Par une requête, enregistrée le 4 juin 2021, et un mémoire, enregistré le 9 novembre 2021, la société Pharmacie du Planty, représentée par Me Goimier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 8 avril 2021 du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2015 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le prix de la cession de 51 % de ses parts, retenu lors de la transaction du 15 juillet 2015, démontre l'existence au cours de l'exercice précédent d'événements ayant dévalué le fonds de commerce ;
- l'appréciation de l'effectivité de la dépréciation du fonds ne devait pas être menée au regard des seules évolutions du chiffre d'affaires et des bénéfices dégagés, compte tenu de la spécificité de l'activité de vente de produits pharmaceutiques ;
- c'est à la date d'acquisition du fonds qu'il convenait de se placer pour apprécier l'existence d'une baisse de chiffre d'affaires et non pas en 2003 comme l'a fait le service ; le chiffre d'affaires a baissé de 8 % au cours des trois dernières années ;
- c'est à tort que l'administration a considéré que le chiffre d'affaires de la pharmacie n'avait pas varié au cours des années précédant la constitution de la provision ; le maintien de l'excédent brut d'exploitation n'est pas de nature à exclure l'existence d'une dépréciation, alors qu'il n'a été rendu possible que par une baisse importante de la rémunération de la gérante ;
- la baisse générale des prix de vente des fonds de commerce de pharmacie rend probable au sens du 5° de l'article 39-1 du code général des impôts la perte de valeur ayant justifié la constitution de la provision critiquée, en l'absence de changement intervenu dans l'environnement de la pharmacie entre 2006 et 2014 et compte tenu des autres indices précités ;
- le maintien du chiffre d'affaires des pharmacies résulte de la vente de médicaments onéreux et de ceux auparavant distribués en pharmacie hospitalière, qui ne génèrent presque pas de marge, ce qui entraîne une surévaluation des fonds.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 29 septembre et 29 novembre 2021, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur,
- les conclusions de Mme Madelaigue, rapporteure publique,
- et les observations de Me Suire, pour la société appelante.
Considérant ce qui suit :
1. La société Pharmacie du Planty a fait l'objet d'un examen de comptabilité portant sur son exercice clos le 31 mars 2015. À l'issue de ce contrôle, le service vérificateur, estimant que la provision pour dépréciation de fonds de commerce constatée pour un montant de 239 700 euros n'était pas justifiée, a, par proposition de rectification du 2 août 2018, assujetti la société à une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés.
2. La société Pharmacie du Planty relève appel du jugement du 8 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la décharge du supplément d'impôt sur les sociétés qui trouve son origine dans le contrôle précité.
3. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / (...) 5° les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) ". Aux termes de l'article 38 sexies de l'annexe III au même code : " La dépréciation des immobilisations qui ne se déprécient pas de manière irréversible, notamment (...) les fonds de commerce, (...) donne lieu à la constitution de provisions dans les conditions prévues au 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts ".
4. Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par l'entreprise, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent en outre comme probables eu égard aux circonstances de fait constatées à la date de clôture de l'exercice, et qu'enfin, elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise. Il appartient au contribuable, indépendamment des règles qui régissent la charge de la preuve pour des raisons de procédure, d'établir le bien-fondé et de justifier du montant d'une telle provision au regard des caractéristiques de l'exploitation au cours de la période en litige
5. Il résulte de l'instruction, d'une part, que le chiffre d'affaires de l'officine, calculé sur l'exercice clos en 2005, précédant l'achat du fonds de commerce, s'élevait à la somme de 1 068 708 euros et qu'elle a réalisé en 2014 un chiffre d'affaires en légère baisse de 1 048 659 euros. D'autre part, si la société allègue que le maintien du chiffre d'affaires des pharmacies résulte en réalité de la vente de médicaments onéreux et de ceux auparavant distribués en pharmacie hospitalière, qui ne dégagent que très peu de marge, il résulte de l'instruction qu'au titre des années 2012 à 2015, il existe une stabilité tant de la marge commerciale, de la valeur ajoutée, de l'excédent brut d'exploitation, que du résultat d'exploitation. Si la société fait, par ailleurs, valoir que ces résultats n'ont pu être obtenus que grâce à un licenciement et à la diminution de la rémunération de la gérance, il n'est pas établi que ces choix auraient été motivés par des difficultés économiques de l'entreprise. Du reste, si la société indique que le prix de la cession de 51 % de ses parts, retenu lors de la transaction du 15 juillet 2015, démontre l'existence au cours de l'exercice précédent d'événements ayant dévalué le fonds de commerce, cette cession étant ultérieure à la clôture de l'exercice considéré, elle n'est pas de nature, en tout état de cause, à justifier la dépréciation alléguée. Enfin, s'il ressort de l'étude réalisée par la société financière Interfimo que le prix moyen de vente des officines dans l'ancienne région Poitou-Charentes n'a cessé de décroître depuis 2008, il résulte de cette étude que l'écart-type entre les prix de cession peut être très significatif d'une officine à l'autre et de l'instruction que le résultat d'exploitation de la société appelante avant imputation des provisions pour dépréciation a été en nette augmentation passant de 52 787 euros en 2012 à 131 75 euros en 2014.
6. Dans ces conditions, compte tenu du caractère très général des statistiques dont la société appelante entend se prévaloir et des données propres à son activité, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que la provision pour dépréciation comptabilisée correspond à une perte probable et non simplement éventuelle de la valeur de son fonds de commerce.
7. Il résulte de ce qui précède que la société Pharmacie du Planty n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'État le versement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Pharmacie du Planty est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Pharmacie du Planty et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 10 février 2022 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président-rapporteur,
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,
Mme Nathalie Gay, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 mars 2022.
La présidente-assesseure,
Frédérique Munoz-Pauziès
Le président-rapporteur,
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX02386