Procédures devant la cour :
I- Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 28 décembre 2017 et le 14 mars 2018, sous le n° 17BX04151, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 27 novembre 2017 ;
2°) de rejeter les conclusions présentées par M. C...devant le tribunal administratif de Toulouse.
Le préfet soutient que la décision de transfert vers les autorités suédoises ne vaut pas mesure d'éloignement vers l'Afghanistan ; il n'est pas établi que l'intéressé ait épuisé l'ensemble des voies de recours à l'encontre du rejet par les autorités suédoises de sa demande d'asile ni qu'il puisse solliciter le réexamen de sa demande auprès des autorités suédoises ; la Suède est un Etat partie à la Convention de Genève ; il n'est pas établi que la Suède n'examinerai pas les demandes d'asile conformément aux règles du droit international ; l'intéressé n'établit pas le caractère réel, sérieux et personnel des craintes qu'il a mis en avant en cas de retour dans son pays d'origine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 février 2018, M.C..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) de confirmer le jugement du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de mettre un terme à la procédure de transfert et de mettre en mesure M. C...de saisir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides d'une demande d'asile dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat de la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, ou en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle de lui verser cette somme sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la décision portant transfert aux autorités suédoises méconnaît les dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors qu'il n'est pas établi qu'il ait été informé de ses droits en langue dari dès l'introduction de sa demande d'asile ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article 5 de ce même règlement dès lors qu'il n'est pas établi que son entretient ait été mené par une personne qualifiée ; l'identité de la personne ne lui ayant pas été communiquée cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- cette décision méconnaît les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et les dispositions de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est exposé à des traitement inhumains et dégradants et un possible risque de mort en cas de retour dans son pays d'origine dans la mesure où c'est un ressortissant afghan originaire de la province de Logar qui connaît une situation de violence généralisée, qu'il appartient à la minorité chiite Hazara cible d'action meurtrières des talibans et que sa demande d'asile a été définitivement rejeté par la Suède qui a pris à son encontre une décision d'éloignement vers l'Afghanistan exécutoire et qui procède à des renvois massifs de ressortissants afghans déboutés de l'asile ;
- le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence en s'abstenant de mettre en oeuvre la clause prévue par l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et entachée sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
Un mémoire en intervention pour le groupe d'information et de soutien des immigrés (GISTI) a été enregistré le 14 mars 2018.
Par une ordonnance du 26 février 2018 la clôture de l'instruction a été fixée au 16 mars 2018.
Par une décision du 5 avril 2018 M. C...a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
II- Par une requête, enregistrée le 30 janvier 2018, sous le n° 18BX00410, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 27 novembre 2017.
Le préfet soutient qu'il existe des moyens sérieux de nature à justifier l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 27 novembre 2017 et le rejet des conclusions présentées par M. C...devant le tribunal.
Par une ordonnance du 5 février 2018 la clôture de l'instruction a été fixée au 28 février 2018.
Un mémoire en défense pour M. C...a été enregistré le 15 mars 2018.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Larroumec, président ;
- et les observations de Me Trebesses, avocat, représentant M.C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant afghan, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 10 avril 2017. Le 9 mai 2017, il a demandé son admission au séjour en qualité de demandeur d'asile auprès des services de la préfecture du de la Haute-Garonne. Le préfet de la Haute-Garonne, par deux arrêtés du 15 novembre 2017, a décidé de son transfert aux autorités suédoises sur le fondement du d) du 1) de l'article 18 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 et de son assignation à résidence. Par une requête n° 17BX04151 le préfet de la Haute-Garonne relève appel du jugement du 27 novembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président tribunal administratif de Toulouse a annulé ses arrêtés du 15 novembre 2017 et par une requête enregistrée sous le n° 18BX00410 il demande le sursis à exécution de ce même jugement.
2. Les requêtes susvisées étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'une même décision.
Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
3. Par une décision du 5 avril 2018, M. C...a été maintenu de plein droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, ses conclusions tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet.
Sur l'intervention groupe d'information et de soutien des immigrés (GISTI) :
4. Le GISTI a intérêt à la confirmation du jugement attaqué. Par suite son intervention est recevable.
Sur l'appel du préfet des Pyrénées-Atlantiques :
5. Pour annuler la décision de transfert de M. C...aux autorités suédoises, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a estimé que cette décision était entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M.C.... Pour retenir ce moyen, qui au demeurant n'était pas invoqué par le requérant devant le premier juge, le tribunal s'est fondé sur les circonstances tenant, d'une part, à ce qu'il existe des motifs sérieux de croire que M.C..., s'il devait retourner en Afghanistan dans la province dont il est originaire courrait, du seul fait de sa présence sur le territoire de cette dernière, des risques pour sa sécurité et sa liberté en raison du climat de violence généralisée dans sa région d'origine du Logar et de son appartenance à la minorité hazara, et d'autre part, à ce que la demande d'asile de M. C...a été refusé en Suède, qu'il ne dispose plus de voie de recours contre le rejet de sa demande d'asile et que la Suède, qui procède effectivement à des renvois de ressortissants afghans dans leur pays, dans une mesure significative, peut prendre à son encontre une mesure d'éloignement.
6. Toutefois si M. C...fait valoir qu'il est originaire de la province de Logar, désignée comme particulièrement dangereuse, et qu'il appartiendrait à la minorité hazara, il n'apporte à l'appui de ses allégations aucun élément probant et vérifiable. Il n'apporte, par ailleurs, aucunes précisions sur l'entreprise américaine qui l'aurait embauché en Afghanistan ce qui serait à l'origine des menaces faîtes à son encontre par les talibans. En outre, la décision contestée a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Suède. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et alors même que la Suède a accepté de reprendre en charge M. C... sur le fondement du d) du 1) de l'article 18 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 qui prévoit la reprise en charge en cas de demande d'asile rejetée, que la demande d'asile de ce dernier déposée en Suède serait définitivement rejetée. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les autorités suédoises n'évalueront pas d'office les risques réels de mauvais traitements qui naîtraient pour M. C... du seul fait de son éventuel retour en Afghanistan.
7. Dès lors, le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que le moyen retenu par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse n'était pas de nature à entraîner l'annulation de l'arrêté litigieux portant transfert de M. C...vers la Suède ainsi que, par voie de conséquence, de l'arrêté prononçant son assignation à résidence.
8. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. C...devant le tribunal administratif de Toulouse.
9. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, qu'à la date du dépôt de sa demande d'asile, le 9 mai 2017, M. C...s'est vu remettre un exemplaire complet tant de la brochure d'" information générale sur la demande d'asile et le relevé d'empreintes " (guide A) que de la brochure d'information pour les demandeurs d'asile dans le cadre de la procédure Dublin (guide B). Ces documents, dont les copies produites au dossier par le préfet de la Haute-Garonne comportent la signature de M. C...et mentionne qui lui ont été remis dans une langue qu'il a déclaré comprendre. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision ordonnant sa remise aux autorités suédoises méconnaît l'article 4 du règlement n° 604/2013 ne peut qu'être écarté.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ". Aux termes de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l'adresse administratives de l'agent chargé d'instruire sa demande ou de traiter l'affaire qui la concerne ; ces éléments figurent sur les correspondances qui lui sont adressées. Si des motifs intéressant la sécurité publique ou la sécurité des personnes le justifient, l'anonymat de l'agent est respecté. ".
11. D'une part, M. C... a été convoqué, le 2 juin 2017, dans les locaux de la préfecture de la Haute-Garonne, afin de bénéficier de l'entretien individuel requis par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. En se bornant à remettre en cause la compétence de l'agent de la préfecture ayant diligenté cet entretien, M. C... n'apporte aucun élément de nature à établir que celui-ci n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national.
12. D'autre part, l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 n'exige pas que le résumé de l'entretien individuel mentionne l'identité et la qualité de l'agent qui l'a mené et ce résumé, qui, selon le point 6 de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type, ne saurait être regardé comme une correspondance au sens de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration. Dès lors, l'agent qui établit ce résumé n'est pas tenu d'y faire figurer son prénom, son nom, sa qualité et son adresse administrative. Par suite, la circonstance que ces indications n'apparaissent pas sur le résumé de l'entretien individuel mené avec M. C...est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie.
13. En troisième lieu, il ressort des termes mêmes de la décision contestée que le préfet de la Haute-Garonne a examiné la situation de M. C...au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
14. En dernier lieu, et pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6 du présent arrêt, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que ceux tirés de la méconnaissance des articles 4 et 19 §2 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doivent être écartés.
15. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les arrêtés contestés du 15 novembre 2017 et a mis à la charge de l'Etat, à verser au conseil de M. C..., la somme de 1 000 euros, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Sur la requête à fin de sursis à exécution, enregistrée sous le n° 18BX00410 :
16. Le présent arrêt statue sur l'appel du préfet de la Haute-Garonne tendant à l'annulation du jugement attaqué. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement.
Sur les autres conclusions :
18. Dans les circonstances de l'espèce, les conclusions présentées par M. C...à fin d'injonction ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées, ainsi que celle présentées respectivement sur les fondements des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. C...tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Article 2 : L'intervention du groupe d'information et de soutien des immigrés (GISTI) est admise.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 18BX00410.
Article 4 : Le jugement n° 1705421 du 27 novembre 2017 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 5 : La demande de M. C...présentée devant le tribunal administratif de Toulouse et ses conclusions présentées en appel sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 19 mars 2018 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Gil Cornevaux, président-assesseur,
M. Axel Basset, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 avril 2018.
Le président-assesseur,
Gil CornevauxLe président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N°s 17BX04151, 18BX00410