Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 31 mars 2014 et le 20 novembre 2014, MmeB..., représentée par la SCP E...-Kolenc, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 30 janvier 2014 ;
2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Poitiers par le préfet de la Charente-Maritime ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christine Mège,
- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,
- et les observations de MeE..., représentant MmeB..., et de MeC..., représentant la commune des Portes-en-Ré.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 4 novembre 2011 le maire des Portes-en-Ré a délivré à Mme B...le permis de construire qu'elle avait demandé pour l'édification d'une maison d'habitation avec garage sur la parcelle n° 22 située 14 route du Champ Cloppé. Mme B...relève appel du jugement n° 1200849 du 30 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif saisi d'un déféré du préfet de la Charente-Maritime a annulé ce permis de construire. Par mémoire enregistré le 24 novembre 2014, la commune des Portes-en-Ré demande également l'annulation de ce jugement.
2. Sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité des conclusions d'appel présentées par la commune des Portes-en-Ré.
3. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques, que de la gravité de leurs conséquences s'ils se réalisent. Pour l'application de cet article en matière de risque de submersion marine, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, en l'état des données scientifiques disponibles, ce risque en prenant en compte notamment le niveau marin de la zone du projet, le cas échéant sa situation à l'arrière d'un ouvrage de défense contre la mer ainsi qu'en pareil cas, la probabilité de rupture ou de submersion de cet ouvrage au regard de son état, de sa solidité ou des précédents connus de rupture ou de submersion.
4. En premier lieu, les plans de prévention des risques naturels, qui sont destinés notamment à assurer la sécurité des personnes et des biens exposés à certains risques naturels et qui valent servitude d'utilité publique par application de l'article L. 562-4 du code de l'environnement, s'imposent directement aux autorisations de construire sans que l'autorité administrative soit tenue d'en reprendre les prescriptions dans le cadre de la délivrance du permis de construire. Toutefois, l'instauration d'un tel plan n 'interdit pas à cette autorité, à qui il incombe de vérifier, au regard des particularités de la situation qu'il lui appartient d'apprécier, que la construction ne sera pas de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, de refuser, lorsqu'une telle atteinte le justifie, la délivrance de l'autorisation sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Par suite, la circonstance que le permis de construire délivré respecterait la cote de 3,28 A...fixée par le plan de prévention des risques naturels approuvé le 19 juillet 2002 ne fait pas obstacle, par elle-même, à l'application de l'article R. 111-2.
5. En deuxième lieu, il est constant que la parcelle de MmeB..., située en majeure partie en zone de couleur rouge R2 dans le plan de prévention des risques naturels approuvé le 19 juillet 2002 où les constructions à usage d'habitation sont interdites, est, pour la partie sur laquelle est prévue l'édification d'une maison d'habitation, classée dans la zone de couleur bleu foncée référencée BF où les constructions nouvelles à usage d'habitation sont admises si leur plancher bas est situé au dessus de la cote 3,28A.... Toutefois, les phénomènes de submersion observés au cours de la tempête dénommée Xynthia, qui est survenue dans la nuit du 27 au 28 février 2010, durant laquelle la parcelle de Mme B...a été inondée ainsi que le démontrent les photographies produites, ont montré que les données de référence sur la base desquelles avait été élaboré ce plan de prévention n'étaient plus adaptées aux dangers susceptibles de se produire. Les services de l'Etat se sont en conséquence engagés dans une démarche de révision du plan de prévention. Les études réalisées dans ce cadre ont conduit, sur la base d'une modélisation à l'établissement d'une cartographie des niveaux d'eau maximaux résultant du croisement des hauteurs d'eau et des vitesses d'écoulement. Ces études ont pris en compte le retour d'expérience de la tempête établi par la société grenobloise d'études et d'applications hydrauliques (Sogréah), les relevés du marégraphe du port de La Pallice, dont le défaut de fiabilité n'est pas démontré, et qui attestent d'un niveau de l'océan pendant la tempête à la cote altimétrique de 4,50A..., ainsi que les effets du réchauffement de la terre, par application d'une hauteur supplémentaire de 20 centimètres habituellement admise. Cette cartographie inclut le terrain d'assiette de Mme B..., dans un secteur où la submersion peut atteindre un niveau compris entre la cote altimétrique 3,80 A...et la cote altimétrique 4 mA.... Compte tenu du niveau altimétrique de la parcelle à l'emplacement de la construction autorisée tel qu'il résulte des plans annexés à la demande de permis de construire soit 2,22 à 2,35 mA..., inférieur de plus de 2 mètres au niveau marin mesuré pendant la tempête Xynthia, expose le terrain d'assiette de la construction à un risque de submersion de plus d'un mètre. Une telle situation constitue un risque majeur pour les résidents quand bien même le terrain n'est pas situé en zone de solidarité et le projet en prévoit le remblaiement au droit de la construction. La commune des Portes-en-Ré conteste certes cette cartographie élaborée sans concertation avec les élus en reprenant les critiques formulées dans une note établie par une société d'ingénierie pour la communauté de communes de l'Ile de Ré. Cette étude ne démontre pas le caractère sommaire de la méthodologie des services de l'Etat pour déterminer les zones à risque en se bornant à invoquer les termes de la circulaire du 27 juillet 2011, qui n'a pas de portée réglementaire, ou les " premiers éléments de méthodologie pour l'élaboration des PPRL ", rédigés en novembre 2011, qui ne sont que de simples préconisations. La commune n'établit pas davantage le caractère erroné du scénario de défaillances des ouvrages de protection adopté par les services de l'Etat, en faisant valoir que seul le critère de la pente des ouvrages a été pris en compte pour l'évaluation des débits de franchissement de ces structures par paquets de mer. Si la commune des Portes-en-Ré soutient que les hypothèses de brèches dans les ouvrages de protection telles qu'envisagées par les services de l'Etat ne sont pas réalistes, elle se fonde seulement sur un relevé effectué postérieurement à la tempête Xynthia et par la communauté de communes de l'Ile de Ré, selon une méthode et des conditions ignorées, alors que cet événement a démontré, tant sur cette île que sur la côte charentaise, que le risque de brèche ne pouvait, par principe, être exclu dans un document de prévention. S'ils peuvent avoir pour effet de limiter, en particulier dans un avenir proche, les risques pour la population, les travaux entrepris depuis la tempête Xynthia sur les digues protégeant le territoire de la commune des Portes-en-Ré, ou ceux inscrits au programme d' actions de prévention des inondations pour l'Ile de Ré, ne constituent pas une assurance, sur la durée du plan de prévention, de la suppression de tout danger. Il ressort des éléments produits que le scénario retenu par les services de l'Etat correspond non à celui d'une rupture totale, simultanée et instantanée de toutes les digues mais à la défaillance d'un certain nombre d'ouvrages, en des secteurs prédéterminés. Par ailleurs, il ressort des éléments du dossier, que les services de l'Etat ont appliqué, pour le territoire de la commune des Portes-en-Ré, des coefficients de rugosité différents, selon la densité de l'urbanisation. Il ne résulte pas non plus de ladite note commandée par la communauté de communes que les données altimétriques obtenues grâce au modèle numérique Litto3D, modèle commun au service hydrographique et océanographique de la Marine (SHOM) et à l'institut national de la géographie (IGN) et que les services de l'Etat ont utilisé pour déterminer les cotes de l'ensemble des plans d'eau des marais salants, présentent pour le territoire de la commune des Portes-en-Ré une approximation telle que le risque de submersion ne puisse être considéré comme susceptible de mettre en danger la vie des habitants du secteur concerné.
6. Il résulte de tout ce qui précède que ni Mme B...ni la commune des Portes-en-Ré ne sont fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé le permis de construire au motif d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE
Article 1er : La requête de Mme B...et les conclusions d'appel de la commune des Portes-en-Ré sont rejetées.
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N° 14BX01018