Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 avril 2019, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 21 mars 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 décembre 2018 par lequel le préfet du Gers a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Gers de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié ", subsidiairement, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou de réexaminer sa situation, le tout dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêté à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement au profit de son conseil d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué et l'arrêté litigieux sont entachés d'une erreur de fait dès lors que la société qui a sollicité, à son bénéfice, la délivrance d'une autorisation de travail, a signé avec lui un contrat de travail à durée indéterminée et l'emploie depuis le 27 août 2018 ;
- le préfet a examiné sa situation sur d'autres fondements que celui dont il se prévalait et aurait, par suite, dû constater qu'il remplissait les conditions prévues à l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé et est intervenu en méconnaissance des dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- son dossier de demande de titre était complet tandis que le préfet ne l'a en tout état de cause pas informé de son éventuelle incomplétude ; le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle ;
- il peut se prévaloir des stipulations du paragraphe 321 de l'accord franco-sénégalais sur la gestion des flux migratoires ;
- il remplit les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié ;
- il est fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision lui refusant le séjour pour demander l'annulation de celle lui faisant obligation de quitter le territoire ;
- le préfet a omis de l'informer qu'il pouvait bénéficier de l'aide au retour alors qu'il en avait l'obligation en application des stipulations de l'article 4.2 l'accord franco-sénégalais sur la gestion des flux migratoires ;
- l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre aurait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité.
Par ordonnance du 21 juin 2019, la clôture de l'instruction a été fixe au 19 août 2019 à 12 heures.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 mai 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Manuel Bourgeois, rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant sénégalais, est entré en France le 4 septembre 2010 sous couvert d'un visa de long séjour et a été titulaire, en qualité d'étudiant, d'un titre de séjour régulièrement renouvelé jusqu'au 10 janvier 2019. Toutefois, par arrêté du 11 décembre 2018, le préfet du Gers a refusé de lui délivrer un nouveau titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé. M. A... demande à la cour d'annuler le jugement du 21 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° À l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail ". L'article R. 313-15 du même code prévoit : " Pour l'application du 1° de l'article L. 313-10, l'étranger qui demande la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " doit présenter à l'appui de sa demande, outre les pièces mentionnées aux articles R. 311-2-2 et R. 313-1, les pièces suivantes : (...) 2° Lorsqu'il réside sur le territoire français, un formulaire de demande d'autorisation de travail, pour la conclusion d'un contrat de travail à durée indéterminée avec un employeur établi en France correspondant à l'emploi sollicité. Ce formulaire est conforme au modèle fixé par arrêté du ministre chargé du travail ".
3. Il ressort de l'arrêté litigieux qu'à l'appui de sa demande de délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié, M. A... a produit " une demande d'autorisation de travail de la SARL JTRM pour occuper un poste d'employé libre-service " à laquelle il n'aurait cependant " pas donné de suite ". Toutefois, cette affirmation est fermement contestée par l'appelant lequel produit au contraire, pour la première fois en appel, un contrat de travail à durée indéterminée qu'il a signé le 27 août 2018 avec la société Falga ainsi que les trois premiers bulletins de paie qui lui ont été délivrés au titre de l'exécution de ce contrat. En outre, le préfet de Gers, qui n'a pas produit dans la présente instance, s'est borné à soutenir devant les premiers juges, que " la demande d'autorisation de travail présentée au bénéfice de M. A... par la société Falga n'a pu être régulièrement visée par les services de la main d'oeuvre étrangère au motif que l'employeur n'a pas confirmé l'embauche " sans produire aucun élément à l'appui de cette allégation, alors qu'aucune disposition législative ou règlementaire ne fait obligation à l'employeur de confirmer l'embauche de l'intéressé et qu'il ressort, au contraire, du contrat de travail et des bulletins de paie susmentionnés que cette société avait déjà recruté M. A... en contrat à durée indéterminée à la date de l'arrêté litigieux.
4. Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir, pour la première fois en appel, que l'arrêté litigieux est entaché d'une erreur de fait. Cette erreur étant de nature à modifier l'appréciation portée par le préfet du Gers sur la situation professionnelle de l'appelant, celui-ci est également fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué ainsi, par voie de conséquence, que l'arrêté litigieux du 11 décembre 2018.
5. Eu égard au motif d'annulation retenu, il y a seulement lieu, en application des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet du Gers de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
6. Il y a lieu de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros à verser à Me B..., avocat de M. A..., en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me B... renonce à la part contributive de l'État.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 21 mars 2019 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet du Gers du 11 décembre 2018 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Gers de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'État versera à Me B..., avocat de M. A... une somme de 1 200 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B... renonce à la part contributive de l'État.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Gers.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme D..., présidente-assesseure,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 décembre 2019.
Le premier conseiller,
Manuel BourgeoisLe président
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Camille Péan
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°19BX01790