Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 21 août 2017, le 22 septembre 2017 et le 15 avril 2019, la commune de Bardos, représentée par la SELARL Etche Avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 20 juin 2017 ;
2°) de rejeter la requête de l'EURL Pierre F... ;
3°) de mettre à la charge de l'EURL Pierre F... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête a été notifiée conformément aux dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
- le maire justifie de sa qualité pour agir ainsi que de sa compétence pour faire appel à un conseil ; la commune n'a pas à justifier d'un mandat donné à son avocat ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'arrêté attaqué n'a pas été pris en méconnaissance des dispositions de l'article A. 424-2 du code de l'urbanisme ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'arrêté attaqué est justifié par la méconnaissance par le projet en litige des dispositions de l'article 13 du règlement de la zone UC du plan local d'urbanisme ;
- le projet est de nature à porter atteinte à la salubrité publique en méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme compte tenu de l'insuffisance du réseau d'assainissement pour desservir le projet.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2018, l'EURL Pierre F..., représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Bardos la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable, faute pour la commune d'avoir respecté la formalité prévue à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
- elle est également irrecevable en l'absence d'arrêté municipal donnant un mandat régulier à un avocat pour représenter la commune ;
- c'est à bon droit que le tribunal a retenu le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige a été pris en méconnaissance de l'article A. 424-2 du code de l'urbanisme, dès lors que ledit arrêté ne mentionne pas en caractères lisibles, le prénom, le nom et la qualité de son signataire ;
- c'est à bon droit que le tribunal a également retenu le moyen tiré de ce que le refus ne pouvait être fondé sur la méconnaissance des dispositions de l'article UC 13 du règlement du plan local d'urbanisme relatives au traitement des espaces libres et des espaces verts ; en effet, le projet respecte le taux de 20% d'espaces verts et aucune disposition n'interdit la prise en compte de l'espace vert autour d'un pylône électrique ; EDF Energie Aquitaine a d'ailleurs donné un avis favorable au projet ;
- l'arrêté est en outre entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il se fonde à tort sur la méconnaissance par le projet des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; en effet, le projet se situe en zone UC du plan local d'urbanisme, à proximité de propriétés appartenant à la famille du maire ; la commune se fonde uniquement sur un avis de l'agence régionale de santé qui est illégal dès lors qu'il a été émis postérieurement au délai d'instruction du dossier de demande de permis d'aménager, qu'il est antidaté et de complaisance, et que l'agence était incompétente pour se prononcer dans le cadre de l'instruction de l'autorisation sollicitée ; la commune ne donne aucune précision sur l'insuffisance alléguée du réseau d'assainissement.
Par ordonnance du 15 avril 2019, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 14 mai 2019 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la santé publique ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... E...,
- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant la commune de Bardos, et de Me C..., représentant l'EURL Pierre F....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... F..., gérant de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Pierre F..., est propriétaire des parcelles cadastrées section ZK nos 73, 74 et 75, d'une emprise totale d'environ 9 000 m², situées en zone UC du plan local d'urbanisme de la commune de Bardos. Le 10 mars 2015, il a déposé au nom de la société une demande de permis d'aménager en vue de créer dix lots à bâtir pour la création d'un lotissement situé au lieu-dit Rospide, voie communale n° 9, destinés à accueillir des maisons d'habitation. Le 10 juin 2015, l'EURL a obtenu, après le délai d'instruction de trois mois, un permis d'aménager tacite. Puis, par un arrêté du 10 août 2015, le maire a retiré le permis d'aménager tacite précité. L'EURL Pierre F... a demandé au tribunal administratif de Pau l'annulation de l'arrêté du 10 août 2015. La commune de Bardos relève appel du jugement par lequel le tribunal a fait droit à la demande de l'EURL Pierre F... en prononçant l'annulation de l'arrêté du 10 août 2015 précité.
2. Pour refuser le permis d'aménager sollicité, le maire de la commune de Bardos s'est fondé dans l'arrêté du 10 août 2015 en litige, d'une part, sur l'absence de capacité suffisante de la station d'épuration pour traiter les eaux usées issues de nouvelles constructions, engendrant une atteinte à la salubrité publique en méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et, d'autre part, sur le non-respect de l'article UC 13 du règlement du plan local d'urbanisme au motif que le projet ne prévoit pas d'espaces communs et notamment d'espaces verts suffisants. Les premiers juges, pour annuler le refus de permis contesté, ont retenu que la décision méconnaissait l'article A. 424-1 du code de l'urbanisme et que l'un des motifs de refus, tiré du non-respect de l'article UC 13 du règlement du plan local d'urbanisme, était erroné en droit.
3. Aux termes de l'article A. 424-1 du code de l'urbanisme : " La décision expresse prise sur une demande de permis de construire, d'aménager ou de démolir ou sur une déclaration préalable prend la forme d'un arrêté. ". Aux termes de l'article A 424-2 du même code : " L'arrêté mentionne, en caractères lisibles, le prénom, le nom et la qualité de son signataire ".
4. Pour annuler l'arrêté précité, le tribunal a considéré qu'il était entaché d'un vice au sens des dispositions précitées en l'absence de mention, en méconnaissance de l'article A 424-2 du code de l'urbanisme, du nom et du prénom de son auteur. Il ressort toutefois des termes de cet arrêté qu'il fait mention de la qualité de maire et qu'il comporte sa signature. S'il ne mentionne pas les nom et prénom du maire, il ressort toutefois des pièces du dossier que M. F... avait déjà reçu peu avant l'envoi de cet arrêté, un courrier signé du maire comportant ses nom et prénom. Dans ces conditions, il n'en résultait pour l'EURL Pierre F... aucune ambiguïté quant à l'identité du signataire de cet acte. Par suite, la commune de Bardos est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré d'un vice de forme de l'arrêté contesté.
5. Aux termes de l'article UC 13 du règlement du plan local d'urbanisme, relatif aux espaces libres aux et plantations : " En dehors des chemins d'accès, les espaces libres seront engazonnés et plantés d'arbres d'essences locales. (...) Dans les lotissements et les groupes de logements, une superficie de 40 % au moins de l'unité foncière d'origine sera localisée et consacrée aux espaces libres et espaces verts. Les espaces verts, qu'ils soient à usage privatif ou non privatif devront représenter au moins 20 % de cette superficie d'origine ".
6. Pour annuler l'arrêté en litige, le tribunal a également retenu que contrairement à ce qu'indique ledit arrêté, le projet du pétitionnaire ne méconnait pas les dispositions de l'article UC 13 du règlement du plan local d'urbanisme. A cet égard, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la notice descriptive et du plan de masse joints au dossier de demande de permis d'aménager, que le projet prévoit que les espaces verts occuperont une surface de 1820 m2 soit plus de 20 % de l'unité foncière d'origine, conformément aux dispositions précitées du plan local d'urbanisme. Contrairement à ce que soutient la commune, en l'absence de dispositions l'excluant expressément, pour le calcul des espaces verts, le pétitionnaire pouvait prendre en compte la surface située à proximité immédiate des pylônes électriques et en pied de talus dès lors que, si des raisons évidentes de sécurité ne permettent pas la plantation d'arbres, rien n'empêche d'y semer du gazon. En outre, à supposer même que cette surface soit exclue du calcul des espaces verts, il ne ressort pas des pièces du dossier que les autres surfaces affectées aux espaces verts soient inférieures aux 20 % requis. Par suite c'est à bon droit que le tribunal a regardé ce motif de refus de permis d'aménager comme non fondé.
7. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". L'article R. 423-50 du code de l'urbanisme dispose que : " L'autorité compétente recueille auprès des personnes publiques, services ou commissions intéressés par le projet, les accords, avis ou décisions prévus par les lois ou règlements en vigueur. ". Aux termes de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme, alors en vigueur : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés ".
8. Il ressort des termes de l'avis défavorable émis le 9 juillet 2015 par l'agence régionale de santé Aquitaine, que la station d'épuration de la commune de Bardos, actuellement exploitée à 110 % de sa capacité maximale, est hydrauliquement et organiquement surchargée. Il ressort toutefois des pièces du dossier que dans ce contexte, la construction d'une nouvelle station d'épuration a été programmée dès 2013 par le conseil municipal de la commune de Bardos. Dans ces conditions, les simples indications de l'avis de l'agence régionale de santé sur l'état de surcharge de la station d'épuration communale ne permettent pas d'exclure une période connue de renforcement du système d'assainissement et ce quand bien même, en août 2015, date de l'arrêté en litige, les travaux n'avaient pas commencé et la mise en service de l'extension n'était programmée que pour 2020. Dans ces conditions, en refusant pour un motif d'atteinte à la salubrité publique la délivrance du permis d'aménager sollicité alors qu'un délai de réalisation des travaux d'extension du système d'assainissement était prévisible, le maire de la commune de Bardos a commis une erreur d'appréciation. Par suite, et à supposer même qu'il ressorte des pièces du dossier que le maire aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur ce motif, ledit motif ne justifie pas légalement le refus de permis opposé.
9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la société Pierre F..., que la commune de Bardos n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté en litige.
10. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'EURL Pierre F... qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la commune requérante demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Bardos la somme de 1 500 euros à verser à la société Pierre F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Bardos est rejetée.
Article 2 : La commune de Bardos versera à l'EURL Pierre F... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Pierre F... et à la commune de Bardos. Copie en sera délivrée au préfet des Hautes-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 27 novembre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme D... E..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 17 décembre 2019.
Le rapporteur,
Caroline E...Le président,
Elisabeth Jayat
Le greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au préfet des Hautes-Pyrénées en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX02849