Procédures devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 9 décembre 2019 sous le n°19BX04677, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 30 septembre 2019.
Il soutient qu'il pouvait fonder son arrêté sur le 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Par une lettre du 2 mars 2020, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de procéder d'office à la substitution des dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit par les dispositions du 2° du I de cet article, pour fonder l'obligation de quitter le territoire français en litige.
II. Par une requête enregistrée le 9 décembre 2019 sous le n°19BX04678, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 30 septembre 2019.
Il soutient qu'il présente des moyens sérieux de nature à justifier l'annulation du jugement et le rejet des conclusions de M. D....
Par une lettre du 2 mars 2020, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de procéder d'office à la substitution des dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit par les dispositions du 2° du I de cet article, pour fonder l'obligation de quitter le territoire français en litige.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant marocain né le 7 juillet 1998, est entré en France le 20 juillet 2019 selon ses déclarations. Le 24 septembre 2019, il a été interpellé par les services de la police aux frontières puis placé en rétention. Par un arrêté du 25 septembre 2019, le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Cet arrêté a été annulé par un jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 30 septembre 2019. Par la requête n°19BX04677, le préfet de la Haute-Garonne relève appel de ce jugement. Par la requête n°19BX04680, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement. Ces deux requêtes sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.
Sur la requête n°19BX04677 :
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. _ L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...). ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. D... s'est vu délivrer, le 10 juillet 2019, un visa de court séjour par les autorités consulaires françaises à Casablanca, valable du 18 juillet au 17 août 2019, autorisant une seule entrée sur le territoire, pour un séjour de 15 jours. Le préfet de la Haute-Garonne soutient que si l'intéressé allègue être arrivé en France le 20 juillet 2019, il ne produit aucun document de nature à l'établir, tel que son passeport, sur lequel devrait figurer un cachet de la police française des frontières attestant la date de son entrée en France. A cet égard, il ressort des propres déclarations de M. D..., recueillies lors de son audition par la police aux frontières du 24 septembre 2019, qu'il serait arrivé à Toulouse en avion, par ligne régulière, directement depuis Casablanca, le 20 juillet 2019.
4. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.
5. En l'espèce, la décision attaquée est également motivée par la circonstance que M. D... est en séjour irrégulier sur le territoire français. Il ressort du procès-verbal de vérification du droit de circulation ou de séjour du 24 septembre 2019, que l'intéressé a lui-même déclaré n'avoir effectué aucune démarche administrative en vue de l'obtention d'un titre de séjour ni aucune demande d'asile en France ou dans un pays européen. Il se trouvait dès lors dans la situation où, en application du 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile, le préfet de la Haute-Garonne pouvait l'obliger à quitter le territoire français, l'administration disposant du même pouvoir d'appréciation pour appliquer le 1° ou le 2° de cet article et la substitution du 2° au 1° n'ayant pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie.
6. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur le motif tiré du défaut de base légale pour annuler son arrêté du 25 septembre 2019. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif de Toulouse.
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 25 septembre 2019 :
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, la décision attaquée vise les textes sur lesquels elle se fonde et mentionne que M. D... n'apporte pas la preuve d'être entré en France le 20 juillet 2019, qu'il ne présente aucun documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueurs, qu'il est en séjour irrégulier sur le territoire français, qu'il est célibataire et sans enfants et, qu'arrivé très récemment en France, il n'apporte pas la preuve qu'il est dans l'impossibilité de poursuivre sa vie dans son pays d'origine. Elle comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée.
8. En deuxième lieu, il résulte des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises les décisions par lesquelles l'autorité administrative oblige un ressortissant étranger à quitter le territoire français, accorde ou non un délai de départ volontaire pour exécuter cette obligation et fixe le pays de renvoi. Par suite, M. D... ne peut utilement soutenir que la décision attaquée aurait été édictée en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration.
9. En dernier lieu, il ressort de la motivation de la décision attaquée que le préfet de la Haute-Garonne s'est livré à un examen complet de la situation personnelle de M. D....
S'agissant de la décision de refus de délai de départ volontaire :
10. En premier lieu, la décision attaquée vise les a), f) et h) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise qu'il existe un risque que M. D... se soustraie à l'exécution de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet car il est entré irrégulièrement en France et n'y a jamais sollicité son admission au séjour, ne dispose pas de garanties de représentation suffisantes et a déclaré son intention de ne pas se conformer à la décision l'obligeant à quitter le territoire français. Cette décision comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée.
11. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas été précédée de la mise en oeuvre de la procédure contradictoire prévue par l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté pour le même motif que celui exposé au point 8 du présent arrêt.
12. En troisième lieu, il ressort de la motivation de la décision attaquée que le préfet s'est livré à un examen sérieux de la situation de M. D....
13. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. _ L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...). / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) ; / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) ; / h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français. (...). ".
14. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet au cours de son audition par les services de la police aux frontières. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le préfet de la Haute-Garonne a pu, pour ce seul motif, estimer qu'il existait un risque que l'intéressé se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français et refuser de lui accorder un délai de départ volontaire.
S'agissant de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :
15. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. _ L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...). / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...). ".
16. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ ou lorsque l'étranger n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour satisfaire à cette obligation, il appartient au préfet d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à savoir la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.
17. En premier lieu, la décision attaquée vise le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne qu'en dépit de l'absence d'une précédente mesure d'éloignement ou de comportement troublant l'ordre public, la présence de M. D... sur le territoire français revêt un caractère relativement récent et que la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France ne sont pas établis dès lors qu'il est célibataire et sans enfant et qu'il dispose de fortes attaches familiales au Maroc. Cette décision comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée.
18. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas été précédée de la procédure contradictoire prévue par l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.
19. En troisième lieu, il ressort de la motivation de la décision attaquée que le préfet s'est livré à un examen complet de la situation de M. D....
20. En dernier lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans sa durée la décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Il est constant que le préfet de la Haute-Garonne n'a pas accordé de délai de départ volontaire à M. D... pour exécuter l'obligation de quitter le territoire dont il fait l'objet. Par ailleurs, eu égard à la circonstance que l'intéressé n'était présent que depuis deux mois à la date de la décision attaquée et qu'il ne justifie d'aucun lien particulier avec la France, c'est sans entacher sa décision d'erreur d'appréciation que le préfet de la Haute-Garonne a pu interdire le retour sur le territoire français pour une durée d'un an à M. D....
21. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 25 septembre 2019 par lequel il a obligé M. D... à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Sur la requête n°19BX04680 :
22. Le présent arrêt, qui statue sur la requête du préfet de la Haute-Garonne à fin d'annulation du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 30 septembre 2019, rend sans objet ses conclusions à fin de sursis à exécution de ce jugement. Il n'y a dès lors plus lieu d'y statuer.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n°19BX04680 du préfet de la Haute-Garonne.
Article 2 : Le jugement n°1905557 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse en date du 30 septembre 2019 est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
Mme B... A..., présidente-assesseure,
Mme C... E..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 octobre 2020
Le rapporteur,
Sylvie E...
Le président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°s19BX04677, 19BX04680