Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 avril 2019, le préfet du Tarn demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 25 mars 2019 ;
2°) de rejeter la demande de M. C....
Il soutient que :
- le tribunal a commis deux erreurs de droit en estimant que le refus de titre ne pouvait pas être fondé sur le défaut de justification de la minorité de l'intéressé ; d'une part, le tribunal ne pouvait pas conditionner la vérification de l'authenticité des documents produits à une saisine des autorités guinéennes ; il s'agissait de plus en l'espèce d'une formalité impossible, les autorités guinéennes refusant le plus souvent de répondre aux interrogations de l'Etat français dans un délai compatible avec l'instruction administrative d'un dossier ; d'autre part, le tribunal ne pouvait pas considérer que la carte d'identité consulaire a une valeur probante qui avalise les données de l'acte de naissance ; l'extrait d'acte de naissance de M. C... qui a été estimé contrefait par la police aux frontières et le jugement supplétif irrégulier rendent sa demande de titre de séjour clairement frauduleuse ;
- les autres moyens de M. C... ne sont pas fondés ;
- M. D..., signataire de l'arrêté, avait reçu délégation de compétence publiée ;
- la décision contestée est suffisamment motivée ;
- la décision n'est entachée d'aucun vice de procédure au regard de l'article 47 du code civil et de l'article 1er du décret du 24 décembre 2015 ;
- le refus de titre ne méconnaît pas l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que M. C... ne remplissait pas les conditions prévues par ces dispositions ;
- aucune erreur manifeste d'appréciation n'a été commise dans l'application des articles L. 313-14 et L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni au regard de la situation personnelle de l'intéressé ;
- eu égard à la situation de l'intéressé, la décision ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2019, M. C... conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- par un jugement devenu définitif du 2 mai 2018, le tribunal administratif de Toulouse a annulé un précédent arrêté du préfet du Tarn du 9 août 2017 lui refusant l'admission au séjour et l'obligeant à quitter le territoire français au motif qu'il devait être regardé comme étant né le 28 juin 1999 ;
- le préfet oppose un motif tiré de ce qu'il aurait produit un acte de naissance falsifié ; de telles affirmations sans fondement avaient déjà été faites dans le cadre du précédent contentieux ; le préfet n'apporte aucun élément nouveau qui n'ait été examiné par les premiers juges ; son identité et son état civil doivent donc être tenus pour établis.
M. C... a été admis au maintien de plein de droitde l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 octobre 2019
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 relatifs aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant guinéen, qui a déclaré être né le 28 juin 1999 et être entré en France le 31 décembre 2015 à l'âge de 16 ans, a été placé auprès du service de l'aide sociale à l'enfance par ordonnance du 22 janvier 2016 confirmée par jugement du 4 février 2016. Le 13 avril 2017, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de l'obtention d'un baccalauréat professionnel " maintenance des équipements industriels ". Par arrêté du 5 septembre 2018, le préfet du Tarn a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Le préfet du Tarn fait appel du jugement du 25 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 5 septembre 2018 et lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressé dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.
2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".
3. Pour refuser la délivrance d'un titre de séjour à M. C..., le préfet du Tarn s'est fondé notamment sur le motif tiré de ce que M. C... ne pouvait justifier de son âge réel.
4. Par un jugement devenu définitif du 2 mai 2018, le tribunal administratif de Toulouse a prononcé l'annulation de l'arrêté du 9 août 2017 par lequel le préfet du Tarn avait précédemment refusé la délivrance d'un titre de séjour à M. C... sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'avait obligé à quitter le territoire français, au motif que l'intéressé devait être regardé comme étant né le 28 juin 1999. L'autorité de la chose jugée qui s'attache au dispositif de ce jugement ainsi qu'aux motifs qui en sont le support nécessaire faisait obstacle à ce qu'en l'absence de modification de la situation de droit ou de fait, le titre de séjour sollicité par M. C... lui soit à nouveau refusé pour un motif identique à celui qui avait été censuré par le tribunal administratif. La circonstance qu'après le jugement du 2 mai 2018, le préfet ait consulté les autorités guinéennes en vue d'une contre-vérification des documents d'état civil produits par M. C... et que ces autorités n'ont pas répondu ne constitue pas une modification de la situation de droit ou de fait qui permettait au préfet d'opposer à nouveau à M. C... un motif tiré de ce qu'il ne justifiait pas de son âge.
5. Il ressort des termes de l'arrêté contesté et des autres pièces du dossier que le motif opposé à M. C... de ce qu'il ne justifiait pas de son âge est le motif déterminant du refus de délivrance d'un titre de séjour. Dès lors, l'illégalité de ce motif justifie l'annulation de ce refus. Par voie de conséquence, l'obligation faite à M. C... de quitter le territoire français fondée sur ce refus et la décision fixant le pays de renvoi doivent également être annulées.
6. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Tarn n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 5 septembre 2018.
7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me A..., avocat du requérant, le versement d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet du Tarn est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me A... la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C..., à Me A... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet du Tarn.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme E... B..., président,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 29 octobre 2019.
Le président-assesseur,
Frédéric FaïckLe président-rapporteur,
Elisabeth B...Le greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 19BX01640 4