Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 juillet 2019, M. B... C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en date du 7 juin 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler ces arrêtés du 2 juin 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de procéder au réexamen de sa situation administrative dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, le versement à son avocat d'une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- cette décision est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il est entré en France le 26 juin 2013 où il vit avec sa compagne et leurs enfants mineurs dont l'aîné est scolarisé, et travaille en contrat à durée indéterminée ; pour les mêmes motifs cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il est locataire de son logement, travaille en CDI et que sa compagne et leurs enfants résident en France ;
- cette décision est privée de base légale dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire français qui la fonde est elle -même illégale ;
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- cette décision est privée de base légale dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire français qui la fonde est elle -même illégale ;
- cette décision est entachée d'erreur de fait dès lors qu'il travaille et qu'il n'est donc pas sans ressources ;
- il a des liens familiaux en France, où il réside depuis 2013 ; l'usage de faux n'est pas justifié ; il ne constitue pas une menace à l'ordre public ;
En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :
- cette décision a été prise par un signataire incompétent ;
- cette décision est privée de base légale dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire français qui la fonde est elle -même illégale ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par ordonnance du 6 septembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 11 octobre 2019 à midi.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. H... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M C..., ressortissant albanais, né le 24 mars 1984 à Kacinar, entré en France, selon ses déclarations, pour la dernière fois en 2015, relève appel du jugement en date du 7 juin 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de la Gironde en date du 2 juin 2019 lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, fixant le pays de renvoi, et portant assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Sur la légalité de l'arrêté du 2 juin 2019 portant obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour sur le territoire français :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles elle se fonde, et notamment le 3° du I de l'article L. 511-1. Par ailleurs, cette décision mentionne les circonstances de fait propres à la situation de M. C..., notamment qu'il a fait l'objet d'une décision portant refus de séjour en date du 16 février 2018 assortie d'une obligation de quitter le territoire français à laquelle il s'est soustraie, et que son épouse fait également l'objet d'une mesure d'éloignement en date du 16 février 2018. Par suite, et alors même qu'elle ne mentionne pas ses enfants résident avec lui sur le territoire français, cette décision doit être regardée comme suffisamment motivée en droit et en fait.
3. En deuxième lieu, il ne ressort ni de la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français ni des autres pièces du dossier que le préfet de la Gironde n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation personnelle du requérant. Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit en s'abstenant de procéder à un examen sérieux de la situation personnelle de M. C....
4. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. /2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
5. M. C... fait valoir qu'il est entré en France le 26 juin 2013 où il vit avec sa compagne et leurs enfants mineurs dont l'aîné est scolarisé, et travaille en contrat à durée indéterminée comme conducteur de travaux dans une société dans laquelle il détient des parts sociales. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment des dires de l'intéressé, qu'il est entré pour la dernière fois en France récemment de manière irrégulière au cours de l'année 2015 une semaine après avoir fait l'objet d'une mesure d'éloignement en date du 1er juin 2015. Il ressort également des pièces du dossier que M. C... et son épouse ont fait l'objet de deux décisions portant refus de titre de séjour, assorties d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, en date du 16 février 2018. Dans ces conditions, il n'est pas établi qu'il existerait un obstacle à la reconstitution du foyer familial dans leur pays d'origine, avec leurs enfants. Dès lors, la seule circonstance tenant à ce que M. C..., qui a été interpellé pour détention et usage de faux, soit titulaire d'un contrat à durée indéterminée pour un poste de conducteur de travaux, n'est pas de nature à faire regarder la décision contestée comme ayant porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis. Ladite décision n'a dès lors pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. C....
En ce qui concerne la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire :
6. En premier lieu, le présent arrêt écartant les moyens dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. C..., le moyen selon lequel l'illégalité de cette décision priverait de base légale celle de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire doit être écarté.
7. En second lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français (...) toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ". Il est constant que M. C... n'a pas exécuté l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 16 février 2018. Le risque de fuite étant ainsi établi au sens du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en l'absence de circonstance particulière au sens des dispositions précitées, le préfet de la Gironde n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de la situation de M. C... en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :
8. En premier lieu, le présent arrêt écartant les moyens dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. C..., le moyen selon lequel l'illégalité de cette décision priverait de base légale celle de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans doit être écarté.
9. En deuxième lieu, si M. C... soutient que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français serait entachée d'erreur de fait dès lors qu'elle mentionne qu'il est sans ressources. Toutefois, il ressort de la lecture de la décision litigieuse est également fondée le motif tiré de ce M. C... faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai et il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Gironde aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif.
10. En dernier lieu, si M. C... soutient que cette décision méconnaît les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne se prévaut d'aucun autre élément que ceux invoqués en première instance. Par conséquent, il y a lieu d'écarter les moyens par adoption des motifs pertinemment retenus par le premier juge.
Sur la légalité de l'arrêté du 2 juin 2019 portant assignation à résidence :
11. Il ressort des pièces du dossier que M. A... G..., signataire de la décision portant assignation à résidence, a reçu délégation de signature du préfet de la Gironde, par arrêté en date du 17 avril 2019 régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département du même jour, pour signer les " 1. Décisions d'éloignement du territoire français d'un étranger en situation irrégulière en application du livre 5 du CESEDA (du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile). 2. Décisions de placement, de maintien et de prolongation de maintien, en local administratif ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, d'étranger faisant l'objet d'une décision d'éloignement précitée ; ". Il résulte de la lecture de cet arrêté que la décision portant assignation à résidence, qui constitue une décision distincte de la mesure d'éloignement et d'une mesure de placement en rétention, ne figurait pas au nombre des décisions pour lesquels son signataire avait reçu une délégation de signature. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, M. C... est fondé à demander l'annulation du jugement en date du 7 juin 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 juin 2019 portant assignation à résidence.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Gironde du 2 juin 2019 portant assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. L'exécution du présent arrêt qui annule la décision d'assignation à résidence, n'implique pas que la Cour ordonne au préfet de la Gironde de réexaminer la situation de M. C.... Par suite, les conclusions présentées par M. C... aux fins d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance, et pour l'essentiel, partie perdante, une somme à verser à M. C....
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1902734 du 7 juin 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. C... dirigée contre l'arrêté du 2 juin 2019 par lequel le préfet de la Gironde l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Article 2 : L'arrêté du 2 juin 2019 par lequel le préfet de la Gironde a assigné à résidence M. C... pour une durée de quarante-cinq jours est annulé.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à. B... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 4 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pierre H..., président,
Mme F... E..., présidente assesseure
Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 décembre 2019.
La présidente-assesseure,
Karine E...
Le président,
Pierre H...
Le greffier,
Cindy VirinLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 19BX02518 4