Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 3 mai 2016 et le 24 mai 2017, la commune de Cézac, représentée par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 3 mars 2016 ;
2°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
- le tribunal n'a pas suffisamment motivé son jugement par lequel il estimait que le classement en zone NI du terrain de M. B...était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; en particulier, le tribunal n'a pas examiné la cohérence du classement retenu par le plan local d'urbanisme avec les objectifs poursuivis par ce même document exposés dans son rapport de présentation et son plan d'aménagement et de développement durable ;
Elle soutient, au fond, que :
- le jugement est entaché d'une contradiction de motifs car il censure le zonage du plan local d'urbanisme tout en relevant la cohérence du classement du terrain avec les objectifs du plan d'aménagement et de développement durable ;
- il est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il a jugé illégal le classement des parcelles de M. B...en se fondant sur leurs caractéristiques et leur localisation sans apprécier si ledit zonage était cohérent avec les objectifs du plan local d'urbanisme tel qu'explicités dans les documents qui l'accompagnent ;
- un certificat d'urbanisme pré-opérationnel n'est pas un acte d'application du plan local d'urbanisme et par suite, l'exception d'illégalité de ce document ne pouvait être utilement soulevée à l'encontre du certificat délivré le 20 novembre 2013 ;
- l'administration communale dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour définir le zonage de son territoire et elle n'est liée ni par les modalités existantes d'utilisation des terrains ni par le fait que ces derniers sont contigus à des secteurs construits ou sont desservis par les réseaux publics ; en l'espèce, le plan d'aménagement et de développement durable du plan local d'urbanisme de la commune fixe un objectif de maîtrise du développement urbain par un ralentissement du rythme de la construction en divisant celui-ci par deux ; il entend privilégier aussi la fonction centrale et structurante du centre-bourg pour son territoire, conforter les équipements verts de loisirs de la commune ; dans ce cadre, le zonage Ni concerne des terrains assurant la respiration du centre bourg ; le classement des parcelles de M. B...en zone Ni est cohérent avec les objectifs du plan d'aménagement et de développement durable et du rapport de présentation du plan local d'urbanisme communal ; c'est donc à tort que le tribunal a jugé que ce classement était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 avril 2017, M.B..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Cézac la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement du tribunal est suffisamment motivé contrairement à ce que soutient la commune appelante ;
- le jugement n'est pas entaché d'une contradiction de motifs ;
- contrairement à ce que soutient la commune, la délivrance d'un certificat d'urbanisme négatif permet à son titulaire d'en contester la légalité en contestant par voie d'exception le zonage du plan local d'urbanisme dont ledit certificat fait application ;
- le jugement n'est pas entaché d'une erreur de droit en ce qui concerne les critères qu'il a pris en compte pour juger de la légalité du zonage du terrain ; le tribunal ne pouvait se borner à apprécier la légalité du zonage litigieux au regard des seuls objectifs des documents accompagnant le plan local d'urbanisme ; les premiers juges ont donc pu à bon droit se fonder sur la situation du terrain dans le centre-bourg, sa faible superficie, sur le fait qu'il est desservi par les réseaux publics et qu'il est contigu à des parcelles classés en zone U pour estimer que son classement en zone Ni était entaché d'une erreur manifeste ;
- de plus, les objectifs du plan d'aménagement et de développement durable et du rapport de présentation du plan local d'urbanisme ne font pas obstacle au classement en zone constructible des parcelles de M.B... ; au contraire même puisque leur classement en zone naturelle compromet l'objectif de densification du centre-bourg consacré par ces documents ; la volonté communale de limiter l'urbanisation concerne en réalité les vastes parcelles situées au nord du bourg de Cézac ; si la commune a entendu préserver de l'urbanisation certaines parcelles du centre-bourg, c'est uniquement en vue de constituer des réserves foncières pour de futurs équipements publics et non pour les préserver en tant qu'espaces naturels ou paysagers ;
- en tout état de cause, le plan local d'urbanisme communal était entaché d'autres illégalité ; ainsi, le classement des parcelles litigieuses est fondé sur une interprétation extensive de la notion de zone naturelle contraire à l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme constitutive d'une erreur de droit ; il est ensuite contraire aux objectifs du plan d'aménagement et de développement durable visant à privilégier l'urbanisation du centre-bourg et à mettre fin à l'étalement de l'urbanisation ; enfin, le classement des parcelles de M. B...révèle un détournement de procédure et un détournement de pouvoir.
Par ordonnance du 24 mai 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 16 juin 2017 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frédéric Faïck,
- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant la commune de Cézac, et de Me A..., représentant M.B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B...est propriétaire des parcelles cadastrées section AC n° 19, 20 et 232 p situées voie communale n°10, le Bourg, sur le territoire de la commune de Cézac. M. B...souhaite y faire construire une maison à usage d'habitation et, afin de connaître la faisabilité de son projet au regard de la réglementation d'urbanisme applicable, a sollicité le 30 août 2013 un certificat d'urbanisme opérationnel sur le fondement des dispositions du b) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme. Le 20 novembre 2013, le maire de Cézac a délivré, au nom de la commune, un certificat d'urbanisme négatif au motif que le règlement du plan local d'urbanisme faisait obstacle à la réalisation du projet de M.B.... Le 15 janvier 2014, M. B...a adressé au maire un recours gracieux tendant au retrait du certificat d'urbanisme délivré le 20 novembre 2013 et qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. La commune de Cézac relève appel du jugement rendu le 3 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à la demande de M. B...en annulant le certificat d'urbanisme délivré le 20 novembre 2013 et la décision rejetant implicitement le recours gracieux présenté à l'encontre de cette décision.
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 123-1-3 du code de l'urbanisme : " Le projet d'aménagement et de développement durables définit les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques. Le projet d'aménagement et de développement durables arrête les orientations générales concernant l'habitat (...) et les loisirs (...) Il fixe des objectifs de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain. ". Aux termes de l'article L. 123-1-2 du même code : " Le rapport de présentation explique les choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durables, les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement (...) ". Aux termes de l'article L. 123-1-5 dudit code : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés à l'article L. 121-1, qui peuvent notamment comporter l'interdiction de construire, délimitent les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger et définissent, en fonction des circonstances locales, les règles concernant l'implantation des constructions. ".
3. Aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : a) Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; b) Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; c) Soit de leur caractère d'espaces naturels. En zone N, peuvent seules être autorisées : - les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole et forestière ; - les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs ou à des services publics, dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière dans l'unité foncière où elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages (...) ".
4. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction.
5. Les parcelles de M. B...ont été classées par le plan local d'urbanisme de Cézac approuvé le 29 mars 2013 en zone Nl. Celle-ci est définie, au préambule du règlement du plan local d'urbanisme, comme couvrant un secteur " voué à l'accueil des équipements sportifs et des activités de loisirs de plein air implanté au Nord-Ouest du bourg. ". Dans cette zone, les projets de constructions nouvelles d'habitation, tel que celui de M.B..., sont interdits en vertu des dispositions combinées des articles N1 et N2 du plan local d'urbanisme.
6. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles appartenant à M.B..., bien que situées dans le bourg de Cézac, sont à l'état de prairie et forment un ensemble d'un seul tenant d'une superficie de 7 140 mètres carrés. Elles constituent ainsi un secteur naturel au sens des dispositions précitées de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme où sont notamment possibles des installations nécessaires à des équipements collectifs parmi lesquels figurent les aménagements à vocation sportive ou de loisirs.
7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que, du seul fait de leur localisation, le classement en zone Nl des parcelles de M. B...serait contraire aux prévisions du règlement du plan local d'urbanisme selon lesquelles une telle zone est implantée au nord-ouest du bourg.
8. Le projet d'aménagement et de développement durable du plan local d'urbanisme vise notamment à maîtriser le développement urbain de la commune. Dans ce but, les auteurs de ce plan ont entendu diviser par deux le rythme des constructions sur le territoire communal par rapport à la moyenne observée au cours des dix dernières années. Cet objectif s'inscrit dans le cadre d'une politique visant à développer le caractère central du bourg, laquelle passe aussi par le renforcement des équipements de la commune et pas nécessairement par le seul développement de l'urbanisation de cette partie du territoire.
9. A cette fin, le projet d'aménagement et de développement durable entend conforter les équipements de loisirs à proximité immédiate du centre-bourg en vue d'offrir aux résidents de la commune, à terme et à l'intérieur d'un cadre paysager de qualité, un espace vert de convivialité. Dans ce cadre, il a été prévu notamment de faciliter les accès piétonniers au terrain de football situé sur la parcelle n°233 qui jouxte à l'est les parcelles de M.B.... Ce faisant, les auteurs du plan local d'urbanisme ont entendu permettre l'aménagement sur la propriété du requérant d'équipements collectifs au sens de l'article R. 123-8 précité du code de l'urbanisme, si bien que le classement en zone Nl retenu à cette fin n'est pas incohérent avec les objectifs poursuivis par le projet d'aménagement et de développement durable du plan local d'urbanisme.
10. Ce classement n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard aux caractéristiques des parcelles de M.B..., qui, bien qu'elles se situent dans le centre bourg à proximité d'autres constructions et soient desservies par les réseaux d'équipements publics, s'étendent à l'état de prairie sur une superficie de 7 140 mètres carrés et jouxtent côté est un espace vert à vocation sportive.
11. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a jugé que le classement des parcelles de M. B...en zone Nl était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
12. Il appartient à la cour, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...à l'encontre du certificat d'urbanisme délivré le 20 novembre 2013.
Sur la légalité du certificat d'urbanisme du 20 novembre 2013 :
13. En premier lieu, il ne ressort pas de l'examen du certificat d'urbanisme attaqué que certaines des mentions exigées par les dispositions de l'article A. 410-4 du code de l'urbanisme y auraient été omises. Au contraire, le certificat rappelle les dispositions législatives et réglementaires applicables au projet de M.B..., notamment celles du plan local d'urbanisme adopté le 29 mars 2013. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du certificat d'urbanisme doit être écarté.
14. En deuxième lieu, les parcelles de M.B..., en raison de leur localisation et de leur superficie, offrent un espace disponible pour la mise en oeuvre des futurs projets de la commune visant à conforter les équipements de loisirs à proximité du centre-bourg. Dans ces conditions, et comme il a déjà été dit aux points 8 et 9, M. B...n'est pas fondé à invoquer, à l'appui de sa demande d'annulation du certificat litigieux, l'incohérence du classement en zone Nl de ses parcelles avec les objectifs du projet d'aménagement et de développement durable. Il résulte également du point 10 que le classement des parcelles litigieuses n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
15. En troisième lieu, au regard des objectifs qu'elle poursuit, la commune ne peut être regardée comme ayant cherché à satisfaire, en classant les parcelles de M. B...en zone Nl, un objectif étranger à ceux qu'elle pouvait légalement prendre en compte. Par suite, les moyens tirés du détournement de procédure et du détournement de pouvoir doivent être écartés.
16. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Cézac est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé le certificat d'urbanisme du 20 novembre 2013 et la décision du maire rejetant le recours gracieux de M.B.... Dès lors, ce jugement doit être annulé, sans qu'il soit besoin d'examiner sa régularité.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Il y a lieu de faire application de ces dispositions en mettant à la charge de M. B... la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Cézac et non compris dans les dépens. En revanche, les conclusions présentées par M. B...sur ce même fondement doivent être rejetées dès lors que la commune de Cézac n'est pas la partie perdante à l'instance d'appel.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°1401916 du tribunal administratif de Bordeaux du 3 mars 2016 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejetée.
Article 3 : M. B...versera à la commune de Cézac la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. B...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Cézac et à M. D... B....
Délibéré après l'audience du 3 mai 2018à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Pierre Bentolila, président-assesseur,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 29 mai 2018.
Le rapporteur,
Frédéric Faïck
Le président,
Elisabet JayatLe greffier,
Evelyne Gay-Boissières
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX01511