Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 février 2021, M. B..., représenté par Me Moreau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 1er octobre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 août 2020 du préfet de la Haute-Vienne ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire national est dépourvue de base légale dès lors qu'il a exprimé auprès des services de police sa volonté de déposer une demande de réexamen de sa demande d'asile en raison des éléments nouveaux qui étaient apparus depuis la dernière décision de l'OFPRA ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que la demande d'asile de son épouse et mère de leur enfant de six mois, est en cours d'examen et qu'il réside en France depuis plus de quatre ans ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle et d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant refus d'un délai de départ volontaire est une décision qui doit faire l'objet d'une motivation autonome ;
- cette décision est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît l'article L. 511-1-II 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est dépourvue de base légale ;
- cette décision méconnaît les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet ne s'est pas prononcé sur l'ensemble des critères prévus par ces dispositions ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle et d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il a en France son épouse et son enfant également demandeurs d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2021 le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 janvier 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant guinéen, né le 1er janvier 1987, est entré en France, selon ses déclarations, le 6 juin 2016. Sa demande d'asile, formulée le 14 avril 2017, a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) en date du 19 septembre 2017, confirmée par un arrêt de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 2 mai 2018. Par un arrêté du 6 août 2020, le préfet de la Haute-Vienne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire national pour une durée de deux ans. M. B... relève appel du jugement du 1er octobre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, M. B... reprend en appel, en des termes identiques, les moyens soulevés en première instance et tirés du défaut de base légale de la décision portant obligation de quitter le territoire français dès lors qu'il aurait entendu déposer une nouvelle demande d'asile à la suite de son interpellation par les services de police le 6 août 2020 ainsi que du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle. Le requérant ne se prévaut, devant la cour, d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport à son argumentation devant le tribunal. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par le magistrat désigné.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. M. B... se prévaut de la durée de sa présence en France ainsi que de celle de son épouse et de leurs deux enfants dont la demande d'asile est en cours d'examen. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. B... n'a été autorisé à séjourner en France que durant le temps nécessaire à l'examen de sa demande d'asile et qu'il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire en dépit des deux mesures d'éloignement prononcées à son encontre. Il ne justifie d'aucune intégration notable au sein de la société française ni justifie être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. Par ailleurs, s'il est établi que son épouse a déposé une demande d'asile auprès de l'OFPRA, cette seule circonstance, postérieure à l'arrêté en litige et au jugement du tribunal, ne peut entacher d'illégalité la mesure d'éloignement prise à l'encontre de M. B... alors au demeurant que le préfet soutient que la demande de sa compagne a été rejetée par décision de l'OFPRA du 28 avril 2021. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Vienne n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cet arrêté a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale de New York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
6. Ainsi qu'il a été dit au point 4, si la compagne de M. B... dispose d'une autorisation provisoire de séjour du fait du dépôt d'une demande d'asile, cette circonstance est postérieure à l'arrêté attaqué dont la légalité s'apprécie à la date de son édiction. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
Sur la légalité du refus d'un délai de départ volontaire :
7. L'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) II. - L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ; (...) h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français. (...) ".:
8. L'arrêté attaqué vise notamment le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que M. B..., qui s'est soustrait à deux précédentes mesures d'éloignement prononcées à son encontre les 11 juin 2018 et 3 mai 2019, a explicitement déclaré lors de son audition du 6 août 2020 son intention de se soustraire à la mesure d'éloignement. Le préfet indique également que les recherches effectuées sur le fichier national des étrangers avait permis d'établir que sa compagne était également en situation irrégulière à la date de la décision en litige. L'arrêté comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui fondent la décision contestée et est suffisamment motivé.
9. Il ne ressort pas de cette motivation ni des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. B... avant de lui refuser un délai de départ volontaire.
10. Il ressort des pièces du dossier que M. B... qui a été entendu par les services de police, le 6 août 2020, a déclaré ne plus détenir ses documents d'identité. Il est constant que l'intéressé s'est soustrait à deux précédentes mesures d'éloignement et s'est maintenu irrégulièrement en France sans avoir effectué aucune démarche administrative afin de régulariser sa situation à son retour d'Italie en décembre 2019. Il a également déclaré lors de cette audition ne pas vouloir repartir dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le risque que M. B... se soustraie à son obligation de quitter le territoire étant établi au regard des d), f) et h) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Haute-Vienne n'a pas méconnu les dispositions précitées en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.
11. Le préfet de la Haute-Vienne, qui n'avait pas à prendre en compte des faits postérieurs à sa décision n'a pas davantage entachée sa décision d'erreur manifeste d'appréciation du fait de la demande d'asile de son fils mineur en cours d'examen.
Sur la légalité de l'interdiction de retour :
12. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus d'un délai de départ volontaire.
13. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
14. Il incombe à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
15. Il ressort de la décision contestée que pour prononcer une interdiction de retour le territoire français d'une durée de deux ans à l'encontre de M. B..., le préfet de la Haute-Vienne s'est fondé sur la faible durée de sa présence en France, la circonstance qu'il a fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement, et sur les éléments de sa situation familiale. Par suite, contrairement à ce que soutient le requérant, et alors que le préfet ne s'est pas fondé sur une menace pour l'ordre public, il a bien examiné l'ensemble des critères légaux et le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
16. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 4, 5 et 6, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant en prenant à son encontre la décision en litige ni entaché sa décision d'un défaut d'examen particulier ou d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation personnelle et familiale de M. B....
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 août 2020 par lequel le préfet de la Haute-Vienne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Les conclusions qu'il présente au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêté sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 31 août 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
M. Frédéric Faïck, président assesseur,
Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2021.
La rapporteure,
Birsen C...La présidente,
Elisabeth JayatLa greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°21BX00721