Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 juin 2014, la commune de Montauban, représentée par le cabinet Goutal, Alibert et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 10 avril 2014 ;
2°) de rejeter la demande de M. A...;
3°) de mettre à la charge de M. A...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier car, en violation de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, il ne comporte pas la signature des magistrats ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que la commune ne pouvait prévoir une période d'essai au sein de l'acte d'engagement de M. A...dès lors que ses précédents engagements comportaient déjà une période d'essai ; si le Conseil d'Etat a posé une nouvelle règle selon laquelle un agent non titulaire ne peut être soumis à une période probatoire lorsque son contrat est renouvelé pour les mêmes fonctions par le même employeur, cette règle, qui ne constitue pas une interprétation de l'article 4 du décret du 15 février 1988 silencieux sur ce point, mais qui créé une règle nouvelle complétant cette disposition, ne saurait, en vertu du principe de sécurité juridique, trouver à s'appliquer aux contrats conclus antérieurement à cet arrêt ; par ailleurs, il est de jurisprudence constante que la circonstance que l'acte de recrutement d'un agent public soit entachée d'illégalité est sans incidence sur la légalité du refus de renouveler son contrat : cette solution est parfaitement transposable au cas du licenciement, à savoir que lorsque le recours de l'agent tend à l'annulation de son éviction, il ne peut valablement invoquer une illégalité qui entacherait son contrat de recrutement ; ainsi, si l'on estimait qu'une période probatoire a été imposée irrégulièrement à M.A..., cette circonstance est sans incidence sur la légalité du licenciement ; le tribunal ne pouvait annuler le licenciement de M. A...au seul motif que la période d'essai avait été irrégulièrement prévue, sans rechercher si les faits invoqués par la commune à l'appui de ce licenciement étaient fondés ;
- la légalité du licenciement ne fait pas de doute ; aux termes du décret du 15 février 1988, un licenciement peut intervenir à tout moment au cours ou au terme d'une période d'essai et n'implique ni préavis ni indemnité de licenciement ; en tout état de cause, les éventuels vices de procédure seraient sans incidence, dès lors que le licenciement serait bien fondé ;
- en l'espèce, le licenciement était justifié par l'inaptitude professionnelle de l'intéressé ; ainsi, qu'il soit intervenu pendant ou hors de la période d'essai, il reste légal ; M. A... a, en effet, en raison de son comportement, rencontré d'importantes difficultés relationnelles avec le personnel ; la directrice des affaires culturelles, sa supérieure hiérarchique, a dû, à plusieurs reprises, lui indiquer que son attitude était ressentie comme indélicate et cavalière, voire méprisante, par les équipes qu'il encadrait ; malgré ces recommandations, faites par la directrice le 31 janvier et le 22 février 2011, il n'a pas jugé utile de changer d'attitude, persistant à entretenir des relations conflictuelles avec le personnel ; son attitude a conduit une assistante du théâtre en charge de la communication promotionnelle à cesser sa collaboration avec la ville de Montauban ; l'ambiance instaurée par M. A...au sein de la direction des salles de spectacles impliquait un fort risque de découragement des équipes ayant de lourdes conséquences sur le fonctionnement normal du service ; ces faits, qui sont matériellement établis, caractérisent indéniablement l'insuffisance professionnelle de M. A...; le maire a considéré que son comportement était incompatible avec l'exercice de fonctions de responsabilité et d'encadrement et compromettait le bon fonctionnement du service ; il est donc totalement indifférent que le licenciement soit intervenu au terme ou postérieurement à la période d'essai, car le maire aurait pris la même décision en l'absence de toute période d'essai.
Par une ordonnance du 16 décembre 2014, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 janvier 2015.
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Vu les autres pièces du dossier ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,
- les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant la commune de Montauban.
Considérant ce qui suit :
1. M. C...A...a été recruté comme directeur des salles de spectacles de la commune de Montauban par contrat du 26 juillet 2010, pour une période allant du 1er août au 31 octobre 2010, avec période d'essai d'un mois et possibilité d'être renouvelé une fois. Par un avenant en date du 27 septembre 2010, ce contrat a été reconduit " dans les mêmes conditions ", pour la période du 1er novembre 2010 au 31 janvier 2011. Par contrat en date du 20 janvier 2011, M. A...a été engagé par la commune de Montauban pour assurer les fonctions de directeur des salles de spectacles pour trois ans, à compter du 1er février 2011 jusqu'au 31 janvier 2014, avec une période d'essai de trois mois. Cependant, par courrier du 7 avril 2011, le maire de Montauban a informé M. A...de ce qu'il serait licencié à l'issue de sa période d'essai, soit le 30 avril 2011. La commune de Montauban fait appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse qui a, à la demande de M.A..., annulé la décision de licenciement du 7 avril 2011.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Si la commune de Montauban soutient que le jugement qui lui a été notifié ne comporte pas les signatures requises, il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement est, conformément aux exigences des dispositions précitées de l'article R. 741-7, revêtue de la signature du président de la formation de jugement, de celle du rapporteur et de celle du greffier d'audience.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Aux termes de l'article 3 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale : " L'agent non titulaire est recruté, soit par contrat, soit par décision administrative. L'acte d'engagement est écrit. Il précise l'article et, éventuellement, l'alinéa de l'article de la loi du 26 janvier 1984 précitée en vertu duquel il est établi. Il fixe la date à laquelle le recrutement prend effet et, le cas échéant, prend fin et définit le poste occupé et ses conditions d'emploi. Il indique les droits et obligations de l'agent. ". En vertu de l'article 4 du même décret : " Une période d'essai dont la durée ne peut dépasser trois mois peut être prévue par l'acte d'engagement. ".
4. Bien que l'article 4 précité prévoie que le contrat de recrutement d'un agent public peut comporter une période d'essai, une telle période ne peut être valablement stipulée lorsque le contrat est renouvelé à son expiration, pour les mêmes fonctions et par le même employeur, celui-ci ayant déjà pu apprécier les capacités professionnelles de l'agent.
5. La commune fait valoir que, par application du principe de sécurité juridique, il ne peut lui être fait application de la jurisprudence du Conseil d'Etat, telle que rappelée au point 4 ci-dessus, dès lors qu'elle est postérieure au contrat en litige. Cependant, d'une part, lorsqu'il y a revirement de jurisprudence, la nouvelle règle jurisprudentielle s'applique aux instances en cours, sauf si cela est de nature à porter atteinte à un droit protégé au sens du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ou à l'exercice du droit au recours, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. D'autre part, en tout état de cause, la dernière position du Conseil d'Etat, dont la teneur est exposée au point 4, ne constitue pas un revirement de jurisprudence par rapport à ses décisions antérieures. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait méconnu le principe de sécurité juridique ne peut qu'être écarté.
6. Dans ces conditions, il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 ci-dessus que le contrat du 20 janvier 2011 par lequel M. A...a été engagé est donc irrégulier, dès lors que la commune de Montauban ne pouvait assortir d'une période d'essai le troisième contrat successif reconduisant l'intéressé dans les mêmes fonctions. Si, comme le fait valoir la commune, d'une part, la circonstance qu'un acte de recrutement soit entaché d'illégalité est sans incidence sur le refus de renouveler le contrat dès lors que l'agent n'a pas de droit acquis à un tel renouvellement, et si d'autre part, le licenciement en cause était justifié au fond par des raisons tenant à l'inaptitude de l'intéressé à exercer ses fonctions, en l'espèce, la commune n'a pas mis fin à sa collaboration avec l'intéressé au terme du contrat, mais l'a licencié au terme d'une période d'essai irrégulièrement prévue, en se fondant sur le motif que celle-ci, ayant révélé des insuffisances professionnelles de la part de l'agent, n'avait pas été probante. Par suite, quand bien même le licenciement serait, comme le soutient la commune, justifié par des insuffisances ou des fautes professionnelles, c'est à bon droit que le tribunal administratif a pu estimer que le maire de Montauban avait entaché la décision de licenciement en litige d'une erreur de droit et l'a, pour ce motif, annulée.
7. Il résulte de ce qui précède que la commune de Montauban n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a fait droit à la demande d'annulation présentée par M.A....
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à charge de M.A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Montauban sur ce fondement.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Montauban est rejetée.
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N° 14BX01704