Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 24 juin 2020 et le 25 septembre 2020, Mme F..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1903223 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 15 avril 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement, d'enjoindre au préfet de reprendre l'instruction de sa demande de titre de séjour dans le même délai et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) d'assortir l'injonction prononcée d'une astreinte de 150 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient, que :
- l'arrêté en litige est fondé sur l'avis du collège de l'OFII lequel a lui-même été pris sur la base d'un rapport médical incomplet ; en effet, l'auteur de ce rapport a indiqué qu'elle était atteinte d'un diabète de type 2 alors qu'elle est atteinte d'un diabète de type 1, lequel nécessite qu'elle soit appareillée d'une pompe à insuline et d'un capteur ; ces éléments ont été tus par l'auteur du rapport médical ; ainsi, l'arrêté en litige est fondé sur des éléments d'informations incomplets et erronés ;
- l'arrêté en litige a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; les pièces médicales qu'elle produit montrent qu'il n'existe pas dans son pays d'origine de traitement approprié à sa pathologie.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 septembre 2020, le préfet de la Dordogne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.
Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... D... épouse F... est une ressortissante arménienne née le 10 février 1980 qui est entrée irrégulièrement en France en août 2017 en compagnie de son époux et de leurs deux enfants mineurs. Elle a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 22 décembre 2017 prise dans le cadre de la procédure accélérée puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) par décision du 5 septembre 2018. Le 15 octobre 2018, le préfet de la Dordogne a pris à l'encontre de Mme F... un arrêté portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignation du pays de renvoi. Mme F... a toutefois déposé le 14 décembre 2018 une demande de titre de séjour pour raison de santé sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Après avoir recueilli l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) rendu le 2 avril 2019, le préfet a rejeté la demande de Mme F... par un arrêté du 15 avril 2019, a obligé celle-ci à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler cet arrêté du 15 avril 2019. Elle relève appel du jugement rendu le 23 octobre 2019 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger (...) si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " (...) Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins (...) de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis (...) au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 : " Au vu du rapport médical (...) un collège de médecins (...) émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; (...) ".
3. Dans son avis du 2 avril 2019, le collège des médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de Mme F... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de son pays d'origine, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.
4. Le rapport médical présenté à l'OFII au titre de l'article R. 313-22 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile indique que Mme F... est atteinte d'un diabète de type 2. Toutefois, Mme F... produit des certificats médicaux datés des 13 mars 2018, 3 juillet 2018, 9 novembre 2018, 14 mars 2019 et du 13 juillet 2019 dont il résulte à chaque fois qu'elle souffre d'un diabète de type 1. Il est constant que ces deux formes de diabète ne présentent pas les mêmes caractéristiques et nécessitent des traitements qui ne sont pas nécessairement identiques. A cet égard, si le rapport médical soumis à l'OFII indique que Mme F... bénéficie d'une pompe à insuline, il omet de préciser que cette pompe a été couplée avec un capteur glycémique qui a été installé sur l'intéressée le 22 janvier 2019, soit avant l'établissement de ce rapport. Il ressort pourtant des pièces du dossier que ce capteur à insuline, dont l'existence n'a donc pas été portée à la connaissance du collège de médecins de l'OFII, participe au traitement de la maladie de Mme F... dès lors qu'il sert à améliorer son équilibre glycémique et à limiter ses épisodes d'hypoglycémie dus à un état diabétique déséquilibré.
5. Il s'ensuit que l'avis du collège de médecins de l'OFII a été rendu sur la base d'un rapport décrivant de manière erronée et incomplète l'état de santé de Mme F... et le traitement médical de cette dernière. Cet avis a donc été émis dans des conditions irrégulières. Le vice de procédure qui en résulte a privé Mme F... de la garantie qui s'attache pour elle à ce que sa demande de titre soit examinée en fonction d'informations exactes et précises sur son état de santé. Ce vice a également été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision préfectorale en litige, prise au vu de l'avis du collège des médecins de l'OFII.
6. Dès lors, Mme F... est fondée à soutenir, en appel, que le refus de séjour opposé par l'arrêté en litige a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière et qu'il doit être annulé ainsi que, par voie de conséquence la mesure d'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination contenues dans le même arrêté. C'est donc à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. (...) ".
8. Eu égard au motif d'annulation retenu au présent arrêt, seul fondé en l'état de l'instruction, il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de la Dordogne d'examiner de nouveau la demande de titre de séjour de Mme F... selon la procédure prévue aux articles R. 313-22 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par les dispositions de l'arrêté ministériel du 27 décembre 2016. Le préfet prendra sa décision dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir l'injonction de l'astreinte demandée.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :
9. Mme F... a obtenu l'aide juridictionnelle. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B... de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ce versement emportant, conformément à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°1903223 du tribunal administratif de Bordeaux du 23 octobre 2019 et l'arrêté préfectoral du 15 avril 2019 sont annulés.
Article 2 : Il est prescrit au préfet de la Dordogne d'examiner de nouveau la demande de titre de séjour de Mme F... dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me B... la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme F... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D... épouse F..., au ministre de l'intérieur, à Me B... et au préfet de la Dordogne.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. C... A..., président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 novembre 2020.
Le rapporteur,
Frédéric A...
Le président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.