Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 décembre 2016, M. et MmeD..., représentés par MeA..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 octobre 2016 du tribunal administratif de Pau ;
2°) d'enjoindre à la préfecture de leur délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 120 euros par jour de retard, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- le préfet n'a pas produit l'avis du médecin de l'agence régionale de santé (ARS) ce qui ne lui permet pas de vérifier la régularité de la procédure en que cet avis comporte toutes les précisions qu'il incombait au médecin de l'agence régionale de santé de transmettre au préfet, pour éclairer sa décision ;
- l'avis du médecin de l'agence régionale de santé n'a pas été transmis au directeur de l'agence régionale de santé ;
- le préfet n'établit pas qu'il a procédé à l'examen de sa situation personnelle et médicale et s'est cru à tort lié par l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé ;
- le préfet qui s'est abstenu d'exercer son pouvoir d'appréciation n'expose pas précisément en quoi leurs situations ne relèveraient pas de considérations humanitaires ou exceptionnelles ;
- le refus de séjour est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de leurs situations ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation au regard d'une part, des capacités du Kosovo pour prendre en charge la pathologie psychiatrique dont souffre MmeD..., alors que le pays ne compte qu' un psychiatre pour 90 000 habitants et cinq psychologues cliniques, et d'autre part, de ce que les troubles psychologiques dont souffre Mme D...sont liés à des événements traumatisants qu'elle a endurés au Kosovo, son pays d'origine, et que la nature de sa pathologie fait ainsi en elle-même obstacle à ce que sa prise en charge médicale se poursuive sur les lieux où elle a subi ce traumatisme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2017, le préfet des Hautes-Pyrénées conclut au rejet de la requête comme non fondée.
Par décision du 24 novembre 2016, M. et Mme D...n'ont pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Christine Mège a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C...D..., de nationalité kosovare, est entré en France irrégulièrement, le 16 septembre 2013, et a été rejoint par son épouse, Mme B...D...et leur fils né en 2011, en février 2014. Ils ont déposé, chacun, une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 28 février 2014, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 21 décembre 2015. M. et Mme D...le 23 février 2016, ont sollicité un titre de séjour respectivement en qualité d'accompagnant d'étranger malade et en qualité d'étranger malade. Par deux arrêtés du 27 mai 2016, le préfet des Hautes-Pyrénées a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de départ volontaire de trente jours et a désigné le Kosovo comme pays de renvoi. Les époux D...relèvent appel du jugement de jonction n°s 1601353,1601354 du 18 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du préfet du 27 mai 2016.
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou à Paris le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays (...) ".
3. Le préfet des Hautes-Pyrénées produit à l'instance l'avis du 21 mars 2016 émis et signé par le médecin de l'agence régionale de santé de la région Languedoc-Roussillon Midi-Pyrénées, selon lequel si l'état de santé de Mme D...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il existe, dans le pays dont elle est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale qui doit en l'état être poursuivie pendant une durée indéterminée. Cet avis comporte toutes les précisions qu'il incombait au médecin de l'agence régionale de santé de transmettre, en application de l'arrêté du 9 novembre 2011 précité, pour éclairer le préfet. La saisine du directeur général de l'agence régionale de santé, prévue par les dispositions combinées précitées du 11° de l'article L. 313-11 du CESEDA, du troisième alinéa de l'article R. 313-22 du même code et de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011, n'est exigée que si l'autorité administrative est informée, par l'intéressé, de circonstances humanitaires exceptionnelles. Il ne ressort pas des pièces du dossier que MmeD..., au moment du dépôt de sa demande de titre de séjour ou au cours de l'instruction de celle-ci, aurait fait état de telles circonstances devant le préfet des Hautes-Pyrénées. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure dont serait entaché le refus opposé à la demande de Mme D...doit être écarté.
4. Dans sa demande de titre de séjour du 23 février 2016, M. D...ne s'est présenté qu'en qualité d'accompagnant de son épouse sans faire valoir sa propre situation de santé. Par suite, les moyens tirés de l'irrégularité de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, et l'absence de saisine du directeur général de l'agence régionale de santé dont serait entaché le refus opposé à sa demande sont inopérants et doivent être écartés.
5. Il ne ressort ni de la motivation des arrêtés contestés, ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. et MmeD....
6. Il est constant que Mme D...présente un état anxio-dépressif en rapport avec un stress post-traumatique et un état de dépression secondaire. Par un avis du 21 mars 2016 le médecin de l'agence régionale de santé (ARS) de Midi-Pyrénées a estimé que si le défaut de prise en charge médicale de son état de santé aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pouvait bénéficier d'un traitement approprié au Kosovo. M. et Mme D...se bornent à faire valoir sans apporter d'éléments de nature à l'établir, que la prise en charge des troubles psychiatriques au Kosovo est particulièrement lacunaire et les certificats médicaux émanant de divers médecins qu'ils produisent ne se prononcent pas sur la disponibilité du traitement dans le pays d'origine. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que Mme D... ne pourrait pas bénéficier dans son pays, qui dispose de psychiatres, de psychologues cliniciens ainsi que de centres d'accueil spécialisés dans les traitements psychiatriques ou d' unités spécialisées au sein des hôpitaux, d'un accès effectif à un traitement pluridisciplinaire, à des médicaments équivalents à ceux qui lui sont prescrits en France et à des structures sanitaires aptes à leur prodiguer les soins que requièrent son état de santé. S'ils soutiennent, que les troubles psychologiques dont souffre Mme D...sont liés à des événements traumatisants qu'elle a endurés au Kosovo, son pays d'origine, et que la nature de sa pathologie fait ainsi en elle-même obstacle à ce que sa prise en charge médicale se poursuive sur les lieux où elle a subi ce traumatisme, ni les certificats médicaux produits ni aucune pièce du dossier ne permettent de tenir pour établie la réalité des événements traumatisants que Mme D... aurait personnellement vécus au Kosovo qui seraient à l'origine directe de sa pathologie dépressive, événements dont le récit n'a pas été jugé crédible par les autorités compétentes en matière d'asile. Dans ces conditions, en rejetant la demande de titre de séjour de Mme D...en qualité d'étranger malade, le préfet des Hautes-Pyrénées n'a pas méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du CESEDA. Il n'a pas davantage entaché ses décisions relatives à la situation de M. et Mme D...d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle. Pour les motifs exposés au point 4, le moyen, s'agissant du refus de titre de séjour de M.D..., tiré de la violation des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du CESEDA est inopérant et doit être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...D...et son épouse Mme B...D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 18 octobre 2016, le tribunal administratif de Pau a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction ne peuvent être accueillies et leurs demandes tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE
Article 1er : La requête de M. C...D...et de Mme B...D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D..., à Mme B...D..., au ministre de l'intérieur et à MeA.... Copie en sera transmise au préfet des Hautes-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2017 à laquelle siégeaient :
M. Didier Péano, président,
Mme Christine Mège, président-assesseur,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 4 avril 2017.
Le président-assesseur,
Christine MègeLe président,
Didier PéanoLe greffier,
Evelyne Gay-Boissières La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Evelyne Gay-Boissières
N° 16BX039595