Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 novembre 2019, Mme G..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 24 juin 2019 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Dordogne du 22 février 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Dordogne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de quinze jours ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour " étranger malade " méconnaît L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention de New-York sur les droits de l'enfant ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ; elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3-1 de la convention de New-York sur les droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire enregistré le 14 octobre 2020, le préfet de la Dordogne conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par la requérante n'est fondé.
Mme G... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 octobre 2019 du bureau d'aide juridictionnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme E... H... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme G..., ressortissante algérienne née le 21 octobre 1974, est entrée en France le 10 juillet 2018, munie d'un visa touristique de 90 jours, valable du 15 mai 2018 au 10 novembre 2018, accompagnée de ses deux enfants mineurs âgés de 15 et 13 ans. Le 16 novembre 2018, elle a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence en raison de l'état de santé de son fils F.... Par un arrêté du 22 février 2019, le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme G... relève appel du jugement 24 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 10 octobre 2019 :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. Les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoient la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour au bénéfice des parents d'enfants dont l'état de santé répond aux conditions prévues par le 11° de l'article L. 313-11 du même code, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens, dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 31 décembre 1968, si elles prévoient la délivrance d'un certificat de résidence au ressortissant algérien dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays, n'étendent pas le bénéfice de ce titre de séjour aux parents d'un enfant malade. Toutefois, ces dispositions et stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
3. En l'espèce, pour refuser la délivrance d'un titre de séjour à la requérante, le préfet de la Dordogne s'est notamment fondé sur l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en date du 15 janvier 2019 dont il s'est approprié les termes. Il ressort de cet avis que l'état de santé de l'enfant F... G..., fils de la requérante, né le 11 janvier 2005, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Algérie, il peut y bénéficier d'un traitement approprié et qu'au regard des éléments du dossier, son état de santé lui permet de voyager sans risque vers cet Etat. L'arrêté du 16 janvier 2016 du ministre du travail, de l'emploi et de la sécurité sociale algérien fixant la liste des médicaments remboursables par la sécurité sociale algérienne, dont se prévaut la requérante, ne permet pas d'établir que le traitement anticoagulant que devra prendre Younes durant toute sa vie, qui n'est pas précisé par les pièces du dossier, ne serait pas disponible en Algérie. Par ailleurs, si le Dr Metton, praticien hospitalier au sein du service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire de l'hôpital Louis Pradel, indique que l'état de santé de Younes nécessitera dans les années à venir une intervention pour changement de prothèse aortique dans un centre de chirurgie cardiaque hautement spécialisé, il ne ressort pas des pièces du dossier que le patient devrait demeurer en France jusqu'à ce que soit réalisée cette intervention, ni même que ladite intervention ne pourrait être effectuée en Algérie, lorsqu'elle s'avèrera nécessaire. Par suite, et dès lors que les éléments produits par Mme G... ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins de l'OFII, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Dordogne aurait, en lui refusant un certificat de résidence dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
4. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Lesdites stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
5. Comme il a été dit au point 3, le suivi de la pathologie cardiaque dont souffre le fils de Mme G... peut être assuré en Algie, et notamment à Alger, où vit et travaille l'époux de la requérante, et où il n'est pas établi que Younes et sa soeur ne pourraient poursuivre leur scolarité et leur vie de famille, auprès de leurs deux parents. Dans ces conditions, en refusant de délivrer à Mme G... un certificat de résidence algérien pour raisons médicales, le préfet de la Dordogne n'a pas méconnu l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée et de ses enfants.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme G... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (...) : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ". Mme G..., qui n'établit ni même n'allègue que son état de santé nécessite une prise en charge médicale, n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions précitées, qui ne trouvent à s'appliquer qu'aux ressortissants étrangers dont l'état de santé fait obstacle à leur éloignement et non aux accompagnants des étrangers malades.
8. Comme il a été dit aux points 3 et 4, le maintien sur le territoire national du jeune F... G... n'est pas une condition nécessaire au traitement de sa pathologie. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier qu'il aurait développé des liens amicaux intenses sur le territoire national. Par suite, et nonobstant sa scolarisation en France depuis septembre 2018, l'obligation de quitter le territoire français en litige n'a pas méconnue les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
9. il résulte de ce qui précède que Mme G... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme G... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de la Dordogne du 22 février 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... G... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... G... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Dordogne.
Délibéré après l'audience du 2 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Dominique Naves, président,
Mme D... C..., présidente-assesseure,
Mme E... H..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 novembre 2020.
Le rapporteur,
Sylvie H...
Le président,
Dominique Naves
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 19BX4419