Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 mai 2017, la commune de Jarret, représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 8 mars 2017 ;
2°) d'ordonner la suppression du passage de la demande introductive d'instance figurant en page 2 et indiquant " et qui semble être antidaté " ;
3°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Pau ;
2°) de mettre à la charge M. D... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le titre exécutoire n'est pas dépourvu de base légale, puisqu'il se fonde sur l'arrêté du 6 janvier 2014, que M. D... n'a pas attaqué ; cet arrêté a force exécutoire, le maire produisant une attestation relative à son affichage en mairie ;
- la commune demande à nouveau la suppression du passage du recours introductif d'instance, relatif à un prétendu caractère antidaté de l'arrêté du 6 janvier 2014, car il s'agit d'un passage outrageant et diffamatoire au sens de l'article 41 alinéa 4 de la loi du 29 juillet 1881 ; le jugement doit également être annulé en ce qu'il a refusé d'ordonner la suppression de ce passage ;
- la vache appartenant à M. D... était bien en état de divagation ; le maire pouvait donc décider de sa mise en fourrière sur le fondement de l'article L. 211-11-II et III du code rural et de la pêche maritime ; il pouvait également user des pouvoirs de police qu'il tient de l'article L. 2212-2 du code général des collectivité territoriales, car une vache divagante représente un danger grave et immédiat pour les personnes et les véhicules terrestres à moteur susceptibles de la croiser ;
- la mise en lieu de dépôt n'est pas intervenue sur le fondement de l'article L. 211-11-I du code rural et de la pêche maritime, de sorte que les moyens tirés de la violation de cet article sont inopérants ;
- la circonstance que la vache ne présentait aucun signe d'agressivité est sans incidence, une vache qui divague constituant en elle-même un danger, aucune des dispositions précitées n'imposant en outre la production d'un constat vétérinaire ;
- contrairement à ce que prétend M. D..., il n'a pris aucune mesure pour récupérer immédiatement son animal, qui ne lui a donc pas été restitué le 17 janvier, mais le 17 mars 2014 ; et encore, M. D... a-t-il refusé de signer le reçu de restitution de la vache ;
- aucun détournement de pouvoir n'a eu lieu, les propos de M. D... relevant de la pure polémique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2017, M. C... D..., représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Jarret la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la commune de Jarret ne sont pas fondés.
Par une ordonnance en date du 23 octobre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 novembre 2018.
Par un courrier en date du 11 octobre 2019, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré de ce que la commune n'établit pas que, conformément à l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, l'arrêté du 6 janvier 2014 ait été transmis au contrôle de légalité à la date d 'émission du titre exécutoire du 4 décembre 2014.
La réponse de la commune à ce moyen d'ordre public a été enregistrée le 17 octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G...,
- et les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. Le 16 janvier 2014, une vache appartenant à M. D... s'est échappée de son enclos et s'est retrouvée au hameau de Leret (Hautes-Pyrénées), devant la stabulation appartenant au groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) du col de Leret. M. D... a porté plainte pour vol le 17 janvier 2014. Cependant, que, par un courrier du 20 février 2014, le maire de la commune de Jarret a informé M. D... qu'en application de l'article L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime, il devait venir récupérer sa vache, mise en dépôt au GAEC du col de Leret. L'animal a été restitué à son propriétaire le 17 mars 2014. Un titre exécutoire a alors été émis le 4 décembre 2014 pour un montant de 380 euros par la trésorerie principale de Lourdes pour réclamer à M. D... le paiement de 19 jours de frais de garde de son animal. La commune de Jarret fait appel du jugement du tribunal administratif de Pau du 8 mars 2017, qui a annulé le titre exécutoire émis le 4 décembre 2014 à l'encontre de M. D....
Sur les conclusions à fin d'annulation du titre exécutoire émis le 4 décembre 2014 :
2. Aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. (...). Le maire certifie, sous sa responsabilité, le caractère exécutoire de ces actes. ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 2122-7 du même code : " La publication des arrêtés du maire peut être constatée par une déclaration certifiée du maire. ".
3. Pour annuler le titre exécutoire émis le 4 décembre 2014, que la commune dit avoir pris en application de l'arrêté municipal du 6 janvier 2014 désignant un lieu de dépôt pour l'hébergement des bovins, ovins, caprins ou équidés trouvés en divagation sur la commune de Jarret, les premiers juges se sont fondés sur ce que la commune de Jarret ne justifiait pas de la publication de cet arrêté, lequel ne comportait aucune mention certifiant celle-ci.
4. En appel, la commune de Jarret produit une attestation de son maire, établie le 6 mai 2017, certifiant que l'arrêté du 6 janvier 2014 " a bien été affiché en mairie de Jarret à compter du jour même, soit le 6 janvier 2014 ".
5. Cependant, si, aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivité territoriales, le caractère exécutoire des actes pris par les autorités communales est tributaire de leur publication ou bien de leur affichage, et si, aux termes de l'article R. 2122-7 du même code, le maire peut certifier de cette publication ou affichage, attestation qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, l'article L. 2131-1 impose une seconde condition au caractère exécutoire de l'acte, qui est cumulative, et qui est sa transmission au représentant de l'Etat dans le département. Or, en l'espèce, la commune n'établit, ni d'ailleurs même n'allègue, que l'arrêté du 6 janvier 2014 aurait été transmis au contrôle de légalité avant l'émission du titre exécutoire en litige. Par suite, l'opposabilité de l'arrêté n'étant pas établie, le titre exécutoire émis le 4 janvier 2014 est dépourvu de base légale.
6. Il résulte de ce qui précède que la commune de Jarret n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a annulé le titre exécutoire émis le 4 décembre 2014.
Sur les conclusions de la commune de Jarret tendant à la suppression d'un passage de la requête :
7. Aux termes de l'article L. 741-2 du code de justice administrative : " Sont également applicables les dispositions des alinéas 3 à 5 de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ci-après reproduites : " Art. 41, alinéas 3 à 5. - Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux. Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts. (...) ".
8. Comme l'ont déjà relevé à bon droit les premiers juges, contrairement à ce que soutient la commune de Jarret, le passage du mémoire introductif d'instance de M. D..., selon lequel l'arrêté municipal du 6 janvier 2014 serait antidaté, qui prend place dans la discussion contentieuse courante, ne présente pas un caractère injurieux ou diffamatoire qui justifierait qu'il soit supprimé en application des dispositions précitées. Dans ces conditions, c'est à juste titre que le tribunal administratif a considéré que les conclusions de la commune tendant à cette suppression devaient être rejetées.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de M. D..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Jarret sur ce fondement. En revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 1 500 euros que demande M. D... sur le même fondement.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Jarret est rejetée.
Article 2 : La commune de Jarret versera à M. D... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Jarret et à M. C... D.... Copie en sera adressée au directeur départemental des finances publiques des Hautes-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 4 novembre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
Mme B... A..., présidente-assesseure,
Mme G..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 décembre 2019.
Le rapporteur,
G...Le président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 17BX01456