Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces, enregistrées le 18 avril 2019 et le 26 juillet 2019, M. A... C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 14 décembre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté susmentionné du préfet de la Haute-Garonne du 6 février 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir après avoir procédé au réexamen de sa situation dans un délai de 72 heures avec délivrance d'une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :
- il a été signé par une autorité incompétente.
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
- elle est entachée d'une incompétence négative dès lors que le préfet s'est estimé en situation de compétence liée au regard de l'avis émis par la commission de titre de séjour ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation en droit et en fait ;
- elle est entachée d'un vice de procédure en l'absence de production de l'avis de la commission du titre de séjour ;
- elle est dépourvue d'examen réel et sérieux de sa situation ;
- le préfet a commis une erreur de droit dès lors qu'il justifie d'un domicile stable et de dix ans de présence continue en France ;
- elle est entachée d'une erreur de fait concernant la fraude soulevée par le préfet ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet a méconnu l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il aurait dû bénéficier du statut de réfugié.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour et est dépourvue de base légale.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour et est dépourvue de base légale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juillet 2019, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par décision du 20 mars 2019, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux a admis M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Par une ordonnance du 18 juin 2019, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 19 août 2019 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, complétée par le protocole relatif au statut des réfugiés, signé à New York le 31 janvier 1967 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant russe né le 16 février 1983, originaire de la république de Tchétchénie, est entré en France selon ses déclarations le 4 février 2005. La commission de recours des réfugiés lui a reconnu la qualité de refugié par une décision du 4 avril 2006. Il a bénéficié d'une carte de résident valable jusqu'au 3 avril 2016. Le 14 mars 2016, le requérant a sollicité le renouvellement de sa carte de résident. Par une décision du 24 février 2016, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a mis fin à son statut de réfugié, ce qui a été confirmé par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). En outre, la commission du titre de séjour a émis un avis défavorable à sa régularisation. Par un arrêté du 6 février 2018, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 14 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté pris dans son ensemble :
2. Par arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 24 juillet 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial le 25 juillet 2017 et consultable par voie électronique, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation à M. Jean-François Colombet, secrétaire général de la préfecture et signataire de l'arrêté litigieux, à l'effet de signer tous actes relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception des arrêtés de conflits. Contrairement à ce que soutient le requérant, cette délégation n'est pas subordonnée à l'absence ou à l'empêchement du préfet. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, l'arrêté vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il est fait application. Il mentionne l'ensemble des éléments relatifs aux conditions d'entrée en France de M. C... et ses demandes d'asile et de titre de séjour, ainsi que l'ensemble des considérations de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé pour lui refuser le titre de séjour qu'il sollicitait en qualité de réfugié. Le préfet a également examiné les éléments ayant trait à sa situation personnelle, en soulignant qu'il est marié et sans charge de famille et qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. Il précise enfin que M. C... n'établit pas encourir de risques de traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Par ailleurs, l'arrêté n'a pas à mentionner l'ensemble des circonstances de fait caractérisant la situation du requérant, mais doit uniquement, comme c'est le cas en l'espèce, énoncer les considérations de droit et de fait fondant les décisions comprises dans celui-ci. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté doit être écarté. De même, il résulte de la motivation de cet arrêté qu'il a été précédé d'un examen réel et sérieux de la situation personnelle de l'intéressé.
4. En deuxième lieu, au soutien des moyens tirés de ce que le préfet se serait cru à tort en situation de compétence liée pour lui refuser le droit au séjour et de ce que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur de droit au regard des articles L. 314-1, L. 314-8, L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. C... ne se prévaut devant la cour d'aucun élément nouveau par rapport à son argumentation soulevée devant le tribunal. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.
5. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet a produit au soutien de son mémoire en défense de première instance un courrier informant le requérant de l'avis rendu par la commission du titre de séjour le 22 novembre 2017 notifié à l'intéressé le 24 novembre suivant. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité du refus de séjour à défaut de communication dudit avis ne peut qu'être écarté.
6. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que la protection de M. C... au titre de l'asile lui a été retirée au motif qu'il s'est rapproché des autorités russes dans le cadre d'une demande de délivrance d'un passeport. M. C... n'apporte au demeurant aucune précision sur les séjours répétés qu'il a fait dans son pays d'origine, de sorte qu'il ne peut être considéré qu'un risque de persécution persiste à son encontre. Il ressort également des termes de l'arrêté attaqué que le préfet ne s'est pas fondé sur une fraude mais a seulement fait référence à la décision de l'OFPRA. Par suite le moyen tiré de ce que le préfet a considéré à tort qu'il a obtenu son statut de réfugié par fraude, doit être écarté. Par ailleurs, à supposer que le requérant ait entendu exciper de l'illégalité de la décision de l'OFPRA, le refus de séjour n'a pas pour base légale cette décision et n'a pas été pris pour son application. Dès lors ce moyen doit être écarté.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
9. M. C... fait valoir qu'il vit en France depuis 2005 et qu'il s'est marié en 2013 avec Mme E..., compatriote. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé, sans profession, aurait établi des liens personnels stables en France et il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu l'essentiel de sa vie avant d'arriver en France et où il pourrait poursuivre sa vie commune avec son épouse. Dans ces conditions, la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs qui la fondent. Le préfet n'a ainsi méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni entaché sa décision d'erreur manifeste sur sa situation personnelle.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que les moyens tirés par voie d'exception du refus de titre de séjour opposé à M. C... et de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour doivent être écartés.
11. En second lieu, ainsi qu'il a été dit au point 3 du présent arrêt, la décision litigieuse mentionne les circonstances de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde et n'est dès lors pas entachée d'un défaut de motivation.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
12. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que les moyens tirés par voie d'exception de l'illégalité du refus de titre de séjour opposé à M. C... et de l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour doivent être écartés.
13. En second lieu, ainsi qu'il a été exposé au point 3, la décision mentionne les circonstances de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde et n'est dès lors pas entachée d'un défaut de motivation.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 février 2018. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Me B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme Caroline D..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 29 octobre 2019.
Le rapporteur,
Caroline D...
Le président,
Elisabeth Jayat
Le greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX01647