Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés le 12 décembre 2017, le 6 septembre 2018, le 17 décembre 2018 et le 9 avril 2019, M. F... G..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 11 octobre 2017 ;
2°) de condamner la commune de Coimères à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices moraux et pécuniaires qu'il estime avoir subis du fait, d'une part, du refus du maire de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et, d'autre part, des agissements de harcèlement moral dont il a été victime ;
3°) à titre subsidiaire et avant dire droit, d'enjoindre à la commune de Coimères de produire le relevé du mois de mars de la ligne téléphonique 06-31-35-42-16 et d'entendre Mme D... et M. A... sur les faits du 17 septembre 2013 ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Coimères la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le refus d'octroi de la protection fonctionnelle est entaché d'erreur de droit ;
- il est constitutif d'une faute qui engage la responsabilité de la commune ;
- la matérialité des faits justifiant la protection fonctionnelle, caractérisés par des propos insultants tenus à son encontre le 17 septembre 2013, est établie ;
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la lettre d'excuses de l'auteur des propos, obtenue par la commune de Coimères, n'était pas un moyen proportionné à l'objectif de la protection fonctionnelle qui lui était due ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les faits de harcèlement moral dont il se plaint par ailleurs ne sont pas constitués.
Par des mémoires en défense enregistrés le 14 mai 2018, le 3 octobre 2018 et le 21 février 2019, la commune de Coimères, représentée par la Selarl Biais et Associés, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. G... d'une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 20 février 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 10 avril 2019 à 12 h 00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... B... ;
- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public ;
- et les observations de Me E..., représentant M. G....
Considérant ce qui suit :
1. M. F... G... est agent des services techniques de la commune de Coimères depuis le 2 janvier 2006. Estimant avoir été injustement mis en cause par le père d'un conseiller municipal pour des faits de complicité de vol de l'armoire municipale, M. G... a demandé la protection fonctionnelle le 16 décembre 2014. Il relève appel du jugement du 11 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait, d'une part, du refus du maire de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle sollicitée et, d'autre part, des agissements de harcèlement moral dont soutient avoir par ailleurs été victime.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le refus de protection fonctionnelle :
2. Aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales. / (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ". Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en oeuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
3. Il résulte de l'instruction qu'à l'issue de la réunion du conseil municipal de la commune de Coimères du 19 novembre 2012, un conseiller municipal a mis en cause M. G... pour des faits de complicité de vol de l'armoire municipale. Le 17 septembre 2013, le père de ce conseiller municipal a interpellé M. G... sur la voie publique et lui a tenu les propos suivants : " Maurice, je paye des impôts à Coimères et ce n'est pas pour payer des fainéants, tu as volé avec l'autre, tout le monde le sait à Coimères que tu es un voleur, tu vas voir ce qui va t'arriver à Coimères ". Ces propos, qui présentent un caractère outrageant et menaçant, entrent dans le champ d'application des dispositions précitées qui, ainsi qu'il a été dit au point 2, font peser sur l'administration une obligation de protection dont l'objet est notamment d'assurer à l'agent une réparation adéquate des torts qu'il a subis.
4. M. G... soutient que l'administration a manqué à son obligation de protection dès lors, notamment, qu'en dépit de ses demandes réitérées elle n'a jamais organisé aucune entrevue entre les protagonistes ni fait paraître d'entrefilet dans le journal local.
5. Il est toutefois constant qu'après que, par son courrier en date du 16 décembre 2014, M. G... agissant par l'intermédiaire de son conseil a interrogé le maire de Coimères sur les mesures de protection qu'il entendait prendre, ce dernier a adressé à l'intéressé, le 14 avril 2015, une lettre en date du 27 mars 2015 dans laquelle l'auteur des propos incriminés lui présentait ses excuses. Comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, en l'absence de tout autre incident, la commune de Coimères a ainsi mis en oeuvre un moyen proportionné à l'objectif de protection fonctionnelle de son agent. Dans ces conditions, alors même que les excuses de l'auteur des faits n'ont pas été présentées publiquement tandis que ses propos avaient été tenus sur la voie publique, la collectivité n'a pas manqué à son obligation de protection imposée par les dispositions rappelées au point 2 et n'a donc commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité. Il suit de là, sans qu'il soit besoin de procéder aux auditions sollicitées pour éclairer les faits du 17 septembre 2013 dont la matérialité est établie, que les conclusions indemnitaires présentées par M. G... ne peuvent qu'être rejetées.
En ce qui concerne le harcèlement moral :
6. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. / Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public. ".
7. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.
8. Au titre des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, M. G... soutient, en premier lieu, qu'à la suite de sa reprise du travail en mars 2015 après une opération du genou, et alors qu'il avait auparavant toujours bénéficié d'une liberté d'organisation de son travail, le maire n'a cessé de l'appeler sur le téléphone portable mis à sa disposition pour lui ordonner d'effectuer différentes tâches. Toutefois, alors que la commune établit qu'elle a effectué en vain les diligences nécessaires auprès de l'opérateur téléphonique en vue d'obtenir les relevés susceptibles de démontrer le nombre de ces appels sur la période considérée, il résulte de l'instruction que les directives plus fréquentes données à M. G... s'expliquaient par les restrictions médicales imposant d'adapter les tâches qui lui étaient confiées et n'excédaient pas les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.
9. En deuxième lieu, M. G... fait valoir que le maire l'a placé sous l'autorité d'un collègue qui se trouve être l'un des fils de l'auteur des propos tenus à son encontre le 17 septembre 2013. Il résulte toutefois de l'instruction que le maire n'a placé M. G... sous l'autorité de ce collègue, plus gradé, que pendant une durée de huit jours correspondant à une absence pour cause de décès et au cours d'une période postérieure de plus de dix-huit mois aux faits du 17 septembre 2013. Dès lors, cette réorganisation limitée du service, qui répondait aux besoins de ce dernier, ne saurait caractériser l'existence d'un harcèlement moral alors, au surplus, qu'aucun incident n'a été signalé au titre de cette période.
10. En troisième lieu, M. G... soutient que le maire est intervenu pour annuler un rendez-vous qu'il avait obtenu le 4 mars 2015 avec le 1er adjoint et a toujours refusé ses demandes de rendez-vous, développant ainsi une stratégie d'isolement à son encontre. Il résulte toutefois de l'instruction, d'une part, que le rendez-vous de M. G... avec le 1er adjoint a été annulé en raison de l'absence de délégation de ce dernier en matière de gestion du personnel et, d'autre part, que le maire a reçu de nombreuses fois M. G... depuis son élection en mars 2014.
11. En quatrième lieu, s'il résulte de l'instruction, notamment d'un rapport d'expertise médicale établi le 14 décembre 2015 que M. G... présente, depuis courant 2015, des troubles anxieux en lien avec ses conditions de travail, une souffrance psychologique liée à des difficultés professionnelles ne saurait caractériser à elle seule un harcèlement moral, qui se définit également par l'existence d'agissements répétés de harcèlement et d'un lien entre ces souffrances et ces agissements. Or, les pièces médicales versées au dossier ne permettent pas d'établir un lien entre la pathologie de M. G... et les agissements allégués de harcèlement moral.
12. Il résulte de ce qui précède que M. G..., ainsi que l'ont considéré à bon droit les premiers juges, ne peut être regardé comme ayant été victime d'agissements répétés pouvant être qualifiés de harcèlement moral au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983. Il suit de là, sans qu'il soit besoin d'enjoindre à la commune de Coimères de produire des relevés téléphoniques qu'elle a d'ailleurs déjà cherchés en vain à obtenir, que les conclusions indemnitaires présentées par M. G... à raison du harcèlement moral invoqué, doivent être rejetées.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Coimères, qui n'a pas la qualité de partie perdante, la somme que demande M. G... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Coimères présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. G... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Coimères présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... et à la commune de Coimères.
Délibéré après l'audience du 21 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
Mme C... B..., présidente assesseure,
Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 novembre 2019.
Le rapporteur,
Karine B...Le président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 17BX03914 2