Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er avril 2014 et le 24 novembre 2014, MmeE..., représenté par la SCP Pielberg-Kolenc demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 30 janvier 2014 ;
2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Poitiers par le préfet de la Charente-Maritime ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christine Mège,
- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant MmeE..., et de MeC..., représentant la commune des Portes-en-Ré.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 24 octobre 2012 le maire des Portes-en-Ré a délivré à Mme Teirlinckle permis de construire qu'elle avait demandé pour l'édification d'une maison d'habitation et d'un garage, l'agrandissement de l'annexe-piscine et la démolition des constructions existantes sur un terrain situé 11 route du Champ Cloppé. Mme Teirlinckrelève appel du jugement n° 1202735 du 30 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif, saisi d'un déféré du préfet de la Charente-Maritime, a annulé ce permis de construire. Par mémoire enregistré le 26 novembre 2014, la commune des Portes-en-Ré demande également l'annulation de ce jugement.
2. Sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité des conclusions d'appel présentées par la commune des Portes-en-Ré.
3. En application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un permis de construire en retenant plusieurs moyens, de se prononcer sur le bien-fondé de tous les moyens d'annulation retenus au soutien de leur décision par les premiers juges et d'apprécier si l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation.
4. En premier lieu, le terrain d'assiette du projet est classé pour environ les 2/3 de sa superficie en zone bleu foncé BF du plan de prévention des risques naturels de l'île de Ré approuvé le 19 juillet 2002 et pour le reste en zone BF/VF. Dans ces zones, il résulte des dispositions des articles 3.3.1 et 3.9.1 du règlement du plan de prévention des risques naturels que sont interdites les " reconstructions après sinistre dû à la submersion marine à l'exception des bâtiments nécessaires aux activités salicole, conchylicoles et piscicoles nécessitant la proximité immédiate de l'eau. ". De même, les dispositions de l'article UL 1 du plan d'occupation des sols, applicables dans les secteurs " s ", y interdisent les reconstructions des bâtiments ayant subi un sinistre lié à la submersion. Il ressort des pièces du dossier de demande de permis de construire déposé le 28 août 2012 que la construction autorisée par le permis de construire est d'une volumétrie globale différente de celle de la maison existante dont la démolition est autorisée, que ni son emprise au sol ni la surface de plancher n'en sont identiques et que le projet procède à des modifications importantes par rapport à la construction existante qui sera démolie. Il en résulte que le projet de Mme Teirlinckne consiste pas en une reconstruction à laquelle les dispositions précitées tant du plan de prévention du risque inondation que du plan d'occupation des sols seraient opposables. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ces dispositions pour annuler le permis de construire déféré par le préfet de la Charente-Maritime.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article UL2 du plan d'occupation des sols de la commune des Portes-en-Ré : " (...) Sont interdits dans les secteurs (...) ULas (...) : (...) - les affouillements et exhaussements du sol ; (...) ; -les remblais. ". Ces dispositions interdisent tant les travaux d'exhaussement du sol non soumis à la règlementation du permis de construire que les remblais à l'occasion de la mise en oeuvre d'un permis de construire excédant les mouvements de sols nécessaires à l'édification de la construction autorisée. Il ressort des pièces du dossier que le projet autorisé comporte la réalisation de remblais sur l'ensemble de la surface du terrain d'assiette excédant les mouvements de sols nécessaires pour la réalisation de la maison d'habitation autorisée. Par suite, Mme Teirlincket la commune des Porte-en-Ré ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal a jugé que le permis de construire contesté avait été délivré en méconnaissance des dispositions de l'article UL2 du plan d'occupation des sols.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques, que de la gravité de leurs conséquences s'ils se réalisent. Pour l'application de cet article en matière de risque de submersion marine, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, en l'état des données scientifiques disponibles, ce risque en prenant en compte notamment le niveau marin de la zone du projet, le cas échéant sa situation à l'arrière d'un ouvrage de défense contre la mer ainsi qu'en pareil cas, la probabilité de rupture ou de submersion de cet ouvrage au regard de son état, de sa solidité ou des précédents connus de rupture ou de submersion.
7. D'une part, les plans de prévention des risques naturels, qui sont destinés notamment à assurer la sécurité des personnes et des biens exposés à certains risques naturels et qui valent servitude d'utilité publique par application de l'article L. 562-4 du code de l'environnement, s'imposent directement aux autorisations de construire sans que l'autorité administrative soit tenue d'en reprendre les prescriptions dans le cadre de la délivrance du permis de construire. Toutefois, l'instauration d'un tel plan n'interdit pas à cette autorité, à qui il incombe de vérifier, au regard des particularités de la situation qu'il lui appartient d'apprécier, que la construction ne sera pas de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, de refuser, lorsqu'une telle atteinte le justifie, la délivrance de l'autorisation sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Par suite, la circonstance que le permis de construire délivré respecterait la cote de 3,28 NGFfixée par le plan de prévention des risques naturels approuvé le 19 juillet 2002 ne fait pas obstacle, par elle-même, à l'application de l'article R. 111-2.
8. D'autre part, il est constant que la parcelle de MmeE..., située en majeure partie en zone de couleur bleu foncé référencée BF dans le plan de prévention des risques naturels approuvé le 19 juillet 2002 où les constructions nouvelles à usage d'habitation sont admises si leur plancher bas est situé au dessus de la cote 3,28A.Teirlinck Toutefois, les phénomènes de submersion observés au cours de la tempête dénommée Xynthia, qui est survenue dans la nuit du 27 au 28 février 2010, durant laquelle il est constant que la parcelle de Mme Tierlincka été inondée, ont montré que les données de référence sur la base desquelles avait été élaboré ce plan de prévention n'étaient plus adaptées aux dangers susceptibles de se produire. Les services de l'Etat se sont en conséquence engagés dans une démarche de révision du plan de prévention. Les études réalisées dans ce cadre ont conduit, sur la base d'une modélisation à l'établissement d'une cartographie des niveaux d'eau maximaux résultant du croisement des hauteurs d'eau et des vitesses d'écoulement. Ces études ont pris en compte le retour d'expérience de la tempête établi par la société grenobloise d'études et d'applications hydrauliques (Sogréah), les relevés du marégraphe du port de La Pallice, dont le défaut de fiabilité n'est pas démontré, et qui attestent d'un niveau de l'océan pendant la tempête à la cote altimétrique de 4,50A..., ainsi que les effets du réchauffement de la terre, par application d'une hauteur supplémentaire de 20 centimètres habituellement admise. Cette cartographie inclut le terrain d'assiette de MmeE..., dans un secteur où la submersion peut atteindre un niveau compris entre la cote altimétrique 3,80 NGFet la cote altimétrique 4 mA.Teirlinck Compte tenu du niveau altimétrique de la parcelle tel qu'il résulte des plans annexés à la demande de permis de construire soit 2,37 à 2,356 mA..., inférieur de plus de 2 mètres au niveau marin mesuré pendant la tempête Xynthia, le terrain d'assiette de la construction est exposé à un risque de submersion de plus d'un mètre. Une telle situation constitue un risque majeur pour les résidents quand bien même le terrain n'est pas situé en zone de solidarité et le projet en prévoit le remblaiement. La commune des Portes-en-Ré conteste certes cette cartographie élaborée sans concertation avec les élus en reprenant les critiques formulées dans une note établie par une société d'ingénierie pour la communauté de communes de l'Ile de Ré. Cette étude ne démontre pas le caractère sommaire de la méthodologie des services de l'Etat pour déterminer les zones à risque en se bornant à invoquer les termes de la circulaire du 27 juillet 2011, qui n'a pas de portée réglementaire, ou les " premiers éléments de méthodologie pour l'élaboration des PPRL ", rédigés en novembre 2011, qui ne sont que de simples préconisations. La commune n'établit pas davantage le caractère erroné du scénario de défaillances des ouvrages de protection adopté par les services de l'Etat, en faisant valoir que seul le critère de la pente des ouvrages a été pris en compte pour l'évaluation des débits de franchissement de ces structures par paquets de mer. Si la commune des Portes-en-Ré soutient que les hypothèses de brèches dans les ouvrages de protection telles qu'envisagées par les services de l'Etat ne sont pas réalistes, elle se fonde seulement sur un relevé effectué postérieurement à la tempête Xynthia et par la communauté de communes de l'Ile de Ré, selon une méthode et des conditions ignorées, alors que cet événement a démontré, tant sur cette île que sur la côte charentaise, que le risque de brèche ne pouvait, par principe, être exclu dans un document de prévention. S'ils peuvent avoir pour effet de limiter, en particulier dans un avenir proche, les risques pour la population, les travaux entrepris depuis la tempête Xynthia sur les digues protégeant le territoire de la commune des Portes-en-Ré, ou ceux inscrits au programme d'actions de prévention des inondations pour l'Ile de Ré, ne constituent pas une assurance, sur la durée du plan de prévention, de la suppression de tout danger. Il ressort des éléments produits que le scénario retenu par les services de l'Etat correspond non à celui d'une rupture totale, simultanée et instantanée de toutes les digues mais à la défaillance d'un certain nombre d'ouvrages, en des secteurs prédéterminés. Par ailleurs, il ressort des éléments du dossier, que les services de l'Etat ont appliqué, pour le territoire de la commune des Portes-en-Ré, des coefficients de rugosité différents, selon la densité de l'urbanisation. Il ne résulte pas non plus de ladite note commandée par la communauté de communes que les données altimétriques obtenues grâce au modèle numérique Litto3D, modèle commun au service hydrographique et océanographique de la Marine (SHOM) et à l'institut national de la géographie (IGN) et que les services de l'Etat ont utilisé pour déterminer les cotes de l'ensemble des plans d'eau des marais salants, présentent pour le territoire de la commune des Portes-en-Ré une approximation telle que le risque de submersion ne puisse être considéré comme susceptible de mettre en danger la vie des habitants du secteur concerné.
9. Par ailleurs, notamment eu égard à la hauteur d'eau susceptible de submerger la construction, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet aurait pu, sans méconnaître les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, être délivré sous réserve de prescriptions particulières relatives au rehaussement du sol de la construction.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme Teirlincket la commune des Portes-en-Ré ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé le permis de construire délivré le 24 octobre 2012. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE
Article 1er : La requête de Mme Teirlincket les conclusions d'appel de la commune des Portes-en-Ré sont rejetées.
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N° 14BX01021