Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 juillet 2019 et 23 octobre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 avril 2019, avec toutes les conséquences de droit ;
2°) de rétablir M. A... à l'impôt sur le revenu des années 2013 et 2014 et aux prélèvements sociaux dont la décharge a été indument ordonnée par le tribunal administratif.
Il soutient que :
- en regardant la demande de première instance comme recevable alors qu'elle ne contenait l'exposé d'aucun fait ni de moyens s'agissant de la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles M. A... a été assujetti à raison des plus-values professionnelles résultant de la perception d'indemnités d'intégration versées par trois nouveaux associés, et en prononçant, sans motivation, la décharge totale des impositions alors que le quantum était limité aux seules cotisations d'impôt sur le revenu des années 2013 et 2014 procédant des rectifications relatives aux bénéfices non commerciaux, le tribunal administratif a entaché son jugement d'irrégularité ;
- le tribunal a commis une erreur de droit au regard des dispositions de l'article 44 octies A du code général des impôts ;
- M. A... ne justifie pas d'une implantation réelle en zone franche urbaine lui ouvrant droit au bénéfice de l'exonération dès lors que seule la SCM " SOS Médecins Rive droite " est implantée en zone franche urbaine ; M. A... ne dispose dans le local mis à sa disposition par la SCM d'aucun secrétariat, et n'emploie aucun salarié sédentaire ; les locaux dont il dispose ne lui appartiennent pas en propre ;
- l'intégralité de la partie administrative de son activité n'étant pas exercée à Cenon mais assurée en partie par la SCM H24 située hors zone franche urbaine et dont il est également actionnaire, M. A... qui ne satisfait pas aux quatre conditions cumulatives de l'assouplissement ministériel prévu par la réponse ministérielle Ciotti, ne peut se prévaloir de la réduction d'impôt sollicitée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2019, M. A..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles ;
- la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire ;
- la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Birsen Sarac-Deleigne, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., médecin généraliste, exerce son activité depuis le 11 septembre 2000 au sein de la société civile de moyens (SCM) " SOS Médecins Rive Droite " implantée dans la zone franche urbaine de Cenon, dont il détient 20 parts. Il a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des bénéfices non commerciaux portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, à l'issue de laquelle l'administration a, par proposition de rectification du 28 juillet 2015, remis en cause, au titre des années 2013 et 2014, le bénéfice du régime d'exonération prévu par les dispositions de l'article 44 octies A du code général des impôts en faveur des contribuables créant ou exerçant une activité dans une zone franche urbaine (ZFU). Il a été également soumis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et à des prélèvements sociaux au titre de la plus-value professionnelle réalisée en 2014 à la suite de la perception d'indemnités d'intégration versées par trois nouveaux associés de la SCM " SOS Médecins Rive droite ". M. A... a formé contre les suppléments d'impôt résultant de ce contrôle une réclamation contentieuse qui a été rejetée le 14 mars 2017. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel du jugement du 30 avril 2019, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a déchargé M. A... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des suppléments de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 et 2014, pour un montant total de 13 316 euros.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 28 juillet 2015 ainsi que le courrier de réponse du 28 octobre 2015 adressés à M. A... faisaient état d'un rehaussement en matière d'impôt sur le revenu au taux proportionnel et de prélèvements sociaux consécutif à l'intégration d'une plus-value professionnelle au titre de l'année 2014, pour un montant total, en droits et pénalités, de 2 056 euros, soit 1 042 euros au titre de l'impôt sur le revenu et 1 014 euros au titre des prélèvements sociaux et des intérêts correspondants. Si M. A... a sollicité, dans sa demande de première instance devant le tribunal administratif de Bordeaux, la décharge de la totalité des suppléments d'impôt mis à sa charge au titre des années 2013 et 2014 sans distinction, toutefois, il n'a assorti d'aucun moyen ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux procédant de cette plus-value. Dans ces conditions, les conclusions tendant à la décharge de ces cotisations n'étaient pas recevables. Par suite, le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels le contribuable a été assujetti à raison d'une plus-value réalisée en 2014.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 44 octies A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " I.-Les contribuables qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2014, créent des activités dans les zones franches urbaines (...) sont exonérés d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans la zone jusqu'au 31 décembre 2010 pour les contribuables qui y exercent déjà une activité au 1er janvier 2006 ou, dans le cas contraire, jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui du début de leur activité dans l'une de ces zones. (...). / Lorsque l'activité non sédentaire d'un contribuable est implantée dans une zone franche urbaine mais est exercée en tout ou partie en dehors d'une telle zone, l'exonération s'applique si ce contribuable emploie au moins un salarié sédentaire à temps plein ou équivalent, exerçant ses fonctions dans les locaux affectés à l'activité, ou si ce contribuable réalise au moins 25 % de son chiffre d'affaires auprès de clients situés dans les zones franches urbaines. (...). ".
4. Il résulte de l'instruction que l'activité de M. A... comporte, d'une part, la réalisation de consultations sur place, selon un système de garde auquel participent les autres médecins associés, d'autre part, de nombreuses visites de patients à domicile. Par suite, l'activité du requérant présente un caractère non sédentaire au sens des dispositions précitées de l'article 44 octies A du code général des impôts. L'intéressé peut se prévaloir du dispositif fiscal de faveur prévu par les dispositions précitées, sous réserve de justifier, d'une part, que son activité était réellement implantée dans une zone franche urbaine et, d'autre part, qu'il employait au moins un salarié sédentaire à temps plein ou équivalent ou qu'il réalisait au moins 25 % de son chiffre d'affaires auprès de clients situés dans une telle zone.
5. M. A... exerce son activité professionnelle de médecin généraliste dans le cadre de la SCM " SOS Médecins Rive droite " dont les locaux sont situés au 19 avenue Georges Clémenceau à Cenon (33150) dans l'une des ZFU définies par la loi du 4 février 1995 et dont la liste figure en annexe à la loi du 14 novembre 1996. Ces locaux comportent un cabinet de consultation loué par la SCM " SOS Médecins Rive droite " laquelle emploie une personne à temps plein, chargée de diverses tâches administratives. M. A... soutient sans être valablement contredit, disposer d'une implantation matérielle et de moyens d'exploitation propres et notamment d'un cabinet individuel qui constitue son seul lieu d'exercice hors visites à domicile, et que toute la partie administrative de son activité comportant notamment les correspondances, les liaisons avec les administrations et les organismes de santé ainsi que l'établissement des plannings, hors appels téléphoniques, est gérée dans les locaux situés en ZFU. Par conséquent, et alors même que son activité est exercée dans le cadre d'une société civile de moyens et qu'il est par ailleurs associé d'une autre SCM chargée de la gestion des appels téléphoniques, M. A... doit être regardé comme justifiant d'une implantation réelle de son activité en zone franche urbaine. M. A..., qui produit le relevé de ses honoraires issu du Système National Inter Régime (SNIR), soutient, sans être contredit, avoir réalisé en zone franche urbaine, respectivement au titre des années 2013 et 2014, 39,20 % et 41,40 % de son chiffre d'affaires qu'il s'agisse de consultations sur place en cabinet ou de consultations à domicile chez des patients résidant en zone franche urbaine. Au regard de ces éléments, la condition tenant à la réalisation d'au moins 25 % du chiffre d'affaires auprès de clients situés dans la zone franche urbaine est satisfaite pour les années redressées, ce que l'administration ne conteste pas. Dès lors, M. A... était éligible à l'exonération prévue par les dispositions de l'article 44 A octies du code général des impôts et le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a prononcé la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu au taux progressif mis à sa charge au titre des années 2013 et 2014.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est seulement fondé à demander, d'une part, l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il prononce la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels M. A... a été assujetti au titre de l'année 2014 à raison d'une plus-value professionnelle et, d'autre part, à ce que soient remises à la charge de M. A... au titre de l'année 2014, les sommes de 1 042 euros s'agissant des suppléments d'impôt sur le revenu et 1 014 euros s'agissant des suppléments de prélèvements sociaux et des intérêts correspondants.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au bénéfice de M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 avril 2019 est annulé en tant que, par ce jugement, le tribunal a prononcé la décharge du supplément d'impôt sur le revenu au taux proportionnel et du supplément de prélèvements sociaux auxquels le contribuable a été assujetti à raison d'une plus-value réalisée en 2014.
Article 2 : La demande de M. A... devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejetée en tant qu'elle porte sur les impositions visées à l'article 1er ci-dessus et les sommes de 1 042 euros s'agissant des suppléments d'impôt sur le revenu et 1 014 euros s'agissant des suppléments de prélèvements sociaux et des intérêts correspondants, sont remises à la charge de M. A... au titre de l'année 2014.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du ministre de l'action et des comptes publics est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance. Copie en sera adressée à la direction du contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme E... B..., présidente,
M. Frédéric Faïck, président assesseur,
Mme Birsen Sarac-Deleigne, premier conseiller,
Rendu public par mise à la disposition du greffe le 15 décembre 2020.
La présidente,
Elisabeth B... La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX03232