Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 juillet 2016, M.F..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 29 avril 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté précité du préfet de la Gironde en date du 1er décembre 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour vie privée et familiale sous astreinte de 150 euros par jour de retard dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande dans le même délai et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le signataire de l'arrêté attaqué était incompétent, faute pour le préfet de justifier de l'absence ou de l'indisponibilité de M. Berthoux, secrétaire général ;
- le refus de séjour viole l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il a exécuté la précédente mesure d'éloignement prise à son encontre ; il est revenu en France en 2007 régulièrement et réside depuis lors de façon continue en France ; il est marié depuis 2005 ; l'état de santé de son épouse nécessite sa présence à ses côtés ; celle-ci réside en France depuis plus de quarante-cinq ans et est titulaire d'une carte de résident ; leurs ressources sont suffisantes ; il a bien une vie commune avec son épouse ; celle-ci a des enfants et petits-enfants, tous de nationalité française ; son épouse a demandé la nationalité française ; il est parfaitement intégré en France ; il n'est pas connu des services de police ;
- il justifie ainsi d'une situation exceptionnelle qui aurait dû conduire le préfet à le régulariser sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- au regard de tous ces éléments de vie privée et familiale, en lui refusant le séjour, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- pour les mêmes raisons, la mesure d'éloignement méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2016, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- l'intéressé n'apporte en appel aucun élément nouveau ; il demande donc à la cour de bien vouloir se référer à ses écritures de première instance ;
- en tout état de cause aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
-l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C...F..., de nationalité marocaine, né en 1953, a fait l'objet d'un premier arrêté de refus de séjour du préfet de la Gironde en date du 30 juin 2005, assorti d'une invitation à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, mesure qui a été exécutée le 12 novembre 2005. Par une ordonnance du 15 décembre 2005, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 7 septembre 2005 ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation dudit arrêté. M. F...est à nouveau entré en France à une date indéterminée et a sollicité, le 19 juin 2015, son admission au séjour sur le fondement des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il fait appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 29 avril 2016, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er décembre 2015, par lequel le préfet de la Gironde lui a refusé le séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de renvoi.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, par un arrêté du préfet de la Gironde du 21 octobre 2015 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la Gironde n° 2015-090, Mme D...E..., directrice de l'accueil et des services au public à la préfecture de la Gironde, s'est vu attribuer, par le préfet de ce département, une délégation de signature à l'effet de signer notamment, " en cas d'absence ou d'empêchement de M. B...Berthoux ", secrétaire général de la préfecture par intérim, les décisions de refus de titre de séjour, les décisions d'éloignement et les décisions accessoires s'y rapportant, prises en application du Livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. Berthoux n'aurait pas été ni absent ni empêché lorsque Mme D... E...a signé l'arrêté contesté. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte contesté manque en fait.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
4. Les nouveaux documents produits en appel par M. F...consistent en six attestations de membres de la famille et de proches, affirmant qu'ils ont assisté au mariage de l'intéressé en 2005 et que les époux vivent ensemble. M. F...produit également une attestation de la caisse des allocations familiales concernant le versement aux époux de l'aide personnalisée au logement et du revenu de solidarité active pour la période de janvier à mars 2016 ainsi que leur déclaration de revenus commune au titre de 2015. Par ailleurs, M. F...n'établit toujours ni la date de sa dernière entrée en France, ni la continuité de son séjour. Dans ces conditions, il y a lieu d'adopter le motif par lequel les premiers juges ont considéré : " que M. F...soutient qu'il vit en France sans interruption depuis l'année 2007, qu'il est marié depuis le 29 janvier 2005 avec une ressortissante algérienne, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 26 mars 2019, dont l'état de santé nécessite sa présence à ses côtés et dont les enfants et petits-enfants résident en France et que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer en Algérie ou au Maroc, les époux n'ayant pas la même nationalité et rien ne garantissant que son épouse pourrait bénéficier des soins appropriés dans l'un de ces deux pays ; que, toutefois, le requérant, qui est entré en France à l'été 2014, sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de court séjour valable du 26 juin au 21 juillet 2014, et qui produit des documents qui sont tous adressés à son épouse, à l'exception des documents fiscaux des années 2005 et 2006 et 2009 à 2015 et d'une attestation unique de couverture maladie universelle au titre des années 2007 à 2014, n'établit ni la continuité de sa présence en France depuis l'année 2007 ni la réalité de la communauté de vie avec son épouse avant l'été 2014 ; que, dans ces conditions, et alors que le couple vit à distance depuis l'année 2005, date à laquelle M. F...a exécuté une précédente décision portant refus de titre de séjour et éloignement, il n'est pas démontré que la présence de M. F...serait nécessaire aux côtés de son épouse en raison des problèmes de santé de cette dernière ; que le requérant n'est pas dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine où résident ses quatre enfants majeurs nés d'une précédente union et trois de ses quatre frères et soeurs et où il a vécu jusqu'à l'âge de soixante et un an ; que, dans ces conditions, et alors que l'épouse du requérant peut solliciter le regroupement familial à son profit, l'arrêté attaqué ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ". Pour les mêmes raisons, en lui ayant refusé le séjour, le préfet de la Gironde, qui n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts poursuivis, n'a pas non plus méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'a pas non plus commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) ". Les dispositions de l'article L. 313-14 sont applicables aux ressortissants marocains en tant qu'elles prévoient l'admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale du demandeur.
6. Les circonstances que fait valoir M.F..., énoncées au point ci-dessus, ne sont pas de nature à caractériser des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels d'admission au séjour au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet de la Gironde, en ayant refusé un titre de séjour à M. F...n'a ni méconnu les dispositions de l'article L. 313-14, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation sur ce fondement.
7. En dernier lieu, les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français porterait une atteinte excessive au droit de M. F... au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4 ci-dessus.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. F...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
9. Le présent arrêt qui rejette les conclusions de M. F...à fin d'annulation n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies.
Sur les conclusions au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
10. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance la somme que demande M. F...sur ce fondement.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. F...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...F...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Antoine Bec, président-assesseur,
Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 5 décembre 2016.
Le rapporteur,
Florence Rey-GabriacLe président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N° 16BX02259