Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 juin 2020, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 février 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 5 août 2019 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- sa requête introduite dans le mois suivant la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle est recevable alors en outre que les dispositions de l'ordonnance du 25 mars 2020 ont aménagé les délais de recours en raison de l'état d'urgence sanitaire ;
En ce qui concerne la régularité du jugement :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il a été rendu par la 6ème chambre du tribunal administratif de Bordeaux alors qu'aux termes de l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat du 27 janvier 2020, ce tribunal ne comporte que cinq chambres ;
- le jugement est insuffisamment motivé concernant les moyens tirés du défaut de motivation, de l'examen réel et sérieux de sa situation et de la méconnaissance de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
- elle est insuffisamment motivée et repose sur des motifs erronés ;
- la préfète n'a pas procédé à un examen complet de sa situation personnelle ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2020, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Elle s'en remet au mémoire déposé en première instance.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 mai 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante algérienne née le 16 juillet 1982, est entrée régulièrement en France le 5 novembre 2013 pour y rejoindre son époux alors titulaire d'un titre de séjour " étudiant " et a bénéficié d'un certificat de résidence algérien en qualité de " visiteur ", régulièrement renouvelé jusqu'au 21 juin 2018. Le 24 avril 2018 elle a sollicité le renouvellement de ce titre ainsi que la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article 7 bis h) de l'accord-franco-algérien. Par un arrêté du 5 août 2019, la préfète de la Gironde a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme C... relève appel du jugement du 12 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 222-8 du code de justice administrative : " L'affectation des membres dans les chambres et la composition de chacune d'elles ainsi que la répartition des affaires entre ces chambres sont décidées par le président de la juridiction ". L'article R. 221-4 du même code prévoit que : " Le nombre de chambres de chaque tribunal administratif est fixé par arrêté du vice-président du Conseil d'Etat ".
3. Le jugement attaqué a été rendu par une formation collégiale, dont la composition a été déterminée par le président du tribunal administratif de Bordeaux dans le cadre de son pouvoir d'organisation du service conféré par les dispositions précitées de l'article R. 222-8 du code de justice administrative. Dans ces conditions, et dès lors qu'il est constant que les magistrats composant cette formation de jugement ont été régulièrement nommés et affectés au tribunal administratif de Bordeaux, la circonstance que le président de cette juridiction les ait affectés à une " sixième " chambre, sans que l'existence de celle-ci ne soit mentionnée dans l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat du 27 janvier 2020 est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.
4. En deuxième lieu, il ressort du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus d'écarter expressément tous les arguments de Mme C..., ont, contrairement à ce que soutient l'intéressée, suffisamment précisé les motifs de leur décision en ce qui concerne tant le moyen tiré du défaut de motivation et d'examen complet de la situation de l'appelante, que celui tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La circonstance, en l'admettant même établie, que les motifs du jugement contesté seraient entachés d'erreurs au fond, ou d'une inexactitude d'appréciation des faits, cette critique qui relève du bien-fondé de la décision des premiers juges est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". La décision par laquelle la préfète de la Gironde a rejeté la demande de renouvellement du titre de séjour de Mme C..., qui est ainsi qu'il n'est d'ailleurs pas contesté, suffisamment motivée en droit, est également suffisamment motivée au regard des éléments de fait. En effet, cette décision mentionne l'ensemble des éléments relatifs aux conditions d'entrée en France de Mme C... et précise qu'à la suite du départ de son époux dont elle dépendait financièrement, elle ne remplit plus les conditions pour se voir renouveler son titre de séjour en qualité de visiteur. L'arrêté précise également que l'intéressée qui n'a pas bénéficié d'un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " durant son séjour de cinq années, ne peut prétendre au bénéfice des stipulations de l'article 7 bis h) de l'accord-franco algérien ni davantage à une admission au séjour par le travail en l'absence de transmission d'un dossier complet. En outre, la décision en litige fait état de sa situation familiale et de ses liens familiaux en Algérie et indique qu'en dépit de la présence sur le territoire de ses deux enfants et de son frère de nationalité française, il ne serait pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Au regard des éléments qui avaient été portés à la connaissance de la préfète à la date de la décision de refus de séjour, et dès lors, que contrairement à ce que soutient la requérante, la décision de refus de séjour n'a pas à indiquer de façon exhaustive l'ensemble des éléments relatifs à une situation personnelle, mais uniquement les éléments sur lesquels la préfète a entendu fonder sa décision, le moyen invoqué par Mme C..., tiré de l'insuffisance de la motivation du refus de séjour doit être écarté.
6. En deuxième lieu, il ressort de cette motivation que la préfète de Gironde s'est livrée à un examen complet de la situation de Mme C.... La seule circonstance que la préfète aurait commis une erreur de fait en retenant qu'elle n'avait suivi aucune formation n'est pas de nature à traduire un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation alors en outre qu'il ressort des pièces du dossier que la requérante a échoué à l'examen du département d'études de français langue étrangère et qu'elle ne justifie que d'une simple candidature pour le suivi de la formation en informatique dite " Hackeuse ".
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. S'il ressort des pèces du dossier que Mme C... a séjourné régulièrement en France depuis novembre 2013, le certificat de résidence algérien en qualité de " visiteur " ne lui a été délivré dans le cadre des dispositions de l'article 7 a) de l'accord-franco algérien qu'en vue de lui permettre d'accompagner son époux, étudiant de nationalité algérienne, lequel n'avait vocation à demeurer en France que le temps strictement nécessaire au déroulement de ses études. Si Mme C... soutient ne plus entretenir de relation avec son époux, reparti en Algérie, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'y est pas dépourvue d'attaches familiales et que ses parents et une partie de sa fratrie y résident. La circonstance que ses deux enfants mineurs soient scolarisés en France et participent à des activités extrascolaires ne traduisent pas une méconnaissance des stipulations précitées dès lors qu'elle ne fait état d'aucun obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue dans leur pays d'origine, pays dont toute la famille possède la nationalité et où les enfants pourront poursuivre une scolarité normale. Elle ne démontre pas non plus une insertion sociale notable sur le territoire national par la seule production de deux promesses d'embauche dont l'une est au demeurant postérieure à l'arrêté attaqué et d'un courrier de soutien, établi pour les besoins de la cause. Les circonstances qu'elle a suivi des cours de français et justifie de la présence sur le territoire d'un frère de nationalité française ne permettent pas à elles seules, de considérer que le centre de ses intérêts privés et familiaux se situait en France à la date de la décision contestée. Dans ces conditions, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée méconnaît les stipulations précitées de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. En quatrième lieu, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie familiale. Dès lors que ces conditions sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de cet article à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Toutefois, si l'accord franco-algérien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation. Eu égard aux circonstances exposées au point 8, la préfète de la Gironde ne peut être regardée comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que l'admission de l'intéressée au séjour ne se justifiait pas au regard de motifs exceptionnels, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire de régularisation.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision refusant d'accorder un certificat de résidence doit être écarté.
11. En deuxième lieu, eu égard aux circonstances exposées au point 8, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
En ce qui concerne le pays de destination :
12. Aucun moyen d'illégalité n'ayant été retenu à l'appui des conclusions tendant à l'annulation du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité des décisions sur lesquelles elle est fondée. Il s'ensuit que ce moyen ne saurait être accueilli.
13. Il résulte de ce tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 août 2019. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de Mme C... à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., à Me A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme Birsen D..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 novembre 2020.
Le rapporteur,
Birsen D...
La présidente,
Elisabeth JayatLe greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°20BX01957