Elles soutiennent, en ce qui concerne la recevabilité de leur demande, que :
- l'association justifie d'un intérêt à agir à l'encontre du permis de construire compte tenu de son objet social tel qu'il est défini à l'article 2 de ses statuts ;
- ses statuts ont été déposés en préfecture plus d'un an avant la date d'affichage de la demande de permis de construire ; les conditions prévues par l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme ont été respectées ;
- elle est régulièrement représentée en justice par son président conformément à l'article 13 de ses statuts ;
- Mme D... a intérêt à contester le permis de construire dès lors qu'elle demeure dans un hameau situé à 700 mètres seulement de l'éolienne la plus proche ; elle a produit son titre de propriété en application de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme.
Elles soutiennent, au fond, que :
- l'avis émis par le ministre de la défense sur le projet, en application de l'article R. 425-9 du code de l'urbanisme et de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile, est irrégulier car il ne mentionne pas la bonne hauteur de deux des cinq éoliennes projetées, reproduisant l'erreur contenue dans le permis de construire ;
- les dispositions de l'article A. 424-3 du code de l'urbanisme qui imposent de faire figurer dans le permis de construire les prescriptions applicables au projet n'ont pas été respectées ;
- le permis de construire est entaché d'erreur d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dès lors que le projet doit être implanté au coeur d'un massif forestier soumis à un risque de feu de forêt ; la hauteur des éoliennes compromettra l'usage des bombardiers d'eau pour lutter contre ce risque ;
- le permis de construire est entaché d'erreur d'appréciation au regard de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme car il porte atteinte à l'unité paysagère du petit Angoumois et de ses alentours ainsi qu'aux monuments historiques existants ; cet impact visuel du projet est accentué par les hauteurs différentes des éoliennes, leur implantation en deux lignes quasi perpendiculaires et en raison du fait qu'elles seront visibles de loin depuis de nombreux points ; cet impact visuel sera également important pour les habitants des hameaux environnants.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 septembre 2020 et le 16 novembre 2020, la société Res, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des requérantes la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, en ce qui concerne la recevabilité, que :
- l'association APPY n'a pas déposé ses statuts dans le délai prévu à l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme, ce qui rend sa demande irrecevable ;
- Mme D... n'a pas présenté son titre de propriété comme l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme lui en fait l'obligation ; de plus, le hameau dans lequel elle demeure est entouré de boisements qui limitent l'impact visuel du projet ; son intérêt à agir ne doit donc pas être admis.
Elle soutient, au fond, que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'aviation civile ;
- le code de l'urbanisme ;
- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. F... B...,
- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,
- et les observations de Me A... pour les requérantes, et de Me C... pour la société Res.
Considérant ce qui suit :
1. En 2015, la société Res a déposé en préfecture de Charente quatre demandes de permis de construire un ensemble de cinq éoliennes et deux postes de livraison sur les territoires des communes de Bardenac, Brossac, Saint-Valliers et Yviers. Aucune décision expresse n'ayant été prise à l'issue du délai d'instruction, ces demandes ont fait l'objet de refus tacites que la société Res a contestés devant le tribunal administratif de Poitiers. Par deux jugements rendus le 25 avril 2018 sous les n°1700122 et 1602459, le tribunal a annulé les décisions implicites de rejet de ces demandes de permis de construire et prescrit au préfet de réexaminer ces dernières. Le 21 novembre 2018, le préfet de la Charente a délivré à la société Res un permis de construire l'éolienne n°1 et le poste de livraison du futur parc, situés au lieu-dit " La Motte à Coiron " sur le territoire de la commune d'Yviers. L'association pour la promotion et la préservation de la vocation agricole, environnementale, touristique et culturelle d'Yviers et de ses environs (APPY) et Mme D... demandent à la cour d'annuler ce permis de construire du 21 novembre 2018.
Sur la légalité du permis de construire du 21 novembre 2018 :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 425-9 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet porte sur une construction susceptible, en raison de son emplacement et de sa hauteur, de constituer un obstacle à la navigation aérienne, le permis de construire (...) tient lieu de l'autorisation prévue par l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense. ". Aux termes de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile : " A l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement (...) l'établissement de certaines installations qui, en raison de leur hauteur, pourraient constituer des obstacles à la navigation aérienne est soumis à une autorisation spéciale du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense ".
3. Il ressort des pièces du dossier que l'éolienne n° 1, autorisée par le permis de construire en litige, présente une hauteur de 165 mètres en bout de pale. Cette hauteur a exactement été prise en compte par le ministre de la défense dans son avis du 20 octobre 2015, valant accord à la demande de permis de construire conformément aux dispositions précitées. Par suite, le ministre n'a pas commis d'erreur quant à la hauteur de l'éolienne projetée et le moyen tiré du vice de procédure dont serait entaché le permis de construire doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article A. 424-3 du code de l'urbanisme, applicable notamment aux permis de construire : " L'arrêté indique, selon les cas : (...) d) Si la décision est assortie de prescriptions (...) ".
5. L'autorisation en litige vise les avis émis sur la demande de permis par le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Charente, la direction générale de l'aviation civile (DGAC) et la direction de l'aménagement et de l'éducation (DAE) du département de la Charente. Le dispositif du permis de construire comporte la mention suivante : " le permis est accordé sous réserve de respecter les avis des services joints en annexe au présent arrêté ". En renvoyant expressément aux prescriptions des services consultés, lesquelles étaient annexées au permis et formulées avec une précision suffisante, le préfet a satisfait aux dispositions de l'article A. 423-4 du code de l'urbanisme alors même qu'il n'a pas inclus dans le corps de son arrêté les prescriptions de la DGAC, comme celle-ci le demandait dans son avis.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".
7. Dans son jugement n° 1700122 du 25 avril 2018, devenu définitif, le tribunal administratif de Poitiers a annulé le refus initial de permis de construire opposé à la société Res au motif, notamment, que la ferme éolienne projetée, bien qu'implantée dans le massif forestier de la Double, lequel est soumis à un risque de feux de forêt, bénéficiera de " mesures de prévention, comportant notamment l'entretien des plateformes et des accès, le débroussaillage des bas-côtés des accès, le découplage du réseau et la mise en sécurité des machines à partir de vents de 90 km/h et l'équipement de chaque machine en moyens de détection d'incendie, d'alerte rapide et de lutte contre le feu ". Le tribunal, qui a aussi relevé que le SDIS de la Charente n'avait émis aucune recommandation particulière sur la sécurité incendie du projet, a déduit de ces considérations que le refus de permis était entaché d'une erreur quant à l'appréciation du risque d'incendie auquel est exposé le futur parc éolien.
8. L'autorité de chose jugée s'attachant au dispositif de ce jugement d'annulation, devenu définitif, ainsi qu'aux motifs qui en sont le support nécessaire fait obstacle à ce que, en l'absence de modification de la situation de droit ou de fait, tenant notamment à la consistance ou à l'implantation du projet, le permis de construire soit de nouveau refusé par le préfet pour le motif, rappelé ci-dessus, que le tribunal a censuré. Dans ces conditions, les requérantes ne peuvent utilement soutenir que le permis en litige méconnait les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en raison du risque d'incendie qui pèse sur le site d'implantation du projet.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ".
10. Il résulte de ces dispositions que, pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il appartient à l'autorité compétente d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.
11. Il résulte de l'instruction que le parc éolien projeté doit s'implanter au sein de l'unité paysagère du petit Angoumois, paysage à la topographie irrégulière caractérisée par l'alternance de vallées et de lignes de crêtes. La végétation y est représentée par un ensemble forestier composé de pins et de chênes qui entraîne pour le secteur considéré, en raison de son caractère collinaire, une certaine fermeture visuelle. L'habitat proche y est dispersé sous la forme de hameaux et de demeures isolées. Selon les données recueillies dans l'étude d'impact, l'unité paysagère du petit Angoumois souffre d'un déficit d'identité et de représentation en termes d'image, notamment dans les guides touristiques. Par ailleurs, à l'est du secteur d'implantation du projet se trouvent les collines de Montmoreau, paysage vallonné et agricole, sans ruptures, majoritairement ouvert et dont le volet paysager joint à la demande de permis reconnait la " beauté " même s'il ne bénéficie pas d'une " reconnaissance affirmée ". Les monuments historiques les plus proches du site d'implantation sont l'église de Brossac, l'église de Curac et le château de Chalais situés, respectivement, à 2,5 km, 4,5 km et 6 km de ce dernier.
12. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que le petit Angoumois présente par lui-même un intérêt paysager ou une sensibilité particulière auxquels le parc éolien projeté, composé de cinq éoliennes, porterait une atteinte significative. Le parc éolien aura en revanche un impact visuel plus franc pour les collines de Montmoreau, à l'intérêt paysager davantage marqué comme il a été dit ci-dessus. Il ne résulte cependant pas de l'instruction et notamment des photomontages joints au volet paysager que cet impact serait significativement négatif compte tenu du nombre peu élevé des éoliennes projetées, de leur espacement et du fait que l'appareil le plus proche se situe à 4,6 km de ces collines.
13. Il est par ailleurs établi au dossier que les éoliennes projetées seront visibles depuis le sud-est du château de Chalais, monument historique protégé, mais il n'apparait pas que l'impact visuel, qui est partiel, du parc éolien sur cet édifice présentera un caractère significatif compte tenu des distances observées et de la configuration du parc. Il résulte par ailleurs de l'instruction que le projet sera faiblement visible depuis l'église de Curac, seule l'extrémité des pales des éoliennes n° 2 et 3 devant émerger derrière le front boisé existant. Enfin, le parc éolien projeté ne sera pas visible depuis l'église de Brossac qui, bien que située à 2,5 km de celui-ci, est implantée au coeur du village bâti.
14. Il ne résulte pas de l'instruction et notamment des photomontages versés au dossier que les éoliennes projetées auront un impact visuel significatif notamment depuis la sortie du village de Saint-Valliers et le centre bourg de Chalais au point de révéler une méconnaissance des intérêts protégés par l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme. Il résulte par ailleurs du point précédent que l'atteinte visuelle causée par le projet aux bourgs de Brossac et de Curac sera faible. Cette atteinte n'est pas non plus significative depuis les hameaux environnants, notamment ceux de Barret, Durandeau et la Madeleine.
15. Les requérantes, de leur côté, ne produisent aucun élément permettant d'estimer que les photomontages composant le volet paysager de la demande de permis n'auraient pas fidèlement représenté les incidences visuelles du projet sur son environnement paysager et patrimonial. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-27 du code de l'environnement par le permis de construire contesté, lequel doit être considéré comme une autorisation environnementale en application de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale, doit, par suite, être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non- recevoir, que les requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation du permis de construire en litige du 21 novembre 2018.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par les requérantes qui sont la partie perdante dans la présente instance doivent être rejetées. En revanche, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions en mettant à la charge des requérantes, prises ensemble, une somme de 400 euros au titre des frais, non compris dans les dépens, exposés par la société Res.
DECIDE :
Article 1er : La requête n°19BX00325 est rejetée.
Article 2 : L'association APPY et Mme D..., prises ensemble, verseront à la société Res la somme de 400 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association pour la promotion et la préservation de la vocation agricole, environnementale, touristique et culturelle d'Yviers, à Mme E... D..., à la société Res et au ministre de la transition écologique.
Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Charente et à la commune d'Yviers.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. F... B..., président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2021.
Le président,
Elisabeth Jayat La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX00325