Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 avril 2016, le GAEC des Pommiers-Bernard, représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 3 mars 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 31 juillet 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté du 31 juillet 2013 :
- cet arrêté a été pris à l'issue d'une procédure qui n'a pas respecté le principe du contradictoire car il n'a pas reçu communication du rapport administratif lui permettant de présenter ses observations en méconnaissance des articles L. 171-6 et L. 514-5 du code de l'environnement ; de plus, l'article L. 514-5 imposait à l'administration de respecter un délai de prévenance de 48 heures et lui permettait d'être assisté d'une tierce personne ; enfin, l'arrêté a été pris en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 dès lors qu'il n'a pas été mis à même de présenter ses observations écrites et orales ;
- l'arrêté n'est pas suffisamment motivé en fait car il comporte une motivation succincte par référence.
En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté du 31 juillet 2013 :
- il s'est engagé dans la mise en place d'une unité de méthanisation destinée à remplacer les deux fosses géomembranes à lisier dont l'étanchéité a été mise en cause par l'administration ; ce projet, d'une grande plus-value environnementale et économique, nécessite des investissements lourds et des études préalables approfondies qui n'ont pu encore être menés à leur terme en raison de difficultés administratives et financières ; l'arrêté du 31 juillet 2013 ne tient pas compte de ces circonstances.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 septembre 2017, le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'il soutient, le GAEC des Pommiers-Bernard a été mis à même, à plusieurs reprises, de faire valoir ses observations notamment lors des contrôles de son exploitation diligentés en mars et juillet 2013 ; il a été destinataire du rapport de l'inspection des installations classées du 16 juillet 2013, lequel lui accordait un délai de trois jours pour présenter ses observations ; ce délai était approprié aux circonstances de l'espèce ; le GAEC Pommiers-Bernard a de plus été informé de son droit à se faire assister par une tierce personne ;
- l'arrêté du 31 juillet 2013 est suffisamment motivé en droit comme en fait ;
- au fond, le requérant ne conteste ni les prescriptions de l'arrêté de mise en demeure ni les pollutions engendrées par leur non respect mais soutient que le délai qui lui a été imparti pour se mettre en conformité avec la réglementation est insuffisant compte tenu des difficultés qu'il a rencontrées dans la mise en place de son projet d'unité de méthanisation ; toutefois, l'administration n'a jamais imposé au GAEC l'installation d'une telle unité ; le GAEC n'est pas dispensé, dans l'attente de la réalisation de cette unité, de prendre les mesures destinées à mettre fin aux pollutions constatées ; le GAEC n'a jamais cherché à mettre fin à ces pollutions et n'apporte aucun élément de nature à établir que le délai d'un mois prévu par la mise en demeure serait insuffisant.
Par ordonnance du 15 septembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 17 octobre 2017 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frédéric Faïck,
- et les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) des Pommiers-Bernard exploite, sur le territoire de la commune de Marans, un élevage de vaches laitières relevant du régime de la déclaration au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement. A l'issue d'un contrôle qu'il a effectué le 23 mars 2012, l'inspecteur des installations classées a constaté que l'élevage ne respectait pas, sur plusieurs points, la réglementation applicable. Aussi, par un arrêté du 12 avril 2012, le préfet de la Charente-Maritime a mis en demeure le GAEC des Pommiers-Bernard de remédier aux non-conformités constatées dans un délai de trois mois ou de six mois selon les mesures prescrites. Après une nouvelle inspection réalisée le 16 juillet 2013, ayant établi que le GAEC n'avait pas mis fin à ces non-conformités, le préfet a pris, le 31 juillet 2013, un nouvel arrêté de mise en demeure assorti d'un délai d'exécution d'un mois. Le 25 septembre 2013, le GAEC des Pommiers-Bernard a adressé au préfet un recours gracieux tendant à ce qu'il lui soit octroyé un délai supplémentaire et demandant " de suspendre toutes mesures administratives et financières de nature à compromettre le fonctionnement de [son] entreprise ". Le 12 novembre 2013, le préfet a décidé de maintenir sa mise en demeure tout en acceptant de prolonger jusqu'en fin d'année le délai d'un mois imparti à l'exploitant pour mettre son élevage en conformité avec la réglementation. Le GAEC des Pommiers-Bernard a saisi le tribunal administratif de Poitiers d'une demande d'annulation de l'arrêté du 31 juillet 2013. Il relève appel du jugement rendu le 3 mars 2016 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 31 juillet 2013 :
2. Aux termes de l'article L. 171-8 du code de l'environnement : " (...) I. - Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine. En cas d'urgence, elle fixe les mesures nécessaires pour prévenir les dangers graves et imminents pour la santé, la sécurité publique ou l'environnement (...) ". Aux termes de l'article L. 171-6 du même code : " Lorsqu'un agent chargé du contrôle établit à l'adresse de l'autorité administrative compétente un rapport faisant état de faits contraires aux prescriptions applicables, en vertu du présent code, à une installation (...) ou une activité, il en remet une copie à l'intéressé qui peut faire part de ses observations à l'autorité administrative. ". Aux termes de l'article L. 514-5 dudit code : " L'exploitant est informé par l'inspecteur des installations classées des suites du contrôle. L'inspecteur des installations classées transmet son rapport de contrôle au préfet et en fait copie simultanément à l'exploitant. Celui-ci peut faire part au préfet de ses observations. ".
En ce qui concerne le vice de procédure allégué :
3. En premier lieu, il résulte des dispositions citées au point précédent que le rapport de l'inspecteur des installations classées, qui sert de fondement à la mise en demeure, doit être transmis à l'exploitant, lequel peut faire part au représentant de l'Etat de ses observations. Par suite, alors même que le préfet a compétence liée, lorsque l'inspecteur des installations classées a constaté l'inobservation de conditions légalement imposées à l'exploitant d'une installation classée, pour édicter une mise en demeure de satisfaire à ces conditions dans un délai déterminé, la circonstance que le rapport de l'inspecteur constatant les manquements n'ait pas été préalablement porté à la connaissance de l'exploitant dans les conditions prescrites par le code de l'environnement est de nature à entacher d'irrégularité la mise en demeure prononcée.
4. En l'espèce, les observations écrites adressées par le GAEC des Pommiers-Bernard au préfet le 29 juillet 2013 visaient " la mise en demeure du 16 juillet 2013 " qui n'était autre que le rapport d'inspection rédigé le même jour par l'inspecteur des installations classées. Par suite, le GAEC requérant, dont les observations répondaient précisément au rapport du 16 juillet 2013, a bien reçu communication de celui-ci conformément aux dispositions citées au point 2. Il s'ensuit que l'arrêté du 31 juillet 2013 en litige n'a pas été pris à l'issue d'une procédure irrégulière.
5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment des mentions contenues dans le rapport de l'inspecteur des installations classées, qu'un délai de prévenance de 48 heures a, en tout état de cause, été respecté avant la visite de contrôle effectuée le 16 juillet 2013. Enfin, aucune dispositions législatives ou réglementaires ne prévoient que l'exploitant doit bénéficier de l'assistance d'une tierce personne pendant la visite d'inspection à peine d'irrégularité de la mise en demeure préfectorale.
En ce qui concerne le bien fondé de l'arrêté du 31 juillet 2013 :
6. Dans son rapport du 16 juillet 2013, l'inspecteur des installations classées a relevé que les fosses " géomembranes " à lisier de l'élevage étaient en mauvais état, que le GAEC exploitant n'avait pas déposé un nouveau dossier de déclaration tenant compte de l'augmentation de son cheptel ni fait réaliser un contrôle de ses installations électriques. Dans son courrier du 29 juillet 2013, le GAEC requérant a reconnu la réalité de ces non-conformités et notamment l'état dégradé des fosses à lisier dont l'absence d'étanchéité provoque une pollution de l'environnement.
7. Le GAEC des Pommiers-Bernard ne conteste pas le bien fondé des prescriptions de la mise en demeure du 31 juillet 2013 mais soutient que le délai dont est assortie leur réalisation est insuffisant compte tenu des difficultés administratives et financières qu'il rencontre pour mettre en place son projet d'usine de méthanisation destiné à remplacer les fosses à lisier de son élevage. Toutefois, ce moyen est inopérant dès lors que l'arrêté du 31 juillet 2013 n'a ni pour objet ni pour effet d'imposer au GAEC de mettre en place un tel projet mais lui impose seulement de prendre toutes les mesures qui s'avèrent nécessaires pour remédier, notamment, aux pollutions engendrées par le mauvais état des installations existantes, notamment des fosses à lisier.
8. Il est constant que les non-conformités relevées dans le rapport du 16 juillet 2013 sont identiques à celles qui avaient déjà été constatées lors de la première visite de contrôle réalisée le 23 mars 2012. Il est tout aussi constant que le GAEC requérant n'a pas remédié à ces dysfonctionnements en dépit d'une première mise en demeure adressée le 12 avril 2012, soit plus d'un an avant l'intervention de l'arrêté du 31 juillet 2013 en litige. En particulier, le GAEC s'est abstenu de prendre les mesures garantissant l'étanchéité de ses fosses à lisier qui auraient permis de mettre fin à la pollution constatée.
9. Par suite, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation en imposant au GAEC, par l'arrêté du 31 juillet 2013, un délai d'un mois pour mettre ses installations en conformité avec la réglementation applicable. Et, au demeurant, le GAEC requérant peut d'autant moins contester le délai en cause dès lors que celui-ci a été repoussé jusqu'en fin d'année par le préfet dans sa décision du 12 novembre 2013.
En ce qui concerne les autres moyens :
10. Il résulte des dispositions de l'article L. 171-8 du code de l'environnement, citées au point 2, que lorsque l'inspecteur des installations classées a constaté, selon la procédure requise par le code de l'environnement, l'inobservation de conditions légalement imposées à l'exploitant d'une installation classée, le préfet, sans procéder à une nouvelle appréciation de la violation constatée, est tenu d'édicter une mise en demeure de satisfaire à ces conditions dans un délai déterminé.
11. Dès lors que, comme dit précédemment, le GAEC des Pommiers-Bernard n'avait pas remédié aux dysfonctionnements de son élevage tels que constatés par l'inspecteur des installations classées dans son rapport du 16 juillet 2013, le préfet de la Charente-Maritime était tenu d'édicter la mise en demeure contestée du 31 juillet 2013. En raison de cette situation de compétence liée, les autres moyens soulevés, tirés de la méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 et du défaut de motivation de l'arrêté du 31 juillet 2013, sont inopérants.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le GAEC des Pommiers-Bernard n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête du groupement agricole d'exploitation en commun des Pommiers-Bernard est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) des Pommiers-Bernard et au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.
Délibéré après l'audience du 3 mai 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Pierre Bentolila, président-assesseur,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 29 mai 2018.
Le rapporteur,
Frédéric Faïck
Le président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Evelyne Gay-Boissières
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 16BX01467