Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 août 2014 et le 18 février 2015, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt demande à la cour de réformer ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 18 juin 2014, en ce qu'il a retenu que M. C... avait perdu une chance de réussir l'examen professionnel d'attaché principal et en ce qu'il a, pour cette raison, condamné l'Etat à lui verser une indemnité de 4 000 euros.
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Vu les autres pièces du dossier ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- le décret n° 2005-1215 du 26 septembre 2005 portant dispositions statutaires communes applicables aux corps des attachés d'administration et à certains corps analogues ;
- l'arrêté du 12 février 2010 fixant les modalités de l'examen professionnel et les règles relatives à la composition et au fonctionnement du jury pour l'accès au grade d'attaché principal d'administration du ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,
- les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., attaché d'administration scolaire et universitaire de l'enseignement agricole, affecté au sein de l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole (EPLEFPA) de Bordeaux-Blanquefort, est atteint depuis 2006 d'une forme rare de dégénérescence maculaire se manifestant notamment par une hypersensibilité à la lumière nécessitant des protections contre l'éblouissement et une baisse de l'acuité visuelle. Il bénéficie à ce titre, depuis le 1er juillet 2007, de la qualité de travailleur handicapé. Il s'est présenté sans succès sept fois à l'examen professionnel de recrutement pour l'accès au grade d'attaché principal d'administration, de 2007 à 2013, avant d'être admis à la session 2015. Il a demandé au tribunal administratif de condamner l'Etat à lui verser une somme de 216 253,26 euros en réparation des préjudices professionnel et moral subis en raison de la perte de chance de réussir les épreuves de cet examen, ainsi qu'une somme de 10 000 euros en réparation des troubles de toute nature dans les conditions d'existence résultant de ses différents échecs aux épreuves dudit examen. Le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt fait appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 18 juin 2014, en ce qu'il a condamné l'Etat, parce qu'il l'a privé d'une chance sérieuse de succès au seul examen de 2011, à lui verser une indemnité de 4 000 euros. Par la voie de l'appel incident, M. C...demande la condamnation de l'Etat à lui verser, en réparation de la faute commise en 2011, les sommes de 150 000 euros au titre de la perte de chance et de 40 000 euros au titre de son préjudice moral.
Sur la régularité du jugement :
2. Pour considérer que l'administration avait commis une faute, les premiers juges, qui ont tout d'abord cité les dispositions de l'alinéa 4 de l'article 27-1 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, ont relevé que la durée de l'épreuve, qui devait être de quarante minutes au lieu des trente minutes fixées pour les autres candidats, a été dépassée et a atteint cinquante cinq minutes, ce qui a également permis au jury de poser davantage de questions à M.C.... Ce faisant, ils ont exposé la raison pour laquelle, selon eux, l'autorité administrative organisatrice du concours avait, dans les circonstances particulières à l'espèce, apporté à M. C...une mesure de compensation non conforme aux exigences requises par les dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait insuffisamment motivé quant à la non-conformité de la mesure de compensation mise en place doit être écarté.
Sur la responsabilité de l'Etat au titre de l'examen professionnel de la session 2011 :
3. Aux termes des dispositions de l'alinéa 4 de l'article 27-1 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " des dérogations aux règles normales de déroulement des concours et des examens sont prévues, afin, notamment, d'adapter la durée et le fractionnement des épreuves aux moyens physiques des candidats ou de leur apporter les aides humaines et techniques nécessaires précisées par eux au moment de leur inscription ". Les aides humaines et techniques ainsi légalement prévues doivent être adaptées à la nature et à la technicité des épreuves, compte tenu des précisions apportées par les candidats sur les moyens dont ils ont besoin. Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 12 février 2010 fixant les modalités de l'examen professionnel et les règles relatives à la composition et au fonctionnement du jury pour l'accès au grade d'attaché principal d'administration du ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche : " L'examen professionnel est constitué d'une épreuve orale unique comportant de la reconnaissance des acquis de l'expérience professionnelle./ Elle consiste en un entretien avec un jury d'une durée de trente minutes visant à apprécier la personnalité du candidat, sa motivation, ses capacités à exercer les fonctions normalement dévolues aux attachés principaux d'administration du ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche et les compétences acquises lors de son parcours professionnel. / L'épreuve débute par un exposé du candidat, d'une durée, à son appréciation, de cinq à dix minutes, présentant son dossier de reconnaissance des acquis de l'expérience professionnelle et se poursuit par un échange avec le jury portant sur les compétences et aptitudes professionnelles acquises par le candidat. Le cas échéant, le jury peut demander au candidat son avis sur un cas pratique ou une problématique en lien avec la vie professionnelle./ Cette épreuve est notée de 0 à 20. ".
4. Il résulte de l'instruction qu'au moment de l'inscription aux épreuves de l'examen professionnel de la session 2011, M. C...a présenté une " demande d'aménagement d'épreuves aux examens pour les candidats présentant une limitation temporaire d'activité ". Cette demande comporte une attestation médicale datée du 4 avril 2011, par laquelle le Dr B..., médecin agréé, a estimé que le temps des épreuves devait être majoré de 30 % et a recommandé d'éviter un éclairage trop intense. M. C...a également produit un certificat médical, établi le 14 avril 2011 par le DrD..., ophtalmologue, précisant que " ce patient présente une dégénérescence maculaire évolutive (...). Cette affection est responsable de différents symptômes : -nécessité de faire des efforts pour la fixation (lecture par exemple) entraînant une plus grande fatigabilité et des difficultés de mémorisation ; -photophobie. Ce syndrome maculaire accompagné de scotomes du champ visuel justifie la demande d'un aménagement du temps de travail et des conditions de travail ". La demande de M. C...a été satisfaite, puisqu'un tiers temps lui a été accordé au titre de son épreuve orale et que l'éclairage de la salle d'examen a été tamisé, ce que l'intéressé, qui n'avait présenté aucune autre demande particulière d'aménagement, ne conteste pas.
5. Cependant, M. C...conteste les modalités de mise en oeuvre de l'aménagement de l'épreuve, dans la mesure celle-ci aurait duré non pas 40 minutes, comme cela aurait dû être le cas, selon lui, par application du tiers temps, mais 55 minutes, et où le jury aurait mis à profit ce temps supplémentaire pour lui poser de multiples questions désordonnées et déstabilisantes. Il résulte toutefois d'une note en date du 11 avril 2011 adressée par le président du jury de l'examen en cause aux vice-présidents et membres dudit jury, laquelle rappelle les dispositions précitées de l'article 20 de l'arrêté du 10 février 2010, que " le temps qui peut être consacré à chaque candidat est de 45 minutes, ce qui inclut l'accueil et la présentation, l'entretien proprement dit et l'échange de vues après l'entretien ". En l'espèce, le ministre de l'agriculture soutient sans être valablement contredit que le temps consacré à l'examen lui-même n'a pas excédé 40 minutes, l'intéressé affirmant lui-même, dans son courrier du 21 janvier 2012 adressé au bureau des concours et examens professionnels avoir " passé 55 minutes en présence des membres du jury ". Le bilan de la session 2011 de l'examen professionnel pour le recrutement au grade d'attaché principal d'administration, établi par les services du ministère de l'agriculture, mentionne d'ailleurs que " les examinateurs ont disposé de 45 minutes par candidat, ce qui a permis d'assurer l'accueil, l'émargement, la présentation du jury, l'épreuve elle-même et le temps nécessaire à la concertation sur la prestation du candidat ". Par ailleurs, un jury étant souverain, dans le respect du texte d'organisation de l'examen, pour apprécier un candidat, il n'appartient pas au juge administratif de contrôler ni le nombre, ni la teneur des questions qu'il pose, ni l'appréciation qu'il porte sur le candidat, sauf si les notes attribuées sont fondées sur des considérations autres que la seule valeur de ces prestations ou si l'interrogation du candidat porte sur une matière étrangère au programme, ce que M. C...n'établit ni même n'allègue. Il résulte également de l'instruction que le jury a bénéficié d'une formation de professionnalisation, qui s'est déroulée le 4 et 5 avril 2011, au cours de laquelle le formateur a rappelé aux membres dudit jury les règles applicables ainsi que les principes déontologiques à respecter. Chaque membre du jury a également été destinataire d'un mémento comportant toutes les recommandations utiles, et rappelant que les méthodes d'évaluation ne devaient pas porter atteinte à l'égalité des candidats. Enfin, M. C...ne peut utilement soutenir tout à la fois qu'en raison de ses problèmes ophtalmologiques, il a besoin, du fait d'un temps de mémorisation plus long lié à la défaillance de sa mémoire visuelle, d'un temps d'épreuve supérieur à celui des autres candidats et que le temps total qui lui a été accordé par le jury ne pouvait dépasser de 10 minutes le temps consacré aux autres candidats, alors au demeurant qu'il n'établit pas que l'épreuve elle-même aurait duré plus de 40 minutes et qu'il ne soutient ni même n'allègue, s'agissant d'une épreuve orale, avoir eu affaire à des documents écrits. Dans ces conditions, M. C...ne peut être regardé comme établissant que le principe d'égalité ou que les dispositions de l'alinéa 4 de l'article 27-1 de la loi du 11 janvier 1984 auraient été méconnus. Par suite, le ministre de l'agriculture est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont considéré que l'administration avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ayant apporté à M. C...une mesure de compensation non conforme aux exigences requises par les dispositions précitées de la loi du 11 janvier 1984.
6. Il résulte de ce qui vient d'être dit qu'en l'absence de faute commise par l'administration lors de la session 2011, les conclusions indemnitaires présentées par M. C... ne peuvent être accueillies.
7. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que le ministre de l'agriculture est fondé à soutenir, par la voie de l'appel principal, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a condamné l'Etat à verser à M. C...une indemnité de 4 000 euros et, d'autre part, que les conclusions incidentes de M. C...doivent être rejetées.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
8. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. C...sur ce fondement.
DECIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1301136 du 18 juin 2014 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 2 : Les conclusions incidentes et les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, présentées par M.C..., sont rejetées.
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N°14BX02407