié avoir contacté un bureau spécialisé en vue de l'élaboration de cette étude avant le 31 mai 2016, comme le lui a demandé l'administration. Par ailleurs, rien au dossier ne permet d'estimer que les prélèvements effectués en amont par la compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne feraient obstacle à la détermination du débit réel de la rivière au droit de l'ouvrage, alors que la société ne justifie pas avoir contacté un bureau d'études ni s'être rapprochée des services compétents pour traiter cette question. Dans ces circonstances, et alors même qu'une prorogation d'autorisation ne serait pas soumise à une évaluation environnementale, eu égard au délai de cinq ans qui s'est écoulé entre l'échéance de l'autorisation initiale et l'arrêté du 14 décembre 2016, au fait que l'administration n'était pas tenue d'examiner la seconde demande de renouvellement et à la durée d'élaboration d'une nouvelle demande complétée notamment par une étude d'impact, le préfet des Hautes-Pyrénées n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en décidant de mettre fin, par l'arrêté contesté, à l'exploitation de la centrale hydraulique selon les conditions fixées par l'arrêté du 24 mars 1981. Il en va ainsi alors même que la centrale serait équipée d'une passe à poissons conforme à la réglementation applicable.
8. Il doit être souligné que l'arrêté contesté ne fait pas obstacle à la poursuite de l'exploitation de la centrale hydraulique dans la limite cependant de la puissance fondée en titre attachée à cet ouvrage.
9. La société Hydromarc n'est, dès lors, pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 14 décembre 2016.
10. En l'absence d'illégalité fautive commise par le préfet, la société n'est pas davantage fondée à demander la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice qu'elle estime subir.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Hydromarc n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête n°19BX00240 est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Hydromarc et au ministre de la transition écologique. Copie pour information en sera délivrée au préfet des Hautes-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. C... A..., président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 novembre 2020.
Le rapporteur,
Frédéric A...
Le président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX00240