Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 juin 2019 et 23 octobre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 février 2019 avec toutes les conséquences de droit ;
2°) de rétablir M. et Mme F... à l'impôt sur le revenu des années 2012, 2013 et 2014 dont la décharge a été indument ordonnée par le tribunal administratif.
Il soutient que :
- le tribunal a commis une erreur de droit au regard des dispositions de l'article 44 octies A du code général des impôts ;
- M. F... ne justifie pas d'une implantation réelle en zone franche urbaine lui ouvrant droit au bénéfice de l'exonération dès lors que seule la SCM " SOS Médecins Rive droite " est implantée en zone franche urbaine ; M. F... ne dispose dans le local mis à sa disposition par la SCM d'aucun secrétariat, et n'emploie aucun salarié sédentaire ; les locaux dont il dispose ne lui appartiennent pas en propre ;
- l'intégralité de la partie administrative de son activité n'étant pas exercée à Cenon mais assurée en partie par la SCM H24 située hors zone franche urbaine et dont il est également actionnaire, M. F... qui ne satisfait pas aux quatre conditions cumulatives de l'assouplissement ministériel prévu par la réponse ministérielle Ciotti, ne peut se prévaloir de la réduction d'impôt sollicitée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 août 2019, M. et Mme F..., représentés par Me D..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles ;
- la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire ;
- la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Birsen Sarac-Deleigne, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant M. et Mme F....
Considérant ce qui suit :
1. M. F..., médecin généraliste, exerce son activité depuis le 1er février 2009 au sein de la société civile de moyens (SCM) " SOS Médecins Rive Droite " implantée dans la zone franche urbaine de Cenon, dont il détient 20 parts. Il a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des bénéfices non commerciaux des années 2012, 2013 et 2014, à l'issue de laquelle l'administration a, par proposition de rectification du 23 juillet 2015, remis en cause, au titre de la période vérifiée, le bénéfice du régime d'exonération prévu par les dispositions de l'article 44 octies A du code général des impôts en faveur des contribuables créant ou exerçant une activité dans une zone franche urbaine (ZFU). M. F... a formé contre les suppléments d'impôt sur le revenu résultant de ce contrôle une réclamation contentieuse qui a été rejetée le 14 mars 2017. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel du jugement du 13 février 2019, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a déchargé M. et Mme F... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014, pour un montant total de 68 727 euros.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 44 octies A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " I.-Les contribuables qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2014, créent des activités dans les zones franches urbaines (...) sont exonérés d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans la zone jusqu'au 31 décembre 2010 pour les contribuables qui y exercent déjà une activité au 1er janvier 2006 ou, dans le cas contraire, jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui du début de leur activité dans l'une de ces zones. (...). / Lorsque l'activité non sédentaire d'un contribuable est implantée dans une zone franche urbaine mais est exercée en tout ou partie en dehors d'une telle zone, l'exonération s'applique si ce contribuable emploie au moins un salarié sédentaire à temps plein ou équivalent, exerçant ses fonctions dans les locaux affectés à l'activité, ou si ce contribuable réalise au moins 25 % de son chiffre d'affaires auprès de clients situés dans les zones franches urbaines. (...). ".
3. Il résulte de l'instruction que l'activité de M. F... comporte, d'une part, la réalisation de consultations sur place, selon un système de garde auquel participent les autres médecins associés, d'autre part, de nombreuses visites de patients à domicile. Par suite, l'activité du requérant présente un caractère non sédentaire au sens des dispositions précitées de l'article 44 octies A du code général des impôts. L'intéressé peut se prévaloir du dispositif fiscal de faveur prévu par les dispositions précitées, sous réserve de justifier, d'une part, que son activité était réellement implantée dans une zone franche urbaine et, d'autre part, qu'il employait au moins un salarié sédentaire à temps plein ou équivalent ou qu'il réalisait au moins 25 % de son chiffre d'affaires auprès de clients situés dans une telle zone.
4. M. F... exerce son activité professionnelle de médecin généraliste dans le cadre de la SCM " SOS Médecins Rive droite " dont les locaux sont situés au 19 avenue Georges Clémenceau à Cenon (33150) dans l'une des ZFU définies par la loi du 4 février 1995 et dont la liste figure en annexe à la loi du 14 novembre 1996. Ces locaux comportent un cabinet de consultation loué par la SCM " SOS Médecins Rive droite " laquelle emploie une personne à temps plein, chargée de diverses tâches administratives. M. F... soutient sans être valablement contredit, disposer d'une implantation matérielle et de moyens d'exploitation propres et notamment d'un cabinet individuel qui constitue son seul lieu d'exercice hors visites à domicile, et que toute la partie administrative de son activité comportant notamment les correspondances, les liaisons avec les administrations et les organismes de santé ainsi que l'établissement des plannings, hors appels téléphoniques, est gérée dans les locaux situés en ZFU. Par conséquent, et alors même que son activité est exercée dans le cadre d'une société civile de moyens et qu'il est par ailleurs associé d'une autre SCM chargée de la gestion des appels téléphoniques, M. F... doit être regardé comme justifiant d'une implantation réelle de son activité en zone franche urbaine. M. F... qui a produit en première instance le relevé de ses honoraires, issu du Système National Inter Régime (SNIR), soutient, sans être contredit, avoir réalisé en zone franche urbaine, au titre de l'année 2012, 38,19 % de son chiffre d'affaires, qu'il s'agisse de consultations sur place en cabinet qui représentent 19,72 % du chiffre d'affaires ou de consultations à domicile chez des patients résidant en zone franche urbaine, soit 18,47% de ses recettes, au titre de l'année 2013, 37,92% de son chiffre d'affaires, les consultations sur place représentant 20,61 % et les consultations chez des patients résidant en zone franche urbaine 17,31% et, enfin, au titre de l'année 2014, 39,48% de son chiffre d'affaires, les consultations sur place représentant 20,61 % et les consultations chez des patients résidant en zone franche urbaine 23,48 %. Au regard de ces éléments, la condition tenant à la réalisation d'au moins 25 % du chiffre d'affaires auprès de clients situés dans la zone franche urbaine est satisfaite sur les années redressées, ce que l'administration ne conteste pas. Dès lors, M. F... était éligible à l'exonération prévue par les dispositions de l'article 44 A octies du code général des impôts.
5. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. et Mme F... ont été assujettis au titre des années 2012 à 2014 inclus.
Sur les frais liés au litige :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au bénéfice de M. et Mme F... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'action et des comptes publics est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme F... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... F... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance. Copie en sera adressée à la direction du contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme E... A..., présidente,
M. Frédéric Faïck, président assesseur,
Mme Birsen Sarac-Deleigne, premier conseiller,
Rendu public par mise à la disposition du greffe le 15 décembre 2020.
La présidente,
Elisabeth A... La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX02425