Procédure devant la cour administrative d'appel :
Par une requête, enregistrée le 19 février 2021, M. A... B..., représenté par Me Akakpovie, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du président du tribunal administratif de Limoges ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 5 août 2020 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ; sinon d'ordonner à la préfète de réexaminer sa situation dans un délai de trente jours ; en tout état de cause, d'ordonner à la préfète de régulariser sa situation en attendant qu'un titre de séjour lui soit délivré ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient, en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français, que :
- cette décision est illégale car elle est intervenue en méconnaissance de son droit d'être entendu ;
- cette décision est dépourvue de base légale dès lors que les dispositions du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne permettaient pas son édiction ; ces dispositions concernent l'édiction d'une mesure d'éloignement après le rejet définitif de la demande d'asile formée par l'étranger ; à la date de la décision attaquée, la décision de la Cour nationale du droit d'asile rejetant sa demande n'avait pas acquis ce caractère définitif dès lors que le délai pour contester cette décision devant le Conseil d'Etat n'était pas expiré ;
- compte tenu de son état de santé, la préfète ne pouvait prendre l'obligation de quitter le territoire français en litige sans méconnaitre les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles de l'article R. 511-1 du même code ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Il soutient, en ce qui concerne le pays de destination, que :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la mesure d'éloignement ; il en est de même pour la décision de signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.
Il soutient, en ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français, que :
- cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est dépourvue de motivation ;
- elle méconnait les dispositions de l'alinéa 8 du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2021, la préfète de la Corrèze conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 janvier 2021 du bureau de l'aide juridictionnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Frédéric Faïck a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B... est un ressortissant malien né le 20 octobre 1990 qui est entré sur le territoire français en janvier 2019, selon ses déclarations. Il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 20 février 2020 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 7 juillet 2020. Après quoi, la préfète de la Corrèze a pris, à l'encontre de M. B..., un arrêté du 5 août 2020 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de soixante jours, fixation du pays de destination, interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pendant la durée de l'interdiction de retour. M. B... relève appel du jugement rendu le 1er octobre 2020 par lequel le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 5 août 2020.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, à l'appui de son moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu, M. B... ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport à son argumentation devant le tribunal. Il y a lieu d'écarter son moyen par adoption des motifs pertinents exposés au point 3 du jugement attaqué.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger (...) à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. (...) ".
4. Une décision de la CNDA, statuant en dernier ressort sur les recours contre les décisions de l'OFPRA relatives à la reconnaissance de la qualité de réfugié ou au bénéfice de la protection subsidiaire, présente un caractère définitif alors même qu'elle a fait ou peut faire l'objet d'un pourvoi en cassation. Par suite, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire en litige a méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 511-1, au motif qu'elle a été prise alors que M. B... conservait la possibilité de se pourvoir en cassation devant le Conseil d'Etat contre la décision de la CNDA du 7 juillet 2020, doit être écarté.
5. Par ailleurs, le récépissé de demande d'asile dont M. B... était titulaire l'autorisait seulement à demeurer sur le territoire français jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa demande de reconnaissance de la qualité de réfugié. Ce récépissé ne constitue pas un titre de séjour en cours de validité au sens du 6° précité de l'article L. 511-1, si bien que sa détention par M. B... ne faisait pas obstacle à ce que la préfète, une fois la décision de la CNDA rendue, édicte la mesure d'éloignement en litige après avoir abrogé le récépissé en cause.
6. En troisième lieu, il appartient au préfet, en application du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de s'abstenir d'édicter une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. En vertu de l'article R. 511-1 du même code, l'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
7. Contrairement à ce qu'il est soutenu, le certificat médical du 23 juin 2020, indiquant que M. B... est atteint d'une hépatite B chronique ne suffit pas pour permettre d'estimer que l'intéressé appartient à la catégorie des étrangers insusceptibles de faire l'objet d'une mesure d'éloignement en application du 10° de l'article L. 511-4. Par suite, la préfète, en prenant la mesure d'éloignement en litige sans consulter le collège de médecins de l'OFII, n'a pas méconnu les dispositions des articles L. 511-4 10° et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En quatrième lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la préfète a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
9. En premier lieu, pour motiver l'interdiction de retour, la préfète a relevé que M. B... était présent sur le territoire français depuis un peu plus d'un an et qu'il se trouve en situation irrégulière depuis la décision de la CNDA rejetant sa demande. La préfète a ensuite précisé que M. B... est célibataire sans enfant et que l'ensemble de ces éléments justifie que ce dernier soit interdit de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Cette motivation, alors même qu'elle ne se réfère pas à l'état de santé de M. B..., atteste de la prise en compte par la préfète, au vu des éléments caractérisant la situation de ce dernier, des critères prévus au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de défaut de motivation suffisante doit être écarté.
10. En second lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français soulevée à l'encontre de l'interdiction de retour doit être écarté.
11. En troisième lieu, il résulte des motifs de l'interdiction de retour sur le territoire français que celle-ci a été édictée après que la préfète a pris en compte les critères caractérisant la situation de M. B... et qui sont ceux prévus au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. B... n'est ainsi pas fondé à soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français en litige a été édictée de manière " automatique " et le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
Sur le pays de destination et la décision de signalement de M. B... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen :
12. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et de l'interdiction de retour sur le territoire français, soulevée à l'encontre des décisions en litige, doit être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 21BX00688 est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie pour information en sera délivrée à la préfète de la Corrèze.
Délibéré après l'audience du 31 août 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2021
Le rapporteur,
Frédéric Faïck
Le président,
Elisabeth JayatLa greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 21BX00688 2