Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2016, M. A...C..., représenté par Me B... demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 avril 2016 du tribunal administratif de Limoges ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour, ou subsidiairement de prendre une nouvelle décision dans le délai de deux mois ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1920 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre de l'appel et la même somme au titre de la première instance.
Il soutient que :
- l'arrêté de refus de séjour est entaché d'illégalité faute pour le préfet d'avoir saisi la commission du titre de séjour ;
- le refus de séjour comporte une erreur de fait dès lors que contrairement à ce qui lui est opposé, il est entré régulièrement en France le 13 décembre 2010 comme l'indique son passeport ;
- le préfet a commis une erreur de fait et de droit en lui opposant une absence de réussite dans ses études ; qu'en effet pour l'année 2013-2014, au cours de laquelle il a redoublé sa première année de CAP de conducteur routier marchandises, il n'était pas tenu d'assister à tous les cours ; que pour les cours auxquels il était astreint, seul le professeur de maintenance lui reproche un certain nombre d'absences ; en ce qui concerne la qualité du travail, les enseignants relèvent un niveau moyen et un travail irrégulier ; il a obtenu le permis B et a pu accéder en deuxième année ; que si ses bulletins indiquent des absences, les causes de ces absences ne sont pas spécifiées ; que s'il n'a pas obtenu son diplôme, cela est du à l'impossibilité de passer son permis C du fait de l'absence de titre de séjour ;
- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur de fait en ce qu'elle lui oppose une entrée irrégulière en France alors qu'il est entré régulièrement en France le 13 décembre 2010 avec ses parents avec un visa Schengen ;
- compte tenu de sa qualité d'étudiant, et du fait que dès qu'il a été autorisé à travailler en juillet 2015 il a effectué des missions d'intérim, le motif tendant à " l'absence de volonté d'intégration en France du fait notamment du défaut de la recherche active d'emploi " qui lui est opposé par le refus de séjour est entaché d'illégalité ;
- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il est entré en France alors qu'il était mineur, est francophone et s'est inscrit en CAP alors que par ailleurs ses parents qui ont été régularisés et son frère, vivent en France, et qu'il est dans l'impossibilité d'apporter la preuve négative de l'absence de membres de famille en Arménie.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 septembre 2016, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête de M.C....
Il fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 juin 2016 du bureau de l'aide juridictionnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pierre Bentolila a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C...de nationalité arménienne né le 14 août 1996, est entré en France le 13 décembre 2010, muni d'un visa Schengen de sept jours, en compagnie de ses parents et de son frère. Il a été mis en possession d'un document de circulation pour étranger mineur valable jusqu'au 13 août 2014. Le 16 juin 2014, il a sollicité la délivrance d'une carte de séjour " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 22 octobre 2015, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de faire droit à sa demande, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
2. M. C...demande à la cour d'annuler le jugement du 28 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 octobre 2015.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Sur le refus de séjour :
3. En admettant, même si les photocopies produites au dossier par le requérant ne font pas apparaitre la mention d'un cachet d'entrée en France, que M. C...soit entré en France le 13 décembre 2010 avec le visa de sept jours dont il avait bénéficié, en tout état de cause, comme le lui oppose le préfet par la décision contestée, il s'est maintenu en France au-delà de la durée de validité de son visa. Dans ces conditions, le moyen invoqué par le requérant tiré de l'erreur de fait dont serait entaché le refus de séjour en ce qu'il lui oppose l'absence d'entrée régulière en France doit être écarté dès lors que le préfet aurait pris la même décision de refus de séjour au vu des autres motifs de cette décision et notamment au vu du motif tenant au maintien en France au-delà de la durée de validité du visa.
4. La circonstance que le refus de séjour ait mentionné à tort une absence d'inscription scolaire pour 2014/2015 est manifestement comme l'a relevé le tribunal une erreur matérielle, le préfet faisant en réalité référence à une absence d'inscription pour 2015/2016, alors que pour ce qui est de l'année scolaire 2014-2015, le refus de séjour fait état " (...) de résultats très faibles, d'un manque d'investissement et d'absences répétées (...) ".
5. Aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". Selon l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. Contrairement à ce que soutient le requérant, les pièces du dossier établissent pour ce qui est notamment de l'année scolaire 2014/2015 au cours de laquelle M. C...était inscrit en deuxième année de CAP de conducteur routier marchandises, un nombre important d'absences injustifiées dans plusieurs matières, et même dans certaines matières, un défaut de notation, y compris dans des matières autres que celles pour lesquelles comme le soutient M. C... il était dispensé de suivre les enseignements compte tenu de son redoublement. Par ailleurs contrairement à ce qu'il soutient également, son absence de réussite à la deuxième année de CAP ne peut être attribuée, compte tenu des nombreuses absences et défaillances évoquées, à la seule circonstance, à la supposer établie, de son impossibilité de passer le permis de conduire C, indispensable à sa réussite à la deuxième année de CAP.
7. M. C...dont l'entrée était récente à la date du refus de séjour se prévaut de la présence en France de ses parents en situation régulière, mais n'établit pas concrètement notamment quant à ses conditions de logement et de prise en charge financière, la réalité et à l'intensité des liens entretenus avec ses parents et son frère et donc au sens des dispositions précitées, l'existence de liens familiaux d'une intensité telle qu'elle entacherait d'erreur manifeste d'appréciation le refus de séjour au regard des dispositions précitées de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. Par ailleurs M. C...célibataire et sans charge de famille en France n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Dans ces conditions, la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour n'a pas porté au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale.
10. Si en appel, pour contester le motif du refus de séjour tenant à " l'absence de volonté d'intégration en France du fait notamment du défaut de la recherche active d'emploi ", le requérant produit des attestations émanant de responsables du secours populaire français et de l'association Caucase Arménie Plus, ces attestations postérieures au refus de séjour du 22 octobre 2015, sont en tout état de cause sans incidence sur sa légalité alors que par ailleurs, il allègue mais sans en justifier avoir travaillé à compter de juillet 2015, période à partir de laquelle il a été autorisé à travailler.
11.Aux termes du premier alinéa de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la commission du titre de séjour " est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. (...) ". Il résulte de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues par les dispositions visées par ce texte. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 10 que M. C...n'était pas au nombre des étrangers pouvant obtenir un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées. Dès lors, le préfet n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour.
Sur l'obligation de quitter le territoire et la décision de fixation du pays de destination :
12. Compte tenu de ce qui précède les moyens invoqués par voie d'exception d'illégalité du refus de séjour contre les décisions d'obligation de quitter le territoire et de fixation du pays de destination de la mesure d'éloignement, ne peuvent être que rejetés. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier, que la mesure d'éloignement serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de M.C....
13. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions de M. C...à fin d'annulation, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite les conclusions en injonction doivent également être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. L'Etat n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante les conclusions de M. C...tendant à ce qu'il soit mis à sa charge une somme à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2: Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Antoine Bec, président-assesseur,
M. Pierre Bentolila, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 5 décembre 2016
Le rapporteur,
Pierre Bentolila
Le président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N° 16BX02592