Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 août 2018 et le 29 avril 2019 l'Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 14 juin 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2016 du maire de Saint-Joseph susmentionné ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Joseph et de la SARL Locavet une somme de 3 000 euros chacun sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre les dépens à la charge de la commune de Saint-Joseph.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le tribunal aurait dû communiquer son mémoire produit le 14 mars 2018 dès lors qu'elle y présentait des arguments sur son intérêt à agir en réponse au mémoire présenté par la société Locavet ainsi que des éléments nouveaux concernant la présence d'une station-service sur le site et l'acquisition par la commune d'une nouvelle parcelle située en zone agricole ; enfin le tribunal a répondu à un moyen nouveau qu'elle a soulevé relatif à la méconnaissance de l'article UE 1 du règlement du plan local d'urbanisme sans l'avoir soumis au contradictoire ;
Sur le bien-fondé du jugement :
- le permis de construire en litige est fondé sur des permis d'aménager initial et modificatif illégaux dès lors que le permis d'aménager initial a été entièrement exécuté et qu'ainsi seul un nouveau permis d'aménager pouvait être délivré pour l'aménagement du giratoire qui ne constitue pas un aménagement mineur ;
- en outre, l'attestation de non contestation de la déclaration d'achèvement et de conformité des travaux est illégale dès lors qu'elle est fondée sur un rapport d'étude mensonger compte tenu de l'absence de construction de ce giratoire ;
- l'arrêté en litige est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, faute de réalisation du giratoire sur la RD 15 exigé par les Orientations d'Aménagement et de Programmation (OAP) de la commune ; aucune aire de retournement n'a été réalisée pour pallier cette absence de giratoire contrairement aux affirmations de la commune ;
- l'arrêté méconnait l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme ;
- le permis de construire a été autorisé sur l'emplacement n°5 réservé au Carbet des sciences en violation du plan local d'urbanisme ;
- l'arrêté méconnait l'article UE 1 du règlement du plan local d'urbanisme ; en effet le règlement de la zone d'activité économique (ZAE) où se situe le projet n'autorise pas l'implantation d'une blanchisserie industrielle ;
- le projet est incompatible avec les objectifs du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE).
Par un mémoire enregistré le 28 mars 2019, la société Locavet, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué et à la condamnation de la requérante à lui verser une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la requête est irrecevable en l'absence d'intérêt à agir de la requérante et qu'aucun moyen de fond ne peut prospérer.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mai 2019, la commune de Saint-Joseph, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué, et à la condamnation de la requérante à lui verser une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à défaut de production dans la requête d'appel du jugement attaqué et de la décision attaquée, la requête est irrecevable ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... D...,
- et les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté en date du 14 décembre 2016, le maire de la commune de Saint-Joseph a délivré à la société Locavet un permis de construire portant sur la construction d'un bâtiment à usage de blanchisserie, sur un terrain cadastré S 1530 situé dans la zone d'activité économique de Choco Choisy. L'Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais (Assaupamar) relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties (...) Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ".
3. L'association requérante soutient que l'absence de communication de son mémoire en réplique présenté devant le tribunal le 14 avril 2018 avant la clôture d'instruction fixée au 30 mars 2018, entache le jugement attaqué d'irrégularité. Toutefois, alors que ce mémoire qui se bornait à répondre au moyen soulevé en défense et non retenu par les premiers juges, tiré de l'absence d'intérêt à agir, n'apportait pas d'élément nouveau de nature à influer sur le sens de la décision des premiers juges et qu'en particulier, le tribunal a répondu en l'écartant, au moyen nouveau présenté par l'association relatif à la méconnaissance de l'article UE 1 du règlement de la zone du plan local d'urbanisme, l'absence de communication de ce mémoire en réplique, qui n'a pas eu pour effet de porter atteinte au principe du contradictoire et qui n'a privé les parties d'aucune garantie, n'a pas entaché le jugement d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'exception d'illégalité du permis d'aménager et du permis d'aménager modificatif et de l'attestation de conformité :
4. L'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. En l'espèce il ressort des pièces du dossier que le permis de construire litigieux n'a pas pour base légale le permis d'aménager ni le permis d'aménager modificatif et n'a pas été pris pour leur application. Par suite le moyen tiré de l'exception d'illégalité du permis d'aménager modificatif dès lors qu'il serait intervenu alors que le permis d'aménager initial était définitif et que les modifications apportées ne seraient pas mineures ne peut qu'être écarté comme étant inopérant. Il en va de même, pour les mêmes motifs, de l'attestation de non contestation de la déclaration d'achèvement et de conformité des travaux délivrée après l'achèvement des travaux correspondant au permis d'aménager.
En ce qui concerne les autres moyens :
5. En premier lieu la société reprend en appel le moyen tiré de ce que le projet autorisé par le permis en litige est situé sur l'emplacement réservé n° 5 au plan local d'urbanisme prévu pour l'implantation du futur centre culturel du Carbet des Sciences. Toutefois, ainsi que l'ont indiqué à bon droit les premiers juges, " l'emplacement réservé n° 5 est situé sur la parcelle cadastrée 1636, issue de la parcelle 1549, sur laquelle le Carbet des Sciences a obtenu un permis de construire portant sur l'édification d'un centre culturel le 20 septembre 2017, alors que le présent projet de blanchisserie a été autorisé sur la parcelle cadastrée S 1530. " Cette dernière parcelle est issue de " la parcelle 1475 sur laquelle a été délivré le permis d'aménager modificatif ainsi que l'enregistrement de l'installation classée, parcelle issue de la parcelle d'origine 1267 sur laquelle a été délivré le permis d'aménager initial de la zone de Choco Choisy ". Ainsi, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'assiette du permis méconnaîtrait l'emplacement réservé n° 5. Elle n'est pas plus fondée à soutenir que le permis ne pourrait s'exécuter sur la parcelle 1530 sur laquelle existerait déjà une station-service, dès lors qu'il ressort du procès-verbal de constat produit dans son mémoire en réplique que la station-service se trouve plus au nord que la parcelle S 1530 sur laquelle est prévue la blanchisserie. Par suite l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que le permis ne pourrait s'exécuter sur la parcelle 1530 sur laquelle existerait déjà une station-service ou qu'il serait prévu sur une emprise erronée.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 311-7 du code de l'urbanisme : " Les plans d'aménagement de zone approuvés avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 précitée demeurent applicables jusqu'à l'approbation par la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent d'un plan local d'urbanisme. Ils ont les mêmes effets pour la zone intéressée que les plans locaux d'urbanisme. Ils sont soumis au régime juridique des plans locaux d'urbanisme tel qu'il est défini par le titre V du livre Ier. Les dispositions de l'article L. 123-1, dans leur rédaction antérieure à cette loi, leur demeurent applicables (...) ".
7. L'association requérante soutient que le projet méconnaît les articles ZA 1 et ZA 2 du règlement du plan d'aménagement de la zone qui listent les occupations et utilisations du sol autorisées ou interdites dans la zone. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le plan local d'urbanisme en vigueur et applicable au projet et qui s'est dès lors substitué au règlement de la zone d'activité dont fait état l'association requérante en application des dispositions de l'article L. 311-7 du code de l'urbanisme, classe le terrain d'assiette du projet en zone UE, zone d'activités économiques, industrielles et artisanales, au sein de laquelle l'installation d'une blanchisserie industrielle n'est pas, par principe, interdite.
8. En troisième lieu, l'association requérante soutient qu'en l'absence de réalisation du giratoire sur la RD 15 permettant notamment aux véhicules de faire demi-tour dont la réalisation est prévue comme condition de réalisation de la zone d'activité par les orientations d'aménagement et de programmation (OAP) de la commune, le permis de construire est entaché d'illégalité. Toutefois, l'invocation de ces dispositions qui régissent les conditions d'aménagement de la zone d'activité est, par elle-même, inopérante à l'encontre du permis de construire en litige.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme, selon lequel " le projet peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à son importance ou à la destination des constructions ou des aménagements envisagés, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie. " L'association ne peut davantage se prévaloir de la méconnaissance de cette disposition qui n'est pas applicable dans les communes dotées comme en l'espèce, d'un plan local d'urbanisme.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article UE 1 du règlement du plan local d'urbanisme : " Occupations et utilisations du sol interdites en zone UE et dans le secteur UEa. Les constructions et installations qui, par leur nature ou leur importance, seraient incompatibles avec le caractère du voisinage ou susceptibles de porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité du public ". Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. "
11. L'association requérante soutient que le permis de construire en litige méconnait les dispositions précitées dès lors que le projet est situé à proximité de la rivière Quiembo et que la régie communautaire de l'eau et de l'assainissement, dénommée Odyssi, aurait, dans un courriel du 7 mars 2017 d'ailleurs non produit, alerté la société sur l'incompatibilité de la ZI de Choco Choisy avec les rejets industriels.
12. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le projet de la société Locavet, implanté dans la ZAE de Choco Choisy sur la commune de Saint-Joseph relève du régime de l'enregistrement au titre de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement et que par un arrêté du 7 octobre 2014, l'autorité compétente a enregistré la demande présentée par la société Locavet, en indiquant que le projet respecte des prescriptions générales de l'arrêté du 14 janvier 2011 et a fixé les prescriptions techniques nécessaires à la protection des intérêts visé à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. La régie communautaire des eaux et de l'assainissement a par ailleurs émis le 14 décembre 2016 un avis favorable au projet en l'assortissant de demandes de prescriptions techniques, notamment l'exigence que les eaux résiduelles industrielles ne soient pas admises dans le réseau d'assainissement public, même après traitement préalable. Le permis de construire vise et joint cet avis en pièce jointe et prévoit en son article 2 que ces prescriptions de la régie des eaux et de l'assainissement, tout comme celles du service départemental d'incendie et de secours, doivent être intégralement respectées. Dans ces conditions, la requérante, qui se borne à des affirmations non étayées, n'est pas fondée à soutenir que le projet de la société Locavet ne respecte pas les dispositions précitées du plan local d'urbanisme.
13. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code de l'environnement : " (...) XI.- Les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l'eau doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les dispositions des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux ". Le permis de construire n'étant pas une décision administrative prise dans le domaine de l'eau, le moyen tiré de l'incompatibilité de l'arrêté en litige avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux du bassin de la Martinique est inopérant.
14. Il résulte de ce qui précède que l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Joseph et de la société Locavet qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la requérante demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Assaupamar une somme de 800 euros à verser à la commune de Saint-Joseph et une somme de 800 euros à verser à la société Locavet au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais est rejetée.
Article 2 : L'Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais versera une somme de 800 euros à la commune de Saint-Joseph et une somme de 800 euros à la société Locavet en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais, à la SARL Locavet et à la commune de Saint-Joseph.
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme C... D..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 17 novembre 2020.
Le rapporteur,
Caroline D...
Le président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au préfet de la Martinique, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX03117