Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 avril 2019, M. E... B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 21 mars 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 3 août 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Il soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français n'ont pas été régulièrement instruites dès lors qu'à défaut de transmission de la demande d'autorisation de travail aux services de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, il appartenait au préfet d'examiner cette demande et de se prononcer, ce qu'il n'a pas fait.
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- le préfet n'a pas instruit la demande présentée sur le fondement de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision litigieuse est entachée d'un défaut de motivation au regard des articles L.211-2 et L.211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle et professionnelle.
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- le préfet n'a pas instruit la demande présentée sur le fondement de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision litigieuse est entachée d'un défaut de motivation au regard des articles L.211-2 et L.211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle est privée de base légale.
S'agissant de la décision portant fixation du pays de renvoi :
- elle est privée de base légale ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2019, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 22 mai 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 22 juillet 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... C... a été entendu au cours de l'audience publique du 23 septembre 2019.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant turc né en 1991, est entré irrégulièrement en France selon ses déclarations le 25 novembre 2016. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 mai 2017 puis définitivement par la Cour nationale du droit d'asile le 23 octobre 2017. Par une demande en date du 26 février 2018, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-11 7°, L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 3 août 2018, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 21 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des pièces du dossier de première instance transmis par le tribunal à la cour que, dans sa requête, enregistrée le 10 septembre 2018, M. B... a soutenu qu'à défaut de la faire instruire par les services compétents du ministère du travail, il appartenait au préfet d'examiner sa demande d'autorisation de travail. Le tribunal n'a pas visé le moyen ainsi présenté et n'y a pas répondu. Son jugement est, dès lors, entaché d'irrégularité et doit, par suite, être annulé.
3. Il y a donc lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 3 août 2018 présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Toulouse.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :
4. En premier lieu, par arrêté du 23 juillet 2018, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Haute-Garonne, le préfet de ce département a donné délégation de signature à M. Jean-François Colombet, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer notamment tous les actes, arrêtés et décisions au nombre desquels figurent ceux relevant de la police des étrangers. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté contesté manque en fait et doit être écarté.
5. En second lieu, l'arrêté contesté comporte l'énoncé des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il vise ainsi la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la situation de M. B... ainsi que les articles pertinents du code des relations entre le public et l'administration. L'arrêté mentionne les conditions de l'entrée et du séjour en France de M. B..., en particulier le fait qu'il est entré irrégulièrement sur le territoire national, et rappelle que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 mai 2017 et par la Cour nationale du droit d'asile le 23 octobre 2017. En outre, l'arrêté précise que l'intéressé a présenté une demande d'autorisation de travail dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Enfin, l'arrêté en litige relève que l'appelant n'établit pas être exposé à des peines ou traitements personnels réels et actuels contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, le préfet de la Haute-Garonne, qui n'avait pas à mentionner l'ensemble des circonstances de fait caractérisant la situation de M. B..., a suffisamment motivé en droit et en fait son arrêté du 3 août 2018. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
6. En premier lieu, l'article R. 5221-14 du code du travail prévoit : " Peut faire l'objet de la demande prévue à l'article R. 5221-11 (...) l'étranger résidant en France sous couvert d'une carte de séjour, d'un récépissé de demande ou de renouvellement de carte de séjour ou d'une autorisation provisoire de séjour ". Aux termes de l'article R. 5221-11 du même code : " La demande d'autorisation de travail relevant des 4°, 8°, 9°, 13° et 14° de l'article R. 5221-3 est faite par l'employeur. (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-15 de ce code : " Lorsque l'étranger est déjà présent sur le territoire national, la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est adressée au préfet de son département de résidence. ". Enfin, aux termes de l'article R. 5221-17 : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est prise par le préfet. Elle est notifiée à l'employeur ou au mandataire qui a présenté la demande, ainsi qu'à l'étranger. ". Les dispositions précitées du code du travail prévoient que la demande d'autorisation de travail présentée par un étranger déjà présent sur le territoire national doit être adressée au préfet par l'employeur. Le préfet saisi d'une telle demande est tenu de la faire instruire et ne peut refuser l'admission au séjour de l'intéressé au motif que ce dernier ne produit pas d'autorisation de travail ou de contrat de travail visé par l'autorité compétente. Toutefois, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au préfet, saisi par un étranger déjà présent sur le territoire national et qui ne dispose pas d'un visa de long séjour, d'examiner la demande d'autorisation de travail ou de la faire instruire par les services compétents du ministère du travail, préalablement à ce qu'il soit statué sur la délivrance du titre de séjour.
7. Ainsi qu'il a été dit au point 1, M. B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-11 7°, L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'est pas contesté que l'intéressé, entré irrégulièrement en France le 25 novembre 2016 selon ses déclarations, n'était pas titulaire d'un visa de long séjour. Dès lors, les moyens tirés, d'une part, du vice de procédure résultant de l'absence de saisine des services compétents du ministère du travail en vue de l'instruction de la demande d'autorisation de travail de M. B... et, d'autre part, de l'absence d'examen de ladite demande par le préfet doivent être écartés.
8. En second lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...). ".
9. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".
10. M. B... se prévaut de la durée de sa présence en France où réside régulièrement son frère et d'une promesse d'embauche en qualité de maçon. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'appelant, présent en France selon ses déclarations depuis le 25 novembre 2016, est célibataire, sans charge de famille et n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où vivent ses parents, ses six soeurs et sept de ses frères. En outre, la promesse d'embauche versée au dossier n'est pas signée. Dans ces conditions, les éléments qu'il fait valoir ne permettent pas de considérer que son admission au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées. Il suit de là que les moyens tirés de ce que le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision portant refus de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale doit être écarté.
12. En second lieu, les moyens tirés, d'une part, du vice de procédure résultant de l'absence de saisine des services compétents du ministère du travail en vue de l'instruction de la demande d'autorisation de travail de M. B... et, d'autre part, de l'absence d'examen de ladite demande par le préfet sont inopérants à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de renvoi :
13. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant fixation du pays de renvoi serait dépourvue de base légale doit être écarté.
14. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
15. Si M. B..., dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ainsi que par la Cour nationale du droit d'asile, invoque les risques de persécutions qu'il encourrait en cas de retour en Turquie du fait de ses origines kurdes et de ses opinions politiques, il n'apporte pas d'éléments circonstanciés de nature à établir qu'il serait effectivement et personnellement exposé à de tels risques. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant la Turquie comme pays de destination a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 3 août 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent également être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande l'appelant au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Aucun dépens n'ayant été exposé à l'instance, les conclusions présentées à ce titre ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 21 mars 2019 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Toulouse et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 23 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
Mme D... C..., présidente assesseure,
Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 octobre 2019.
Le rapporteur,
Karine C...Le président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Caroline Brunier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 19BX01694 4