Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 février 2019, la commune de Castres, représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 27 décembre 2018 ;
2°) de rejeter les demandes de première instance des sociétés ;
3°) de mettre à la charge des sociétés la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a commis une erreur de droit en jugeant illégale la décision en litige au motif que la commune ne justifiait pas d'un projet précis ; une telle exigence n'est pas imposée par les articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme tels qu'interprétés par le Conseil d'Etat (décision du 7 mars 2008 n°288731) ;
- le tribunal a commis une erreur d'appréciation en relevant que la commune n'avait pris aucune délibération instituant le droit de préemption urbain pour le développement de l'activité commerciale dans le centre-ville ; l'article L. 211-1 du code de l'urbanisme permet à la commune d'instituer par délibération le droit de préemption urbain sans avoir à justifier à ce stade de l'objet pour lequel le droit sera exercé ; de plus, le tribunal a omis de prendre en compte les délibérations du 8 juillet 2008 et du 15 septembre 2015 par lesquelles le conseil municipal a institué le droit de préemption commercial ;
- le projet de la société ira à l'encontre de l'objectif de redynamisation des commerces du centre-ville.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mai 2019, la société d'exploitation Amidis et Compagnie, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Castres la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés ; subsidiairement, que la décision de préemption est illégale compte tenu des autres moyens soulevés à son encontre en première instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2020, la société Louxor Conseil, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Castres le paiement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E... B...,
- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,
- et les observations de Me F..., représentant la commune de Castres.
Considérant ce qui suit :
1. La société d'exploitation Amidis et Compagnie est propriétaire au 3 rue Camille Rabaud à Castres, d'un immeuble à usage commercial qu'elle souhaite vendre à la société Louxor Conseil. Ce bien étant situé dans le périmètre du droit de préemption institué par la commune de Castres, le notaire chargé de la vente a adressé en mairie, le 15 décembre 2017, une déclaration d'intention d'aliéner. Par une décision du 9 janvier 2018, confirmée le 12 mars 2018 sur recours gracieux de la société Amidis et Compagnie, le maire de Castres a exercé le droit de préemption sur l'immeuble concerné au prix de 170 000 euros. La société d'exploitation Amidis et Compagnie et la société Louxor Conseil ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision de préemption du 9 janvier 2018 et la décision du 12 mars 2018. Par un jugement rendu le 28 décembre 2018, dont la commune de Castres relève appel, le tribunal a annulé les décisions contestées.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. ". Aux termes de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets (...) d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme (...) de permettre le renouvellement urbain, (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que les titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, s'ils justifient, à la date à laquelle ils l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date et, d'autre part, s'ils font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption.
4. Pour prendre la décision contestée, qui se réfère explicitement à l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme relatif au droit de préemption urbain, le maire a relevé que le bien pour lequel la préemption est exercée se trouve dans le coeur historique et touristique de la ville où la commune " souhaite mettre en oeuvre une politique volontariste visant à développer l'activité commerciale de son centre-ville tout en s'efforçant d'assurer une diversité commerciale ".
5. Afin de justifier de la réalité de son projet d'aménagement, la commune met en avant l'objectif de revitalisation du centre-ville mentionné dans les orientations du projet d'aménagement et de développement durables de son plan local d'urbanisme et sa politique de renforcement des commerces dans cette partie de son territoire. De telles considérations, alors même que la commune a manifesté son opposition à l'installation d'une grande enseigne en périphérie de son territoire lors de l'instruction d'une demande de permis de construire soumise aux règles de l'urbanisme commercial, demeurent vagues et sont en particulier dépourvues de toute référence à un projet, même non précisément défini, concrétisant les ambitions communales en matière de maintien et de développement des activités commerciales dans le centre-ville.
6. La circonstance que la commune de Castres ait ponctuellement fait usage de son droit de préemption entre 2012 et 2017 dans le but de redynamiser certains commerces du centre-ville ne permet pas non plus de caractériser la nature du projet d'aménagement à la réalisation duquel la décision en litige du 9 janvier 2018 est censée contribuer.
7. Enfin, la décision du 9 janvier 2018 fait application, ainsi qu'il a été dit, de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme relatif à l'exercice du droit de préemption urbain et non de l'article L. 214-1 du même code qui concerne le droit, distinct, de préemption sur les fonds de commerce. Par suite, la commune ne peut utilement soutenir que la réalité de son projet est établie par l'existence des délibérations du 8 juillet 2008 et du 15 décembre 2015 de son conseil municipal instituant, dans un périmètre incluant l'immeuble préempté, le droit de préemption sur les fonds de commerce. Au demeurant, ces délibérations, qui procèdent seulement à la délimitation du périmètre de ce droit de préemption, ne révèlent aucunement l'existence d'un projet précis qui aurait permis de fonder légalement les décisions en litige.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Castres n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les décisions du 9 janvier 2018 et du 12 mars 2018. Dès lors, sa requête doit être rejetée.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les conclusions de la commune de Castres présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées dès lors qu'elle est la partie perdante à l'instance d'appel. En revanche, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions en mettant à la charge de la commune appelante la somme de 1 500 euros au titre des frais, non compris dans les dépens, exposés par la société d'exploitation Amidis et Compagnie. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la société Louxor Conseil.
DECIDE :
Article 1er : La requête n°19BX00668 présentée par la commune de Castres est rejetée.
Article 2 : La commune de Castres versera à la société d'exploitation Amidis et Compagnie la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société Louxor Conseil au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Castres, à la société d'exploitation Amidis et Compagnie et à la société Louxor Conseil.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. E... B..., président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2021.
Le président,
Elisabeth Jayat
La République mande et ordonne au préfet du Tarn en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX00668