Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 12 juillet 2016 et le 24 novembre 2017, M. A...B...et M. F...B..., représentés par MeC..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 13 mai 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 5 décembre 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :
- le tribunal administratif a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que le dossier d'enquête publique était incomplet faute de comporter l'avis des personnes publiques associées ;
- il a également omis de statuer sur le moyen tiré de l'irrégularité de l'arrêté préfectoral prescrivant l'ouverture de l'enquête publique en tant qu'il ne précisait pas l'existence d'une étude d'impact ;
- ces moyens n'étaient pas inopérants de sorte que les premiers juges étaient tenus d'y répondre et faute de l'avoir fait leur jugement est irrégulier et doit être annulé ;
Ils soutiennent, en ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté du 5 décembre 2013, que :
- le conseil de communauté de Toulouse Métropole a défini trois phases de concertation en application de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme ; mais aucune des trois délibérations qu'il a prises à cette fin n'a défini les objectifs poursuivis ; la deuxième et la troisième de ces délibérations ont été adoptées après que les objectifs ont été définis et après que la concertation a été engagée ; il en résulte que la procédure suivie est entachée d'un vice substantiel ;
- l'arrêté préfectoral prescrivant l'enquête publique est irrégulier dès lors qu'il a omis de mentionner que le projet a été soumis à une étude d'impact ; les avis relatifs à l'enquête publique n'ont pas non plus mentionné l'existence de l'étude d'impact ;
- il n'est pas établi que le conseil de communauté de Toulouse Métropole ait reçu le dossier d'enquête publique dans le délai d'un mois à compter de la date de clôture de ladite enquête, en application de l'article R. 11-13 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- il n'est pas non plus établi que ledit conseil ait émis une délibération motivée sur les conclusions de la commission d'enquête dans le délai de trois mois prévu par le dernier alinéa de l'article R. 11-13 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; cette délibération motivée devait être prise en raison des réserves émises par la commission d'enquête et qui n'ont pas été levées ;
- il est établi que quatre pages du rapport d'enquête publique qui auraient dû figurer sur le registre n° 1 de Launaguet ont été arrachées ; il s'agit des pages 9-10 et 23-24 ; si la commission d'enquête a estimé que les pages 23-24 étaient sans importance, il est impossible de vérifier la réalité de cette affirmation ; les pages 9-10 correspondent probablement aux observations formulées par MM. B...et l'on ignore quand elles ont été arrachées du registre ; le dossier d'enquête publique était donc incomplet, ce qui a eu une influence sur le sens de la décision prise et privé les tiers d'une garantie ; en effet, en vertu de l'article R. 123-13 du code de l'environnement, les observations du public sont reçues par la commission d'enquête et le président de cette commission les communique, en application de l'article R. 123-18, dans un procès-verbal de synthèse ;
- l'avis des personnes publiques associées n'a pas été joint au dossier d'enquête publique ;
- le dossier d'enquête publique ne comportait aucune mention sur la nécessité d'obtenir une dérogation au titre de la préservation du patrimoine ; or, il est certain que le projet est de nature à altérer les conditions de vie d'espèces protégées ce qui rendait nécessaire l'obtention de la dérogation prévue au 2° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement ;
- l'étude des incidences du projet sur la faune et la flore contenue dans l'étude d'impact est insuffisante ; il en va de même de l'analyse des incidences sanitaires et environnementales du projet ;
- la consultation du préfet en tant qu'autorité environnementale est irrégulière dès lors qu'elle n'a pas été sollicitée sur l'évaluation environnementale dans le délai maximal de trois mois à compter de l'ouverture de l'enquête publique ; le préfet n'a pas non plus publié son avis ;
- l'autorité environnementale consultée en application de l'article L. 122-7 du code de l'environnement ne présentait pas une autonomie suffisante vis-à-vis de la personne décisionnaire conformément aux exigences résultant de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne C-474/10 du 20 octobre 2011 ; c'est en effet la même autorité qui a émis l'avis environnemental et a déclaré le projet d'utilité publique ; l'irrégularité, pour ce motif, de l'avis rendu par l'autorité environnementale doit conduire à l'annulation de l'arrêté en litige ;
- la déclaration d'intérêt général adoptée par le conseil de communauté de Toulouse Métropole le 7 novembre 2013 n'est pas suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 126-1 du code de l'environnement ;
Ils soutiennent, en ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté du 5 décembre 2013, que :
- les inconvénients que présente le projet sont excessifs par rapport à ses avantages attendus ; il porte une atteinte disproportionnée à la propriété privée ; la commission d'enquête a aussi relevé que, à terme, la traversée du village de Launaguet par le Boulevard Urbain Nord (BUN) ne constitue pas une solution durable en raison notamment des prévisions d'accroissement du trafic ; la commission d'enquête a ainsi émis sur ce point des observations qui doivent être requalifiées de réserves, lesquelles n'ont pas été levées par le maître de l'ouvrage ; l'état actuel du réseau de circulation automobile est actuellement acceptable et le coût du projet, évalué à 215,5 M d'euros en investissements actualisés, est très élevé ; ce coût est d'autant plus excessif que le dossier ne détaille pas les coûts d'investissement et d'exploitation, ne précise pas les indemnisations à verser au titre des acquisitions foncières, le montant des travaux projetés, les frais d'étude, les taxes et le coût des mesures de compensation pour l'environnement ; il n'est pas non plus fait état des indemnisations des pertes des éléments corporels et incorporels des fonds exploités par les expropriés ; ainsi, le taux de rentabilité économique du projet, tel qu'indiqué dans le dossier d'expropriation, n'est pas pertinent ;
- le projet présente également des inconvénients environnementaux excessifs compte tenu des atteintes qu'il porte aux espèces protégées présentes sur le site de l'opération.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 17 octobre 2016 et le 13 décembre 2017, Toulouse Métropole, représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des requérants une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :
- le tribunal a implicitement répondu au point 13 de son jugement au moyen tiré de l'absence en annexe au dossier d'enquête publique des avis des personnes publiques associées ;
- le tribunal n'avait pas à répondre à l'autre moyen tiré de ce que l'arrêté prescrivant l'ouverture de l'enquête publique et les avis rendus ne mentionnaient pas l'existence de l'étude d'impact ; en effet, la circonstance invoquée est insusceptible d'entraîner l'annulation de la déclaration d'utilité publique en litige ;
Elle soutient, en ce qui concerne la légalité externe de la décision attaquée, que :
- afin d'associer au mieux toutes les personnes intéressées par le projet, le conseil de communauté de Toulouse Métropole a décidé d'organiser une concertation en trois phases par trois délibérations adoptées le 16 octobre 2008, le 16 décembre 2010 et le 23 juin 2011 ; Toulouse Métropole a pu organiser dans un premier temps une concertation facultative pour associer le public à l'élaboration du projet puis une concertation obligatoire en vue de recueillir les avis du public sur l'avant-projet provisoire ; les objectifs de la concertation ont été définis et les dispositions de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme, relatives à l'organisation d'une concertation, ont été respectées ;
- quand bien même le projet serait de nature à détruire des spécimens d'espèces protégées - ce qui n'est pas démontré compte des mesures définies dans l'étude d'impact - il n'en reste pas moins qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que cette mention figure dans le dossier d'enquête publique ou que cette demande soit formulée avant que le projet ne soit déclaré d'utilité publique ;
- le délai d'un mois imparti à la commission d'enquête pour transmettre au maire le dossier et le registre d'enquête, avec ses conclusions motivées, n'est pas imparti à peine de nullité ;
- le conseil de communauté n'était tenu de prendre une délibération motivée qu'en présence d'un avis défavorable de la commission d'enquête ; en l'espèce, la commission d'enquête a rendu un avis favorable, les réserves qu'elle a émises ne devant pas conduire à requalifier son avis comme étant défavorable au projet ; dans ces conditions, le non-respect des délais prévus par l'article R. 11-13 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique n'est pas susceptible d'entraîner l'irrégularité de la décision attaquée ;
- l'absence dans le registre d'enquête des pages 23-24 est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie ; il en va de même de l'absence des pages 9-10 dès lors que le très grand nombre d'observations recueillies au cours de l'enquête publique montre qu'il n'a pas été porté atteinte au droit de participation du public ; il n'est pas établi que les observations figurant sur les pages manquantes aient présenté un intérêt ou une originalité particulière par rapport à toutes celles consignées par ailleurs ; en tout état de cause, les thèmes abordés par les consorts B...dans leur courrier adressé au préfet le 7 mars 2014 font partie des questions abordées par la commission d'enquête ;
- la simple omission de la mention de l'existence d'une étude d'impact dans l'arrêté préfectoral prescrivant l'ouverture de l'enquête publique n'est pas de nature à justifier l'annulation de la décision finale dès lors qu'il est établi que l'étude d'impact était bien contenue dans le dossier d'enquête publique ; en tout état de cause, le moyen soulevé manque en fait ;
- le dossier d'enquête publique comporte l'estimation des dépenses, laquelle doit d'ailleurs rester sommaire, engendrées par le projet ;
- contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'étude d'impact analyse de manière suffisamment complète l'impact du projet sur la faune et la flore ainsi que son impact sanitaire ; les mesures prévues pour réduire ces impacts sont également précisées dans l'étude ; enfin, il n'est pas établi que le projet porterait atteinte à la préservation d'une espèce protégée ;
- le moyen tiré de l'absence d'autonomie de l'autorité environnementale doit être écarté car les déclarations d'utilité publique ne figurent pas parmi les différents documents retenus comme litigieux et illégaux par l'arrêt du Conseil d'Etat invoqué par les requérants ; les déclarations d'utilité publique ne sont en effet pas au nombre des décisions devant faire l'objet d'une évaluation environnementale en application de l'article R. 122-7 du code de l'environnement ;
- les requérants ne démontrent pas que la déclaration de projet du 7 novembre 2013 serait insuffisamment motivée ;
- si les requérants font valoir que le préfet du département n'a pas été consulté sur l'évaluation environnementale trois mois au plus tard avant l'ouverture de l'enquête publique et qu'il n'a pas publié son avis, aucun texte législatif ou réglementaire n'impose de consulter ledit préfet sur l'avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement ; si la cour devait retenir cette absence d'autonomie, cela n'impacterait pas la déclaration d'utilité publique mais priverait seulement d'effet et de portée l'avis de l'autorité environnementale sur l'étude d'impact ;
Elle soutient, en ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté attaqué, que :
- si la commission d'enquête s'est inquiétée, à propos de la traversée du village de Launaguet, de l'accroissement à venir de la population générant une augmentation du trafic routier, elle s'est néanmoins bornée à estimer qu'il convenait de préserver une solution d'avenir ; cette réserve ne concerne donc pas le projet actuellement défini mais son devenir dans l'hypothèse d'une augmentation importante du trafic routier ; les observations de la commission ne remettent pas en cause l'utilité publique du projet de BUN ; il n'est pas établi que le coût du projet serait excessif ; ce projet répond aux besoins de développement du secteur nord de Toulouse, et constitue un équipement indispensable et préalable au développement de l'urbanisation dans les communes du nord de l'agglomération toulousaine ; le projet assure et renforce la continuité du réseau actuel de bus, avec un rabattement sur la station terminale de la ligne B du métro toulousain, en permettant ainsi des gains de confort et de rapidité, rendant attractive la future ligne de transport en commun ; les calculs appliqués pour définir le taux de rentabilité interne socio-économique du projet sont pertinents contrairement à ce que soutiennent les requérants ; s'agissant des incidences du projet sur les espèces protégées, des mesures compensatoires et des mesures d'évitement ou de réduction ont été prévues.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 12 janvier 2017 et le 12 février 2018, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :
- les deux moyens soulevés devant les premiers juges étaient inopérants ; le tribunal n'était ainsi pas tenu d'y répondre et son jugement n'est dès lors pas entaché d'irrégularité ;
Il soutient, en ce qui concerne le bien-fondé du jugement, que :
- l'autorité environnementale est ici le préfet de région alors que c'est le préfet du département qui a édicté l'arrêté en litige, de sorte qu'il ne s'agit pas d'une même autorité fonctionnelle ; l'avis de l'autorité environnementale a été préparé par les services de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement Midi-Pyrénées et signé par son directeur adjoint alors que la déclaration d'utilité publique a été instruite par le bureau de l'aménagement commercial et de l'utilité publique de la préfecture de la Haute-Garonne ; le moyen tiré de l'absence d'autonomie de l'autorité environnementale doit être écarté ;
- la mise en compatibilité des documents d'urbanisme n'avait pas à être soumise à évaluation environnementale ;
- les moyens tirés de l'absence de mention dans l'arrêté prescrivant l'enquête publique de l'étude d'impact et de l'absence des avis des personnes publiques associées sont inopérants ;
- à supposer que les réserves émises par la commission d'enquête doivent conduire à requalifier comme défavorable l'avis rendu, il est établi que Toulouse Métropole s'est prononcée sur le projet par une délibération motivée du 7 novembre 2013 ;
- quand bien même elle aurait été nécessaire, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, l'obtention de la dérogation au titre de l'article L. 411-2 n'était pas un préalable obligatoire à la délivrance de la déclaration d'utilité publique.
Par ordonnance du 19 février 2018, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 20 mars 2018 à 12 heures.
Le mémoire présenté par le ministre de l'intérieur le 10 septembre 2018, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 28 juillet 2016 (affaire C-379/15) ;
- le code de l'environnement ;
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le code de l'urbanisme ;
- l'avis contentieux n° 420119 rendu par le Conseil d'Etat le 27 septembre 2018 ;
- le décret n° 2009-235 du 27 février 2009 relatif à l'organisation et aux missions des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frédéric Faïck,
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant M. A...B...et M. F...B...et de MeG..., représentant Toulouse Métropole.
Une note en délibéré présentée pour Toulouse Métropole a été enregistrée le 13 septembre 2018.
Deux notes en délibéré présentées par le ministre de l'intérieur ont été enregistrées le 24 septembre 2018 et le 28 septembre 2018.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 5 décembre 2013, le préfet de la Haute-Garonne a déclaré d'utilité publique les travaux de réalisation du Boulevard Urbain Nord sur les territoires des communes de Toulouse, l'Union, Launaguet, Castelginet, Gratentour, Bruguières et Pechbonieu, a autorisé le président de la communauté urbaine Toulouse Métropole à acquérir, à l'amiable ou par voie d'expropriation, les immeubles nécessaires à cette opération et a approuvé la mise en compatibilité, avec l'opération projetée, du plan local d'urbanisme de Toulouse Métropole (communes de l'Union, Gratentour), du plan d'occupation des sols de Toulouse Métropole (communes de Launaguet et de Castelginet) et du plan local d'urbanisme de Pechbonieu. M. A... et M. F...B...ont saisi le tribunal administratif de Toulouse d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 5 décembre 2013. Ils relèvent appel du jugement rendu le 13 mai 2016 par lequel le tribunal a rejeté leur demande.
Sur la légalité de l'arrêté du 5 décembre 2013 :
2. Aux termes de l'article L. 122-4 du code de l'environnement : " I. - Font l'objet d'une évaluation environnementale au regard des critères mentionnés à l'annexe II à la directive 2001/42/ CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001, relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement, les plans, schémas, programmes et autres documents de planification susceptibles d'avoir des incidences sur l'environnement qui, sans autoriser par eux-mêmes la réalisation de travaux ou prescrire des projets d'aménagement, sont applicables à la réalisation de tels travaux ou projets : 1° Les plans, schémas, programmes et autres documents de planification adoptés par l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements et les établissements publics en dépendant, relatifs (...) aux transports (...) ou à l'aménagement du territoire qui ont pour objet de définir le cadre de mise en oeuvre les travaux et projets d'aménagement entrant dans le champ d'application de l'étude d'impact en application de l'article L. 122-1 ; 2° Les plans, schémas, programmes et autres documents de planification adoptés par l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements et les établissements publics en dépendant, autres que ceux mentionnés au 1° du présent article, qui ont pour objet de définir le cadre de mise en oeuvre des travaux ou projets d'aménagement s'ils sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement. 3° Les plans, schémas, programmes et autres documents de planification pour lesquels, étant donné les incidences qu'ils sont susceptibles d'avoir sur des sites, une évaluation des incidences est requise en application de l'article L. 414-4. (...) ". Aux termes de l'article L. 122-7 du même code : " La personne publique responsable de l'élaboration d'un plan ou d'un document transmet pour avis à une autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement le projet de plan ou de document élaboré en application de l'article L. 122-4, accompagné du rapport environnemental. A défaut d'être émis dans un délai de trois mois, l'avis est réputé favorable. L'autorité de l'Etat compétente en matière d'environnement est consultée, en tant que de besoin, sur le degré de précision des informations que doit contenir le rapport environnemental. ". Ces dispositions transposent notamment le paragraphe 3 de l'article 6 de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 aux termes duquel " les Etats membres désignent les autorités qu'il faut consulter et qui, étant donné leur responsabilité spécifique en matière d'environnement, sont susceptibles d'être concernées par les incidences environnementales de la mise en oeuvre de plans et de programme ".
3. La directive du 27 juin 2001 comme celle du 13 décembre 2011, concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics ou privés sur l'environnement, ont pour finalité commune de garantir qu'une autorité compétente et objective en matière d'environnement soit en mesure de rendre un avis sur l'évaluation environnementale des plans et programmes ou sur l'étude d'impact des projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, avant leur approbation ou leur autorisation, afin de permettre la prise en compte de ces incidences.
4. Aux termes de l'article L. 122-1 du code de l'environnement : " (...) III. -Dans le cas d'un projet relevant des catégories d'opérations soumises à étude d'impact, le dossier présentant le projet, comprenant l'étude d'impact et la demande d'autorisation, est transmis pour avis à l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement. Dans le cas d'un projet relevant de la procédure d'examen au cas par cas, l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement est saisie par le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage d'un dossier présentant le projet et détermine si ce dernier doit être soumis à la réalisation d'une étude d'impact. IV. - La décision de l'autorité compétente qui autorise le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage à réaliser le projet prend en considération l'étude d'impact, l'avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement et le résultat de la consultation du public (...) ". En vertu du III de l'article R. 122-6 du code de l'environnement, dans sa version applicable en l'espèce, dans les cas ne relevant pas du I ou du II, l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement mentionnée à l'article L. 122-1 est le préfet de la région sur le territoire de laquelle le projet de travaux, d'ouvrage ou d'aménagement doit être réalisé. En application de ces dispositions, l'autorité environnementale a émis, le 25 février 2013, un avis favorable sur le dossier, comprenant l'étude d'impact, présenté par le pétitionnaire.
5. Les dispositions de l'article 6 de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001, qui a les mêmes finalités que la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 quant au rôle des autorités susceptibles d'être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d'environnement, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment dans son arrêt rendu le 20 octobre 2011 dans l'affaire C-474/10, ne font pas obstacle à ce qu'une même autorité élabore le plan ou programme litigieux et soit chargée de la consultation en matière environnementale et n'imposent pas, en particulier, qu'une autre autorité de consultation au sens de cette disposition soit créée ou désignée, pour autant que, au sein de l'autorité normalement chargée de procéder à la consultation en matière environnementale et désignée comme telle, une séparation fonctionnelle soit organisée de manière à ce qu'une entité administrative, interne à celle-ci, dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et soit ainsi en mesure de remplir les missions confiées aux autorités de consultation par ces dispositions.
6. Aux termes de l'article 1er du décret n° 2009-235 du 27 février 2009 : " (...) La direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement exerce les missions définies à l'article 2, sous l'autorité du préfet de région et sous l'autorité fonctionnelle du préfet de département pour les missions relevant de sa compétence (...) ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " Dans la région, sous l'autorité du préfet de région, et sous réserve des compétences du préfet de département et des compétences attribuées à d'autres services ou établissements publics de l'Etat, la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement assure les missions suivantes : (...) 4° Elle veille au respect des principes et à l'intégration des objectifs du développement durable et réalise ou fait réaliser l'évaluation environnementale de ces actions et assiste les autorités administratives compétentes en matière d'environnement sur les plans, programmes et projets ".
7. Il ressort des pièces du dossier que le projet soumis à déclaration d'utilité publique a été instruit par le bureau de l'aménagement commercial et de l'utilité publique de la préfecture de la Haute-Garonne, que l'avis de l'autorité environnementale du 25 février 2013 a été préparé par les services de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement du logement (DREAL) puis signé, pour le préfet de la région Midi-Pyrénées, par le directeur adjoint de cette dernière, enfin que l'arrêté attaqué a été pris par le préfet de la Haute-Garonne qui est aussi le préfet la région Midi-Pyrénées. Il résulte des dispositions précitées du décret du 27 février 2009 que le préfet de région a autorité sur le service de la DREAL, auteur de l'avis favorable donné sur l'évaluation environnementale du projet de Boulevard Urbain Nord.
8. En se bornant à faire valoir que les services de la DREAL sont séparés fonctionnellement de la préfecture de région et qu'ils sont dotés de moyens administratifs et humains qui leur sont propres, l'administration ne fait état d'aucune justification permettant d'apprécier concrètement la réalité de l'autonomie dont ce service, pourtant placé sous l'autorité du préfet de région, est censé disposer afin qu'il puisse donner en toute autonomie son avis sur le projet contesté.
9. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que le principe d'autonomie de l'autorité environnementale a été méconnu.
10. Les irrégularités qui entachent un élément qui, tel l'avis de l'autorité environnementale, doit être joint au dossier de l'enquête publique, sont de nature à vicier la procédure, et donc à entraîner l'illégalité de la décision si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont pu exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.
11. En l'espèce, le vice tenant à l'absence d'autonomie réelle de l'autorité environnementale qui entache l'avis favorable émis par cette autorité a été de nature à nuire à l'information complète de la population et à exercer une influence sur le sens de la décision prise.
12. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de leur requête, que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande. Dès lors, le jugement doit être annulé ainsi que l'arrêté du 5 décembre 2013 en litige.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Il y a lieu de faire application de ces dispositions en mettant à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros demandée par les requérants. En revanche, les conclusions présentées par Toulouse Métropole en application de ces mêmes dispositions doivent être rejetées dès lors que les requérants ne sont pas partie perdante à l'instance.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1402342 du tribunal administratif de Toulouse du 13 mai 2016 et l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 5 décembre 2013 sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à M. A...et M. F...B..., pris ensemble, la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par Toulouse Métropole au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., à M. F...B..., à Toulouse Métropole et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 11 septembre 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 octobre 2018.
Le rapporteur,
Frédéric FaïckLe président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX02291