2°) d'annuler cette ordonnance du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La Réunion du 2 mai 2019 ;
3°) d'annuler la décision du 19 avril 2019 du ministre de l'intérieur ;
4°) d'enjoindre au préfet de La Réunion d'organiser dans les meilleurs délais et aux frais de l'Etat le retour de M. E... sur le territoire français, de lui délivrer un document destiné aux autorités sri lankaises et à la compagnie aérienne confirmant qu'il est autorisé à se rendre en France et de lui délivrer un visa de régularisation de huit jours et une attestation de demande d'asile ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que sa requête était irrecevable. Si la décision litigieuse lui a été notifiée, aucun exemplaire ne lui a été remis ; il n'est pas établi qu'un interprète était présent lors de la notification de la décision ; en l'absence de notification régulière, le délai de recours n'a pas commencé à courir ;
- l'entretien a été sommaire avec une connexion Internet erratique, ce qui lui a empêché d'exposer avec détails sa situation personnelle et de produire tout document, ses documents ayant été saisis lors de son arrivée à La Réunion ;
- la décision est dépourvue de base légale dès lors qu'il est entré en France et ne pouvait donc faire l'objet d'un refus d'admission sur le territoire ; il a débarqué au port de Sainte-Rose qui n'est pas une zone d'attente pérenne. Or aucune zone d'attente élargie couvrant ce territoire n'a été créée ; à supposer même qu'il exista une zone d'attente élargie par l'effet de la loi, il n'y a pas été placé mais a circulé puisqu'aucune décision de maintien en zone d'attente ne lui a été notifié ;
- la décision est également dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de placement en zone d'attente qui la fonde, cette décision étant entachée d'un détournement de procédure ; le maintien en zone d'attente a été notifié avant l'entrée en vigueur de l'arrêté du 13 avril 2019 créant une zone d'attente temporaire sur l'emprise du gymnase du parc ;
- la décision du ministre est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, ses allégations de craintes de persécutions étant crédibles, non dénuées d'éléments circonstanciés et sont chronologiquement vraisemblables.
Par ordonnance du 12 juin 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 août 2019 à midi.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. G... A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant sri lankais, a sollicité le 13 avril 2019 l'accès au territoire français en présentant une demande d'asile. Après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui a émis un avis de non-admission le 17 avril 2019, le ministre de l'intérieur a, le jour même, rejeté sa demande d'entrée en France et a prescrit son réacheminement vers le Sri Lanka ou tout autre pays où il sera légalement admissible. M. E... relève appel de l'ordonnance du 2 mai 2019 par laquelle le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision comme étant irrecevable en raison de sa tardiveté.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'appréciation des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président. ( ...) ". Aux termes de l'article 62 du décret du 19 décembre 1991 susvisé : " L'admission provisoire est demandée sans forme au président du bureau ou de la section ou au président de la juridiction saisie. Lorsque la décision est prononcée par le bureau ou la section du bureau, copie de cette décision est adressée par le secrétaire du bureau au greffier ou au secrétaire de la juridiction compétente lequel classe cette décision au dossier de procédure. L'admission provisoire peut être prononcée d'office si l'intéressé a formé une demande d'aide juridictionnelle sur laquelle il n'a pas encore été définitivement statué.".
3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. E..., qui a sollicité l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle lors de l'enregistrement de la régularisation de sa requête le 6 juin 2019, ait depuis entrepris des démarches auprès du bureau d'aide juridictionnelle en vue de compléter cette demande, qui est dépourvue de toute précision permettant de penser qu'il remplirait les conditions pour bénéficier de cette aide. En outre, la condition d'urgence énoncée à l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 n'est pas remplie. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'admettre provisoirement M. E... à l'aide juridictionnelle.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :
4. Aux termes de l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui a fait l'objet d'un refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile et, le cas échéant, d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans les quarante-huit heures suivant la notification de ces décisions, en demander l'annulation au président du tribunal administratif (...) le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin peut, par ordonnance motivée (...) rejeter les recours ne relevant manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative ou entachés d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance (...) ". Aux termes de l'article R. 213-6 de ce code : " L'étranger est informé, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, du caractère positif ou négatif de la décision prise par le ministre chargé de l'immigration en application de l'article L. 213-8-1. Lorsque le ministre prend une décision de refus d'entrée au titre de l'asile, l'office transmet sous pli fermé à l'étranger une copie de la transcription mentionnée au I de l'article L. 723-7. Cette transmission est faite au plus tard en même temps que la notification de la décision du ministre. ".
5. Le requérant soutient qu'aucun exemplaire de la décision en litige ne lui a été remis et qu'il n'a pas bénéficié du concours d'un interprète. S'il est constant que la décision litigieuse a été contresignée par l'intéressé, le ministre de l'intérieur, qui supporte la charge de la preuve, ne produit aucun élément permettant d'établir que M. E..., dont il n'est pas contesté qu'il ne comprend pas le français et qui s'exprime en tamoul, a été informé dans une langue qu'il comprend du caractère négatif de la décision en litige conformément à ce que prévoit l'article R. 213-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La notification ne pouvant dès lors être regardée comme régulière, le délai de recours contentieux n'a pas commencé à courir et la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de la demande doit être rejetée. Par suite, l'ordonnance attaquée est irrégulière et doit être annulée.
6. Il y a lieu de statuer par la voie de l'évocation sur la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de La Réunion.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 17 avril 2019 :
7. En premier lieu, si le requérant soutient que l'entretien s'est déroulé dans des conditions matérielles insatisfaisantes en raison notamment d'une connexion internet erratique, il n'invoque au soutien de ce moyen la méconnaissance d'aucun texte et n'assortit donc pas son moyen de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui arrive en France par la voie ferroviaire, maritime ou aérienne et qui n'est pas autorisé à entrer sur le territoire français peut être maintenu dans une zone d'attente située dans une gare ferroviaire ouverte au trafic international figurant sur une liste définie par voie réglementaire, dans un port ou à proximité du lieu de débarquement ou dans un aéroport, pendant le temps strictement nécessaire à son départ. Le présent titre s'applique également à l'étranger qui demande à entrer en France au titre de l'asile, le temps strictement nécessaire pour vérifier (...) si sa demande n'est pas irrecevable ou si elle n'est pas manifestement infondée (...) ". Aux termes de l'article L. 221-2 de ce code : " (...) Lorsqu'il est manifeste qu'un groupe d'au moins dix étrangers vient d'arriver en France en dehors d'un point de passage frontalier, en un même lieu ou sur un ensemble de lieux distants d'au plus dix kilomètres, la zone d'attente s'étend, pour une durée maximale de vingt-six jours, du ou des lieux de découverte des intéressés jusqu'au point de passage frontalier le plus proche. La zone d'attente s'étend, sans qu'il soit besoin de prendre une décision particulière, aux lieux dans lesquels l'étranger doit se rendre soit dans le cadre de la procédure en cours, soit en cas de nécessité médicale (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 18 avril 2019, que M. E... est arrivé à La Réunion par voie maritime et a débarqué dans le port de Sainte-Rose le 13 avril 2019 à 18h25 en compagnie de 122 autres ressortissants sri lankais puis a été conduit dans l'enceinte du gymnase Sainte-Marie à 20h25 avant d'être placé en zone d'attente à 22h30. Le groupe comprenant plus de dix étrangers, il y a lieu de faire application des dispositions précitées de l'article L. 221-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vertu desquelles la zone d'attente s'étend du lieu de la découverte des intéressés, en l'espèce le port de Sainte-Rose, jusqu'au point de passage frontalier le plus proche, soit l'aéroport de La Réunion, et aux lieux dans lesquels l'intéressé devait se rendre dans le cadre de la procédure en cours, lesquels incluent l'enceinte du gymnase Sainte-Marie. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient le requérant, il n'a donc pas quitté la zone d'attente depuis son débarquement sur le port de Sainte-Rose, sans qu'il puisse utilement se prévaloir de l'illégalité, à la supposer même établie, de l'arrêté du 13 avril 2019 du préfet de La Réunion portant création d'une zone d'attente temporaire dans l'enceinte du gymnase Sainte-Marie.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de refuser l'entrée en France à un étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d'asile ne peut être prise par le ministre chargé de l'immigration que si : (...)3° Ou la demande d'asile est manifestement infondée. Constitue une demande d'asile manifestement infondée une demande qui, au regard des déclarations faites par l'étranger et des documents le cas échéant produits, est manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d'octroi de l'asile ou manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves (...) ".
11. M. E... fait valoir que son père, qui aurait combattu pour les Tigres libérateurs de l'Eelam tamoul (LTTE), s'est réfugié en Australie et que lui-même, après voir milité pour l'Itak depuis 2017, a été agressé et menacé par son voisin, candidat d'un autre parti, puis détenu et violenté par la police pendant trois jours. Le requérant ne produit cependant aucune pièce au soutien de ses allégations au demeurant peu précises. Dès lors, le ministre de l'intérieur, en estimant que la demande formulée par M. E... apparaissait comme dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves et devait être considérée comme manifestement infondée au sens de l'article L. 213-8-1 précité, n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à solliciter l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur du 17 avril 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE
Article 1er : L'ordonnance n° 1900775 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La Réunion en date du 2 mai 2019 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de La Réunion et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au ministre des Outre-mer et au préfet de La Réunion
Délibéré après l'audience du 9 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
Mme C... B..., présidente-assesseure,
M. G... A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 octobre 2019.
Le rapporteur,
Paul-André A...
Le président,
Pierre LarroumecLe greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX02027