Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 20 avril 2020 et le 13 août 2020, M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 21 novembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2019 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 15 euros par jour de retard, et, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- elle a été prise en méconnaissance du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dès lors qu'il souffre de la maladie de Parkinson, pathologie neuro-dégénérative, pour laquelle il ne peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
- elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'un défaut de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour sur lequel elle se fonde ;
- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle porte atteinte à son droit de mener une vie privée et familiale et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de renvoi :
- elle est entachée d'un défaut de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sur laquelle elle se fonde ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 juillet 2020, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 19 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme C... A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 13 août 1969, est entré en France le 7 février 2017. Le 21 février 2017, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 19 juillet 2017, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence algérien, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Cet arrêté a été annulé pour erreur d'appréciation par un jugement du tribunal administratif de Limoges du 8 février 2017 qui a notamment enjoint au préfet de réexaminer la situation de M. B.... Après réexamen, le préfet de la Haute-Vienne a décidé de délivrer à l'intéressé le titre de séjour sollicité valable du 29 juin 2018 au 6 juin 2019. Le 19 février 2019, M. B... a demandé le renouvellement de son certificat de résidence. Par un arrêté du 16 juillet 2019, le préfet a refusé de faire droit à cette demande, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 21 novembre 2019, le tribunal administratif de Limoges a rejeté la demande d'annulation de cet arrêté. M. B... relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 7° au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".
3. Il résulte de ces stipulations qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage sur leur fondement l'éloignement vers l'Algérie d'un ressortissant algérien, de vérifier que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale en Algérie. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement décider l'éloignement vers l'Algérie que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans ce pays. Si de telles possibilités existent mais que l'intéressé fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays.
4. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. B..., le préfet de la Haute-Vienne s'est notamment fondé sur l'avis rendu le 19 avril 2019 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui indique que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.
5. M. B..., qui a levé le secret médical, fait valoir qu'il est atteint de la maladie de Parkinson depuis six ans et qu'il bénéficie, à raison de cette pathologie, d'un suivi médical régulier et d'un traitement médicamenteux spécifique composé de Sifrol et de Modopar. Si M. B... a produit devant le tribunal des attestations de deux docteurs en pharmacie des 30 juillet 2019 et 24 septembre 2019 indiquant que le Sifrol et le Modopar ne sont pas commercialisés sur le marché algérien, il ressort de la nomenclature nationale des produits pharmaceutiques à usage de la médecine humaine, produite en appel par le préfet de la Haute-Vienne, que le Modopar est disponible en Algérie. A supposer que le Sifrol ne le soit pas, M. B... n'établit pas qu'il ne pourrait bénéficier dans ce pays d'un autre traitement équivalent notamment par la prise d'un médicament de substitution qui aurait des effets analogues. Dans ces conditions, les pièces produites par M. B... ne permettent pas d'infirmer les conclusions de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit être écarté.
6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la sante ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté contesté, M. B... résidait sur le territoire français depuis moins de deux ans et six mois. S'il se prévaut de la présence en France de sa fille majeure, de son frère et de sa belle-soeur ainsi que de plusieurs cousins, il n'est pas dépourvu de tout lien dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de sa vie et où résident encore son épouse et quatre de ses enfants. Dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé à mener une vie privée et familiale normale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour doit être écarté.
9. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
10. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que le moyen tiré de ce que M. B... ne pouvait, en application des dispositions précitées, faire l'objet d'une mesure d'éloignement, doit être écarté.
11. Pour les motifs exposés au point 7, les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait le droit de M. B... à mener une vie privée et familiale normale et serait entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :
12. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant fixation du pays de destination serait privée de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
13. Aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi. / (...) ". Aux termes de l'article 3 de la même convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
14. D'une part, il résulte de ce qui a été dit au point 5 que M. B... peut effectivement bénéficier d'un traitement adapté à sa pathologie en Algérie. D'autre part, il n'établit pas être personnellement exposé à des risques graves en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, la décision fixant le pays de destination ne méconnaît ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de son article 2.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa requête. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 5 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Dominique Naves, président,
Mme C... A..., présidente-assesseure,
Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 novembre 2020.
Le rapporteur,
Karine A...Le président,
Dominique Naves
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 20BX01384
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