Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme A... B..., auditrice,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la commune de Vias ;
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Vias demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 25 septembre 2017 portant classement des paysages du canal du midi, au titre des sites visés à l'article L. 341-1 du code de l'environnement, sur les territoires de plusieurs communes des départements de l'Aude, de la Haute-Garonne et de l'Hérault, en tant qu'il concerne les parcelles situées sur son territoire.
Sur la légalité externe du décret :
En ce qui concerne de la concertation préalable :
2. D'une part, l'article L. 341-1 du code de l'environnement dispose : " Il est établi dans chaque département une liste des monuments naturels et des sites dont la conservation ou la préservation présente, au point de vue artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, un intérêt général. / Après l'enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier, l'inscription sur la liste est prononcée par arrêté du ministre chargé des sites et, en Corse, par délibération de l'Assemblée de Corse après avis du représentant de l'Etat. / (...) ". Ni l'article L. 341-1 du code de l'environnement, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n'imposent l'organisation d'une concertation préalable au classement d'un site. Si l'administration a néanmoins engagé une procédure de concertation préalable à un tel classement, elle doit cependant procéder à celle-ci de façon régulière.
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-16 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable : " I. - A défaut de dispositions plus précises prévues par le présent chapitre ou par les dispositions législatives particulières applicables au projet, la personne responsable d'un projet, plan ou programme ou décision mentionné à l'article L. 123-2 peut procéder, à la demande le cas échéant de l'autorité compétente pour prendre la décision, à une concertation préalable à l'enquête publique associant le public pendant la durée d'élaboration du projet, plan, programme ou décision. / (...) / II. - Pour ces mêmes projets, plans, programmes ou décisions, l'autorité compétente peut demander l'organisation d'une concertation avec un comité rassemblant des représentants de l'Etat, des collectivités territoriales concernées par le projet, d'associations ou fondations mentionnées à l'article L. 141-3, des organisations syndicales représentatives de salariés et des entreprises ". L'article L. 121-16 laisse à l'autorité administrative la possibilité de mettre en oeuvre l'une ou l'autre des modalités de concertation préalable prévues aux I et II de cette disposition.
4. La commune requérante soutient que l'exigence de sincérité de la concertation préalable a été méconnue en l'espèce dès lors que les propriétaires des parcelles incluses dans le périmètre du classement n'ont pas été invités à y participer. Toutefois, l'autorité administrative ayant fait le choix d'organiser une concertation préalable selon les modalités prévues au II de l'article L. 121-16 du code de l'environnement, le moyen ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne l'enquête publique :
5. Aux termes de l'article L. 341-3 du code de l'environnement : " Le projet de classement est soumis à une enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier ". L'article L. 123-1 du même code dispose que : " L'enquête publique a pour objet d'assurer l'information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers lors de l'élaboration des décisions susceptibles d'affecter l'environnement mentionnées à l'article L. 123-2. Les observations et propositions parvenues pendant le délai de l'enquête sont prises en considération par le maître d'ouvrage et par l'autorité compétente pour prendre la décision ".
6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " Le dossier soumis à l'enquête publique comprend les pièces et avis exigés par les législations et réglementations applicables au projet, plan ou programme. / Le dossier comprend au moins : / (...) / 2° En l'absence d'étude d'impact ou d'évaluation environnementale, une note de présentation précisant les coordonnées du maître d'ouvrage ou du responsable du projet, plan ou programme, l'objet de l'enquête, les caractéristiques les plus importantes du projet, plan ou programme et présentant un résumé des principales raisons pour lesquelles, notamment du point de vue de l'environnement, le projet, plan ou programme soumis à enquête a été retenu ; : (...) 5° Le bilan de la procédure de débat public organisée dans les conditions définies aux articles L. 121-8 à L. 121-15, ou de la concertation définie à l'article L. 121-16, ou de toute autre procédure prévue par les textes en vigueur permettant au public de participer effectivement au processus de décision. Lorsqu'aucune concertation préalable n'a eu lieu, le dossier le mentionne ; / (...) ". L'article R. 314-4 du même code dispose : " L'enquête publique prévue à l'article L. 341-3 préalablement à la décision de classement est ouverte et organisée par un arrêté du préfet dans les conditions fixées aux articles R. 123-2 à R. 123-27 du présent code. / Outre les documents et pièces listés à l'article R. 123-8, le dossier soumis à enquête publique comprend : / 1° Un rapport de présentation comportant une analyse paysagère, historique et géomorphologique du site, les objectifs du classement et, éventuellement, des orientations de gestion ; / 2° Le cas échéant, les prescriptions particulières de classement visées au troisième alinéa de l'article L. 341-6 ; / 3° Un plan de délimitation du site à classer ; / 4° Les plans cadastraux correspondants ".
7. D'une part, le rapport de présentation énonce notamment que " le classement au titre des sites a été retenu car c'est l'outil réglementaire répondant aux exigences de l'UNESCO le plus à même de conserver la qualité des paysages proches, dans leurs composantes esthétiques, culturelles, sociales et économiques, afin de la transmettre aux générations futures. Le classement permet en effet : / - d'assurer la préservation et la gestion des espaces agricoles et forestiers ; / - de concevoir une évolution mesurée du bâti respectueuse du paysage ; / - de promouvoir un accueil touristique équilibré et durable. / Le classement assure une protection pérenne et un label de qualité qui peut être valorisé localement ". Dès lors, la commune de Vias n'est pas fondée à soutenir que le rapport de présentation ne comporterait pas, en méconnaissance du 2° de l'article R. 123-8 du code de l'environnement, le résumé des principales raisons pour lesquelles a été retenu le classement au titre des sites. D'autre part, contrairement à ce que soutient la requérante, ce rapport de présentation présente de manière détaillée les contraintes résultant du classement des parcelles concernées, en particulier pour les propriétaires. Enfin, il ressort du bilan de la concertation préalable que les services de l'Etat ont soumis aux élus locaux une proposition de périmètre de classement afin de recueillir leurs observations. Les élus ont présenté de nombreuses demandes d'ajustement du périmètre en fonctions de spécificités locales. Un certain nombre de ces demandes ont été prises en compte et le périmètre a été affiné. Ainsi et en tout état de cause, contrairement à ce que soutient la requérante, la concertation a bien été menée avec les élus concernés. Les moyens tirés des insuffisances ou inexactitudes du dossier soumis à l'enquête publique doivent, par suite, être écartés.
8. En deuxième lieu, le quatrième alinéa de l'article L. 123-9 du même code précise que le commissaire-enquêteur ou le président de la commission d'enquête " peut organiser, sous sa présidence, une réunion d'information et d'échange avec le public en présence du maître d'ouvrage ".
9. D'une part, l'arrêté d'ouverture de l'enquête publique et l'avis d'information n'avaient pas à mentionner les réunions des 2 février, 19 mars et 17 avril organisées par les instances de coordination des services de l'Etat, dont deux sont d'ailleurs antérieures à l'ouverture de l'enquête publique, qui ne constituaient pas des réunions d'information et d'échange avec le public. D'autre part, s'il ressort des pièces du dossier que le président de la commission d'enquête n'a pas organisé de réunion d'information et d'échange avec le public dans le cadre de l'enquête publique, il résulte de l'article L. 123-9 précité qu'il n'y était pas tenu.
10. En troisième lieu, le I de l'article L. 123-10 du code de l'environnement dispose que " quinze jours au moins avant l'ouverture de l'enquête et durant celle-ci, l'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête informe le public. L'information du public est assurée par voie dématérialisée et par voie d'affichage sur le ou les lieux concernés par l'enquête, ainsi que, selon l'importance et la nature du projet, plan ou programme, par voie de publication locale / (...) ". En application des 3°, 6° et 8° du I de l'article R. 123-9 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, l'arrêté d'ouverture de l'enquête publique précise " le nom et les qualités du commissaire enquêteur ou des membres de la commission d'enquête, et de leurs suppléants ", " le cas échéant, la date et le lieu des réunions d'information et d'échange envisagées " et " l'existence d'une évaluation environnementale, d'une étude d'impact ou, à défaut, d'un dossier comprenant les informations environnementales se rapportant à l'objet de l'enquête, et du lieu où ces documents peuvent être consultés ".Aux termes de l'article R. 123-11 du même code dans sa rédaction applicable : " I. - Un avis portant les indications mentionnées à l'article R. 123-9 à la connaissance du public est publié en caractères apparents quinze jours au moins avant le début de l'enquête et rappelé dans les huit premiers jours de celle-ci dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le ou les départements concernés. (...) / II. - L'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête désigne les lieux où cet avis doit être publié par voie d'affiches et, éventuellement, par tout autre procédé. / Pour les projets, sont au minimum désignées toutes les mairies des communes sur le territoire desquelles se situe le projet. Pour les plans et programmes de niveau départemental ou régional, sont au minimum désignées les préfectures et sous-préfectures. / Cet avis est publié quinze jours au moins avant l'ouverture de l'enquête et pendant toute la durée de celle-ci. / (...) / L'avis d'enquête est également publié sur le site internet de l'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête, lorsque celle-ci dispose d'un site. / III.- En outre, dans les mêmes conditions de délai et de durée, et sauf impossibilité matérielle justifiée, le responsable du projet procède à l'affichage du même avis sur les lieux prévus pour la réalisation du projet. / Ces affiches doivent être visibles et lisibles de la ou, s'il y a lieu, des voies publiques, et être conformes à des caractéristiques et dimensions fixées par arrêté du ministre chargé de l'environnement ".
11. S'il appartient à l'autorité administrative de procéder à l'ouverture de l'enquête publique et d'assurer la publicité de celle-ci dans les conditions fixées par les dispositions du code de l'environnement qui viennent d'être rappelées, leur méconnaissance n'est toutefois de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l'illégalité de la décision prise à l'issue de l'enquête publique que si elle n'a pas permis une bonne information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative.
12. D'une part, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté d'ouverture de l'enquête publique et l'avis d'enquête se bornent à mentionner les noms et prénoms des membres de la commission d'enquête, sans indiquer leurs qualités respectives. D'autre part, si le dossier d'enquête publique comporte bien les informations environnementales se rapportant à l'objet de l'enquête, ni l'arrêté d'ouverture de l'enquête publique ni l'avis d'enquête ne mentionnent expressément l'existence d'un dossier comprenant les informations environnementales. Cependant, les irrégularités ainsi constatées n'ont pas nui à une bonne information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ni été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête. Par suite, les moyens tirés de ce que le décret attaqué aurait été pris au terme d'une enquête publique irrégulière doivent être écartés.
Sur la légalité interne du décret :
13. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 341-1 du code de l'environnement, citées au point 2, confèrent à l'autorité administrative le pouvoir de classer non seulement les parcelles qui présentent en elles-mêmes un intérêt général, notamment en raison de leur caractère pittoresque, mais également, dans la mesure où la nature du site le justifie, les parcelles qui contribuent à la sauvegarde de celui-ci.
14. Il ressort des pièces du dossier que le classement de l'ensemble formé par les paysages du canal du Midi, s'il s'étend sur plusieurs départements, permet d'assurer une protection de l'ouvrage et de ses abords, inscrits, dans leur ensemble, au patrimoine mondial de l'UNESCO, et de constituer un site homogène qui, eu égard à la qualité et à la variété de ses paysages et à la richesse de son milieu naturel, revêt un caractère pittoresque dont la préservation présente un intérêt général au sens des dispositions de l'article L. 341-1 du code de l'environnement. Contrairement à ce qui est soutenu, l'importance de la superficie du site que le gouvernement a entendu protéger ne faisait pas, par elle-même, obstacle à ce que cette protection fût établie sur le fondement de ces dispositions. Pour le même motif, la commune n'est pas fondée à soutenir qu'en raison de l'absence d'homogénéité des paysages, le périmètre du classement tel qu'il est défini par le décret attaqué serait entaché d'une erreur d'appréciation.
15. En deuxième lieu, ainsi qu'il vient d'être dit, le classement des paysages du canal du Midi répond à la finalité poursuivie par la législation sur la protection de sites. Par suite, la commune n'est pas fondée à soutenir que les zones classées l'auraient été dans le seul but de protéger leur caractère agricole ou naturel et de contrôler la délivrance des autorisations d'urbanisme dans ces zones. Les moyens tirés de ce que le décret attaqué serait entaché d'une erreur de droit et d'un détournement de procédure ne peuvent, dès lors, qu'être écartés.
16. En troisième lieu, lorsqu'il est saisi d'une requête contre un acte de classement de site auquel il est reproché de ne pas inclure dans le périmètre du classement des parcelles qui devraient l'être au regard de l'objet défini à l'article L. 341-1 du code de l'environnement, qui est d'assurer de manière complète et cohérente la conservation ou la préservation d'un site, il appartient au juge administratif de rechercher si, en excluant les parcelles contestées, l'autorité compétente a fait une inexacte application de ces dispositions et, dans l'affirmative, d'annuler l'acte attaqué en tant qu'il s'abstient de classer les parcelles en cause.
17. Contrairement à ce que soutient la commune requérante, il ressort des pièces du dossier que l'auteur du décret n'a pas exclu systématiquement du périmètre de classement les parcelles situées, dans les documents d'urbanisme applicables, en zone urbaine ou en zone à urbaniser. Au demeurant, la commune ne fait état d'aucune parcelle située en zone urbaine ou en zone à urbaniser qui, au regard de la législation sur les sites, présenterait les mêmes caractéristiques que certaines parcelles classées, ou dont le classement serait nécessaire à la protection que le décret attaqué a entendu instituer. Dès lors, la commune n'est pas fondée à soutenir que l'auteur du décret, en s'abstenant d'apprécier le caractère pittoresque des parcelles situées dans ces zones, aurait fait une inexacte application de l'article L. 341-1 du code de l'environnement.
18. En dernier lieu, si la commune conteste l'inclusion dans le périmètre de classement de parcelles des sections BA, CC, CD et DB situées sur son territoire, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'en raison de leur situation géographique, de leur covisibilité avec le canal et des objectifs poursuivis par le classement, notamment celui de préserver des espaces dans un contexte de forte pression urbaine et touristique, le classement de ces parcelles, alors même que certaines d'entre elles présentent une qualité de paysage moindre que celle d'autres parcelles classées, ou qu'elles se situent pour partie à plus de 500 mètres des bords du canal et de ses ouvrages remarquables, contribue à la cohérence et à la sauvegarde du site classé. Dès lors, le moyen tiré d'une erreur d'appréciation dans l'application de l'article L. 341-1 du code de l'environnement doit être écarté.
19. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Vias n'est pas fondée à demander l'annulation du décret qu'elle attaque.
20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la commune de Vias est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune de Vias, au Premier ministre et à la ministre de la transition écologique.
Copie en sera adressée aux communes d'Alzonne, Argeliers, Azille, Badens, Blomac, Bram, Carcassonne, Castelnaudary, Caux-et-Sauzens, Cuxac-d'Aude, Ginestas, Gruissan, Homps, La Retorde, Labastide-d'Anjou, Lasbordes, Marseillette, Mas-Saintes-Puelles, Mirepeisset, Montferrand, Montréal, Moussan, Narbonne, Ouveillan, Paraza, Pennautier, Pexiora, Pezens, Port-La Nouvelle, Puichéric, Roubia, Sainte-Eulalie, Saint-Marcel-sur-Aude, Saint-Martin-Lalande, Saint-Nazaire d'Aude, Sallèles-d'Aude, Trèbes, Ventenac-en-Minervois, Villalier, Villedubert, Villemoustaussou, Villepinte et Villesèquelande, Auzeville-Tolosane, Avignonet-Lauragais, Ayguesvives, Castanet-Tolosan, Deyme, Donneville, Gardouch, Labège, Montesquieu-Lauragais, Montgiscard, Pechabou, Pompertuzat, Ramonville-Saint-Agne, Renneville, Saint-Rome, Vieillevigne, Agde, Béziers, Capestang, Cers, Colombiers, Cruzy, Marseillan, Nissan-lez-Enserune, Olonzac, Poilhes, Portiragnes, Quarante, Villeneuve-les-Béziers et Argens-Minervois.