Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 août 2016, M.A..., représenté par Me Pather, demande à la cour :
1°) de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur l'interprétation des stipulations de l'article 29 du règlement 603/2013 ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 29 juillet 2016 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2016 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à Me Pather, avocat du requérant, de la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
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Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Didier Péano a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., de nationalité tchadienne, s'est présentée le 11 avril 2016 auprès des services de la préfecture pour solliciter l'asile. Un relevé de ses empreintes digitales a été effectué conformément au règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement et du Conseil de l'Union Européenne du 26 juin 2013, dit " Dublin III ", établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride. Les recherches entreprises sur le fichier européen Eurodac à partir de ce relevé ont révélé que ses empreintes avaient déjà été saisies par les autorités italiennes. Après avoir adressé à ces dernières une demande de prise en charge en application de l'article 18-1 du règlement (UE) n° 604/2013 qu'elles ont implicitement acceptée, le préfet du Gers a pris le 4 juillet 2016 un arrêté portant transfert de M. A...aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile. M. A...a contesté la légalité de cet arrêté devant le tribunal administratif de Pau et relève appel du jugement par lequel le président de ce tribunal administratif a rejeté sa demande.
2. En premier lieu, M. A...soutient que l'arrêté méconnaît le droit à l'information prévue à l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 faute pour l'interprète qui a assisté à l'entretien du 11 avril 2016 de lui en avoir traduit la totalité dans la mesure où il n'était pas assermenté et ne parlait pas l'arabe littéraire. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. (...) ". Selon le point 4 de cette disposition : " l'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement penser qu'il le comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. (...) ".
3. L'entretien individuel qui s'est tenu le 11 avril 2016 avec un agent de la préfecture de Haute-Garonne a été traduit à M. A...par un membre de l'association Regar qui l'a pris en charge et qui a servi d'interprète. D'une part, aucune disposition du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne prévoit que l'administration doive faire appel à un interprète assermenté. D'autre part, M. A...qui a signé la retranscription écrite de l'entretien n'établit pas que cette retranscription ne serait pas conforme aux propos échangés lors de l'entretien individuel du 11 avril 2016. Ainsi M. A...n'a pas été privé de la garantie procédurale consistant en un accès, dans une langue qu'il est susceptible de comprendre, aux informations qui doivent être portées à sa connaissance en application de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013.
4. En deuxième lieu, M. A...soutient que l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 et celles de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'est pas établi que les brochures qui lui ont été remises comportaient toutes les informations prévues par ce texte. Toutefois, ainsi qu'il vient d'être dit, M. A...n'établit pas que la retranscription qu'il a signée de l'entretien individuel du 11 avril 2016 ne serait pas conforme aux propos échangés et lui aurait été remise dans une langue qu'il ne comprend pas. De plus, il ressort des pièces du dossier que la préfecture met à la disposition des demandeurs d'asile le guide du demandeur d'asile. En outre, dès que la préfecture a été informée que M. A...était susceptible d'entrer dans le champ d'application de la procédure de réadmission en Italie, il lui a été remis une brochure d'information concernant la procédure Dublin du règlement (UE) n° 604/2013, rédigée en langue arabe. M. A...a reconnu avoir reçu ces brochures en signant leur première page produite au dossier de première instance et M. A...n'établit pas que les brochures ne comporteraient pas l'ensemble des informations, requises par les dispositions de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 en se bornant à faire valoir que la production de leur première page n'est pas suffisante. Enfin, dès lors que ni les dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 ni aucun texte législatif ou réglementaire n'exige que les autorités françaises vérifient que les autorités responsables de l'examen de la demande d'asile ont respecté ces dispositions, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur leur interprétation.
5. En troisième lieu, M. A...soutient que l'arrêté est insuffisamment motivé en ce qu'il ne détaille pas la procédure Eurodac. Toutefois, l'arrêté qui désigne clairement l'Italie comme Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile en précisant qu'elle a implicitement accepté de le reprendre en charge, en application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et que M. A...n'établit pas relever des dérogations prévues aux articles 17.1 et 17.2 de ce règlement. Il est vrai que l'arrêté ne précise pas que le relevé d'empreintes a permis de déterminer l'Italie comme Etat responsable et ne vise pas le règlement (UE) 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac. Toutefois l'arrêté fait référence en la visant à une décision notifiée le 11 avril 2016 après l'entretien individuel dont il a bénéficié. Contrairement à ce qu'il soutient, un tel renvoi à un document qui détaille suffisamment la procédure Eurodac qui lui a été appliquée, constitue une motivation qui comporte les considérations de droit et de fait permettant à l'intéressé de connaître à la lecture de l'arrêté attaqué, les raisons pour lesquelles il fait l'objet d'une réadmission en Italie. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.
6. En quatrième lieu, M. A...soutient que l'arrêté lui a été irrégulièrement notifié dès lors qu'il lui a été remis dans une traduction écrite et qu'il est illettré. Toutefois, ainsi qu'il a déjà été dit, M. A...avait été informé avant même la notification de l'arrêté du 4 juillet 2016, qu'il pouvait faire l'objet d'un transfert aux autorités italiennes et il n'est pas contesté que M. A...n'a pas fait valoir d'observations avant cette notification. De plus, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté portant transfert aux autorités italiennes, indiquant notamment la mention des voies et délais de recours, lui a été notifié dans sa traduction arabe, avec l'aide d'une interprète agréée près la cour d'appel d'Agen le mettant ainsi à même de former un recours contentieux contre cette décision. Il suit de là que M. A...n'est pas fondé à prétendre que l'arrêté portant transfert aux autorités italiennes qu'il conteste lui a été irrégulièrement notifié.
7. En cinquième lieu, M. A...soutient qu'il ne pouvait faire l'objet d'une mesure de transfert aux autorités italiennes qui l'ont maltraité et dès lors que les conditions d'accueil en Italie connaissent des défaillances systémiques importantes et ne sont pas conformes aux dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, il n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il serait exposé en Italie à un risque personnel de traitement inhumain et dégradant au sens des dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales d'autant que l'Italie est un membre de l'Union Européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est présumé conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette présomption est toutefois réfragable lorsque qu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile. Toutefois, M. A...n'apporte pas davantage sur ce point d'élément laissant supposer qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Par suite, ce moyen doit être écarté. Enfin, il ne ressort pas de l'office du juge administratif de se prononcer sur la régularité des conditions de l'interpellation d'un étranger en situation irrégulière. Par suite, les conditions de l'interpellation de M. A...en Italie sont, en tout état de cause, sans influence sur la légalité de l'arrêté attaqué.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa demande tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle doit être rejetée.
DECIDE
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
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N° 16BX02860