Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces, enregistrées le 18 avril 2019 et le 4 juillet 2019 et le 30 août 2019, Mme D... B... épouse A..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 4 décembre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté susmentionné du préfet du Lot du 8 janvier 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Lot de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 513 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne le refus de séjour :
- la procédure est irrégulière dès lors que la preuve d'une délibération du collège du médecin de l'OFFI qui a rendu l'avis du 29 novembre 2017 n'est pas rapportée ;
- le préfet a commis une erreur de fait révélant qu'il n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation dès lors qu'il a considéré à tort qu'elle était sans emploi ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de ses attaches familiales et personnelles en France et a commis une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;
- le préfet a méconnu l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle justifie de circonstances exceptionnelles permettant son admission au séjour ;
- le préfet a méconnu l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;
- le préfet a méconnu l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle a été prise en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2019, le préfet du Lot conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par décision du 14 mars 2019, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux a admis Mme B... épouse A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... épouse A..., ressortissante albanaise née le 2 avril 1986, déclare être entrée en France le 13 mars 2013 accompagnée de son époux et de leurs deux enfants. Elle a déposé une demande d'asile définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 3 mars 2015, de même que sa demande de réexamen le 18 février 2016. Le 10 octobre 2016, elle a obtenu la délivrance d'un titre de séjour temporaire en qualité d'étranger malade, valable jusqu'au 9 octobre 2017. Par un courrier du 22 décembre 2017, elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 8 janvier 2018 le préfet du Lot a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... épouse A... relève appel du jugement du 4 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. ".
3. Il résulte des mentions figurant sur l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, lesquelles font foi jusqu'à preuve du contraire, que cet avis a été rendu après une délibération collégiale. Par suite, le moyen tiré de ce que l'avis dont s'agit n'aurait pas été rendu à l'issue d'un délibéré collégial en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016, doit être écarté.
4. En deuxième lieu, au soutien des moyens tirés de l'erreur de fait commise par le préfet sur sa situation personnelle qui serait, selon elle, révélatrice d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle et de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, Mme B... épouse A... ne se prévaut devant la cour d'aucun élément nouveau par rapport à son argumentation soulevée devant le tribunal. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
6. Mme B... épouse A... fait valoir qu'elle vit en France depuis 2013 avec son mari et ses deux enfants scolarisés, qu'elle travaille et qu'elle est bien intégrée dans la société française. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'elle est entrée en France irrégulièrement avec son époux lequel fait également l'objet d'une mesure d'éloignement et que son titre de séjour en qualité d'étranger malade n'a pas été renouvelé. Si elle se prévaut de son intégration professionnelle et de son investissement associatif, ces circonstances ne sauraient, par elles-mêmes, lui ouvrir un droit au séjour dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait dépourvue d'attaches en Albanie où la cellule familiale peut se reconstituer et où ses deux enfants en bas âge pourront poursuivre leur scolarité. Dans ces conditions, compte tenu de la durée et des conditions de séjour en France de l'intéressée, la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs qui la fondent et le préfet n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces circonstances, le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'erreur manifeste sur sa situation personnelle.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
8. Si Mme B... épouse A... fait valoir que ses enfants nés en Albanie et âgés de 5 et 7 ans sont scolarisés en France, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils ne pourraient pas être scolarisés en Albanie. M. et Mme A... faisant tous deux l'objet d'une mesure d'éloignement, rien ne s'oppose à ce qu'ils repartent avec leurs enfants dans leur pays d'origine. En outre, si la requérante soutient que son fils ainé fait l'objet d'un suivi à l'hôpital des enfants de Souillac pour des troubles de développement, elle n'apporte aucun élément permettant d'estimer qu'il ne pourrait être suivi médicalement en Albanie. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. Eu égard aux circonstances exposées aux points 6 et 8, les moyens tirés de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de celle-ci sur la situation personnelle de l'intéressée et méconnaitrait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être écartés.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
10. Mme B... épouse A..., dont les demandes d'asile ont d'ailleurs été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, se prévaut des risques pour sa vie en cas de retour en Albanie mais ne produit aucune pièce au soutien de ses allégations. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... épouse A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Lot du 8 janvier 2018. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... épouse A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... épouse A..., à Me E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Lot.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme Caroline C..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 29 octobre 2019.
Le rapporteur,
Caroline C...
Le président,
Elisabeth Jayat
Le greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX01655