Procédure devant la cour :
Par une requête sommaire, enregistrée le 6 octobre 2017, régularisée par un mémoire ampliatif enregistré le 8 novembre 2017, et un mémoire en réplique enregistré le 27 mars 2019, le département de la Guadeloupe, représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 6 juillet 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de M. E... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier, car sa minute ne comporte pas les signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- le tribunal a insuffisamment motivé son jugement ; il n'a pas répondu à certains points soulevés par le département ; les motifs sur lesquels il s'est fondé ne sont pas cohérents eu égard à la chronologie des faits;
- M. E... a été régulièrement convoqué à l'entretien d'évaluation ; aucun texte ne détermine la forme que doit prendre la convocation à l'entretien professionnel ; la convocation n'était pas irrégulière au regard des dispositions de l'article 6 du décret n° 2014-1526 du 16 décembre 2014, dès lors que l'évaluation litigieuse est afférente aux activités antérieures au 1er janvier 2015, comme le précise l'article 9 de ce même décret ; le contexte conflictuel ne pouvait justifier un mode de convocation différent de celui des autres agents ; par suite, l'absence d'évaluation lui est imputable.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2018, M. B... E..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du département de la Guadeloupe la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le département ne sont pas fondés.
Par une ordonnance en date du 27 mars 2019, la clôture de l'instruction a été reportée au 25 avril 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 11 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- la loi n°2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles ;
- le décret n° 2010-716 du 29 juin 2010 portant application de l'article 76-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 2014-1526 du 16 décembre 2014 relatif à l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires territoriaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G...,
- et les conclusions de M. Basset, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... E..., attaché territorial principal, est employé par le département de la Guadeloupe et affecté sur le poste de responsable du pôle insertion économique et professionnelle depuis le 26 juin 2012. Il a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe l'annulation de la décision par laquelle la présidente du conseil départemental de la Guadeloupe a refusé de faire procéder à son entretien professionnel au titre des années 2013 et 2014, à la suite des demandes en ce sens qu'il a présentées les 19 janvier 2016, 24 mars 2016 et 31 juillet 2016. Le département de la Guadeloupe fait appel du jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 6 juillet 2017, qui a annulé la décision implicite de refus de la présidente du conseil départemental de la Guadeloupe de faire droit à la demande d'entretien professionnel formulée par M. E... au titre des années 2013 et 2014.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Si le département de la Guadeloupe soutient que le jugement du 6 juillet 2017 qui lui a été notifié ne comporte pas les signatures requises, il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement est, conformément aux exigences des dispositions précitées de l'article R. 741-7, revêtue de la signature du président de la formation de jugement, de celle du rapporteur et de celle du greffier d'audience. La circonstance que le jugement notifié au département ne comporterait pas ces signatures est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.
3. En deuxième lieu, par le point 3 de son jugement, le tribunal administratif a exposé de façon précise et circonstanciée les raisons pour lesquelles il a considéré que l'autorité territoriale avait omis de faire procéder à l'entretien professionnel de M. E... sans qu'il soit établi que cette autorité territoriale se soit trouvée dans l'impossibilité d'organiser un tel entretien. Par suite, il a suffisamment motivé l'annulation, à laquelle il a procédé, de la décision implicite de refus de la présidente du conseil départemental de la Guadeloupe de faire effectuer l'entretien professionnel de M. E... au titre des années 2013 et 2014.
4. En dernier lieu, les premiers juges se sont fondés sur l'un des moyens soulevés par M. E..., qui suffisait à lui seul à annuler la décision contestée. Par suite, à supposer même qu'ils n'auraient pas répondu à tous les arguments soulevés en défense, ils n'ont pas pour autant entaché leur jugement d'omission à statuer.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. Aux termes de l'article 17 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les notes et appréciations générales attribuées aux fonctionnaires et exprimant leur valeur professionnelle leur sont communiquées. / Les statuts particuliers peuvent ne pas prévoir de système de notation ". Aux termes de l'article 76 de loi du 26 janvier 1984 : " Le pouvoir de fixer les notes et appréciations générales exprimant la valeur professionnelle des fonctionnaires dans les conditions définies à l'article 17 du titre Ier du statut général est exercé par l'autorité territoriale au vu des propositions du secrétaire général ou du directeur des services de la collectivité ou de l'établissement. / Les commissions administratives paritaires ont connaissance des notes et appréciations ; à la demande de l'intéressé, elles peuvent en proposer la révision. / (...) ". Aux termes de l'article 76-1 de la même loi, tel que modifié par la loi susvisée du 27 janvier 2014, mais abrogé au 1er janvier 2015 : " Au titre des années 2010, 2011, 2012, 2013 et 2014 l'autorité territoriale peut se fonder, à titre expérimental et par dérogation au premier alinéa de l'article 17 du titre Ier du statut général et à l'article 76 de la présente loi, sur un entretien professionnel pour apprécier la valeur professionnelle des fonctionnaires prise en compte pour l'application des articles 39, 78 et 79 de la présente loi. / L'entretien est conduit par leur supérieur hiérarchique direct et donne lieu à l'établissement d'un compte rendu. ". Aux termes de l'article 6 du décret du 29 juin 2010 portant application de l'article 76-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, abrogé au 1er janvier 2016: " Les modalités d'organisation de l'entretien professionnel sont les suivantes : 1° Le fonctionnaire est convoqué huit jours au moins avant la date de l'entretien par le supérieur hiérarchique direct. 2° La convocation est accompagnée de la fiche de poste de l'intéressé et d'un exemplaire de la fiche d'entretien professionnel servant de base au compte rendu (...) ". Aux termes de l'article 6 du décret du 16 décembre 2014 relatif à l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires territoriaux : " Les modalités d'organisation de l'entretien professionnel sont les suivantes : 1° Le fonctionnaire est convoqué huit jours au moins avant la date de l'entretien par le supérieur hiérarchique direct ; 2° La convocation est accompagnée de la fiche de poste de l'intéressé et d'un exemplaire de la fiche d'entretien professionnel servant de base au compte rendu (...) ". Aux termes de l'article 9 du même décret : " Les dispositions du présent décret s'appliquent aux évaluations afférentes aux activités postérieures au 1er janvier 2015. ".
6. Il ressort des pièces du dossier qu'au titre, notamment, des années 2013 et 2014, la collectivité départementale a mis en oeuvre, sur le fondement des dispositions précitées, l'expérimentation de l'entretien professionnel en lieu et place de la notation, laquelle a été définitivement remplacée, au titre des années successives, par effet de l'entrée en vigueur de la loi susvisée du 27 janvier 2014. Il est par ailleurs constant que M. E... n'a bénéficié d'aucun entretien professionnel au titre des années 2013 et 2014. Le département de la Guadeloupe soutient à cet égard que son supérieur hiérarchique, M. C..., se serait trouvé dans l'impossibilité d'y procéder, en raison du comportement de l'agent lui-même, tendant à s'y soustraire. Cependant, il ressort des pièces du dossier que les entretiens concernant l'ensemble des agents du département au titre des années 2013 et 2014 n'ont eu lieu qu'au cours des années 2015 et 2016 et que M. C..., déférant à des instruction qui lui avaient été adressées en ce sens par le directeur général des services de la collectivité, a établi un courrier daté du 15 mars 2016 portant convocation de M. E... à un entretien professionnel le 22 mars 2016 et préparé les formulaires à remplir dans le cadre de l'entretien. A cet égard, M. E... invoque l'article 6 du décret du 16 décembre 2014 susvisé, lequel prévoit que le fonctionnaire doit être convoqué huit jours au moins avant la date de l'entretien. Si le département fait valoir que l'article 9 du même décret prévoit que ses dispositions ne s'appliquent qu'aux évaluations afférentes aux activités postérieures au 1er janvier 2015, il est constant, d'une part, que l'article 6 du décret précédent, en date du 29 juin 2010, et qui a été abrogé au 1er janvier 2016 en raison de l'intervention du nouveau décret, prévoyait le même délai de convocation et, d'autre part, que c'est le retard pris par le département à évaluer ses agents au titre des années 2013 et 2014 qui est à l'origine d'évaluations réalisées en 2016 portant sur des activités antérieures au 1er janvier 2015. En tout état de cause, le département ne justifie pas de la réception d'une telle convocation par l'intéressé par la seule production d'une impression d'un courrier électronique qui aurait été adressé à l'intéressé par la secrétaire de M. C... et qui aurait contenu, en pièce jointe à celui-ci, le courrier de convocation rédigé par M. C.... D'une part en effet, comme l'ont relevé les premiers juges, sans entacher à cet égard leur motif de contradiction, M. E... a contesté, notamment par courriers des 24 mars 2016 et 31 juillet 2016, avoir été convoqué, et plus particulièrement, avoir reçu la convocation du 22 mars 2016, contestations auxquelles l'autorité administrative n'a donné aucune suite. D'autre part, eu égard au contexte particulièrement conflictuel opposant de longue date l'agent à son supérieur hiérarchique, ainsi qu'aux annulations, prononcées par le tribunal administratif de la Guadeloupe, d'une part, des refus antérieurs de procéder aux notations de M. E... au titre des années 2007 à 2009 (jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe n°1000550 du 11 janvier 2012), et d'autre part, de l'entretien professionnel au titre de l'année 2012, lequel avait été irrégulièrement mené par le directeur général des services de la collectivité en suppléance de la carence de M. C... (jugement du même tribunal administratif n°1500277 du 31 janvier 2017), le département de la Guadeloupe ne saurait, dans le contexte particulier de l'espèce, et sans qu'il puisse utilement invoquer une de rupture de traitement d'avec les autres agents, se prévaloir de l'usage d'une transmission des courriers par messagerie électronique au sein de la collectivité sans justifier, par tout moyen probant, de la réception effective par M. E... d'au moins une convocation à un entretien professionnel à laquelle l'agent concerné ne se serait pas rendu sans en justifier.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le département de la Guadeloupe n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est pas entaché de contradiction dans ses motifs, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé la décision implicite de refus de la présidente du conseil départemental de faire droit à la demande d'entretien professionnel, formulée par M. E... au titre des années 2013 et 2014.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de M. E..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande le département sur ce fondement. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de la Guadeloupe une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. E... en vue de la présente instance et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête du département de la Guadeloupe est rejetée.
Article 2 : Le département de la Guadeloupe versera à M. E... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et au département de la Guadeloupe.
Délibéré après l'audience du 4 novembre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
Mme F... D..., présidente-assesseure,
Mme G..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 décembre 2019.
Le rapporteur,
G...Le président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 17BX03250 4