Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 novembre 2015, Mme F...E...épouseC..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1501683 en date du 22 octobre 2015 du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) d'annuler l'arrêté du 15 juin 2015 de la préfète de la Vienne ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Vienne de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans un délai de quinze jours, et de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- la convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Philippe Delvolvé a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E...épouseC..., ressortissante camerounaise, soutient être entrée en France le 2 août 2010 accompagnée de son mari PaulC..., avec lequel elle s'est mariée l'année précédente. Ils auraient été rejoints en septembre 2014 par les deux enfants mineures B...etA..., filles nées d'une précédente union de M.C.... Elle a sollicité, le 13 janvier 2015, un titre de séjour " vie privée et familiale " qui lui a été refusé par arrêté du 15 juin 2015 de la préfète de la Vienne. Mme E...épouse C...relève appel du jugement du 22 octobre 2015 du tribunal administratif de Poitiers qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La requérante soutient que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges n'auraient pas répondu au moyen tiré de l'erreur de droit, pourtant expressément soulevé, consistant en la mauvaise appréciation par l'autorité administrative de la période à prendre en considération pour apprécier l'existence d'une communauté de vie. La requérante a, en effet, soutenu devant le tribunal que la préfète de la Vienne aurait commis une erreur de droit en n'appréciant que la durée de vie commune de Mme E...et de M. C...sur le territoire sans prendre en compte leur vie commune au Cameroun ne serait ce qu'à compter de leur mariage le 25 septembre 2009 jusqu'à leur arrivée en France le 2 août 2010. Cependant, la décision préfectorale, qui ne fait que mentionner que " les documents fournis attestent d'une communauté de vie avec son époux seulement depuis l'année 2013 ", n'a nullement entendu exclure, par principe, l'existence d'une communauté de vie antérieure à l'arrivée en France de la requérante mais s'est bornée à apprécier la justification d'une telle communauté de vie. Ainsi, le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise la préfète de la Vienne était inopérant. En n'y répondant pas, les premiers juges n'ont donc pas entaché leur jugement d'irrégularité.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :
3. Par arrêté du 20 octobre 2014, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Vienne, la préfète de la région Poitou-Charentes, préfète de la Vienne a donné délégation de signature à M. Serge Bideau, secrétaire général de la préfecture de la Vienne, à l'effet notamment de signer les décisions de refus de délivrance d'un titre de séjour, d'obligation de quitter le territoire français et de fixation du pays de renvoi. Cette délégation, bien que portant sur un grand nombre de matières, n'est ni générale ni absolue. Dans ces conditions, l'arrêté a été signé par une autorité compétente.
4. Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, l'arrêté contesté comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, et notamment l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il mentionne notamment que rien ne s'oppose à ce que la requérante reconstitue une vie familiale normale dans son pays d'origine où résident ses trois enfants mineurs et où elle a vécu trente-six ans, et qu'elle n'établit pas courir le risque d'être soumise à la torture ou à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants dans son pays d'origine. La préfète de la Vienne n'était pas tenue de rappeler dans sa décision l'ensemble des éléments de fait invoqués à l'appui de la demande de titre de séjour par la requérante, notamment la séropositivité de son mari, la scolarisation des enfants de ce dernier et la présence en France de membres de sa famille ainsi que de la famille de son mari. L'arrêté contesté est donc suffisamment motivé.
En ce qui concerne le refus de séjour :
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familiale, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressée, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, dans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ".
6. Contrairement à ce que soutient la requérante, et ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, les pièces qu'elle produit, accompagnées d'attestations peu circonstanciées de connaissances, ne sont pas de nature à établir l'existence d'une communauté de vie avec son mari avant 2013. Si l'intéressée se prévaut de ses liens personnels et familiaux en France, caractérisés notamment par son union avec M.C..., établi dans une situation stable à Poitiers, et ses relations quasi-maternelles avec les deux enfants de celui-ci vivant également à Poitiers, elle ne conteste pas que ses trois enfants vivent au Cameroun où elle-même a passé trente-six années de sa vie. Dans ces conditions, eu égard à la brièveté de la vie commune avec son mari, et à la présence de ses enfants dans son pays d'origine, quand bien même le mari de la requérante serait séropositif et ne pourrait vivre qu'en France, elle n'établit pas y avoir transféré le centre de sa vie personnelle et familiale. La décision portant refus de séjour ne porte donc pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'est pas entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
7. Le refus de séjour étant légal, la mesure d'éloignement n'est pas privée de base légale.
8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
10. La mesure d'éloignement contestée n'a pas pour effet, par elle-même, de séparer de leur père les enfants B...etA.... De plus, d'autres enfants de la requérante et du couple vivent éloignés de leurs parents depuis plusieurs années. Dans ces conditions, la décision d'éloignement ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
En ce qui concerne la décision de fixer à trente jours le délai de départ :
11. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. ".
12. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante aurait fait état devant la préfète de la Vienne, lors du dépôt de sa demande de titre de séjour ou, à tout le moins, avant l'édiction de l'arrêté contesté, de circonstances particulières, propres à justifier une prolongation de ce délai de départ volontaire. La requérante ne justifie pas, non plus, de circonstances particulières nécessitant qu'un délai de départ supérieur à trente jours lui soit accordé.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E...épouse C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme E...épouse C...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête présentée par Mme E...épouse C...est rejetée.
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N° 15BX03728 2