Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 1er août 2017, 17 avril 2019 et 26 novembre 2019, sous le n° 17MA03448, la Société Casinotière du Littoral Cannois, représentée par le cabinet Frêche et Associés, demande à la Cour :
1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du 27 juin 2017, du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler les deux titres de recettes n° 122 et 123 émis le 23 janvier 2014 ;
3°) de la décharger de l'obligation de payer les deux sommes de 94 656,24 euros mises à sa charge par ces titres de recettes ;
4°) à titre subsidiaire, de la décharger du paiement de la somme de 24 202,08 euros ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Cannes la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il revient à la Cour de s'assurer que les mandats n° 21539 et 21540 sont effectivement devenus définitifs ;
- les premiers juges n'ont pas examiné les moyens tirés des erreurs de calcul entachant le titre de recette contesté ;
- l'absence d'avantage de l'occupation du domaine public justifie qu'au regard des conditions de cette occupation, aucune redevance ne puisse être exigée de l'occupant du domaine ;
- les titres de recettes en litige méconnaissent les dispositions de l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales ;
- le montant de la redevance réclamée est erroné en ce qu'il porte atteinte à l'équilibre financier de la convention de délégation de service public du 4 avril 2003 conclue avec la commune de Cannes ;
- la commune a commis une erreur de droit et de fait sur les bases de calcul de la redevance ;
- le montant de la redevance est entaché d'erreurs de calcul concernant la surface réellement occupée et la valeur locative ;
- le moyen tiré de fautes commises par la commune de Cannes exonératoires de sa propre responsabilité n'est pas inopérant ;
- ces fautes résultent de la circonstance qu'elle a autorisé l'empiètement en litige sur le domaine public, du non renouvellement de la convention conclue le 30 mars 1994 avec la société Jesta Fontainebleau, de l'ambiguïté et de la mauvaise foi de la commune portant une atteinte à la bonne foi et à la loyauté contractuelle et confinent à la tromperie et à la manoeuvre dolosive ;
- elle ne s'est pas enrichie au détriment de la commune de Cannes ;
- à titre subsidiaire, conformément à l'arrêt de la Cour du 2 octobre 2017, le montant des titres exécutoires litigieux doit être réduit de 12 101,04 euros par an.
Par une intervention, enregistrée le 14 mars 2018 et présentée à l'appui de la requête, la société Jesta Fontainebleau représentée par la Scp Baraduc Duhamel Rameix demande à la Cour:
1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du 27 juin 2017, du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler les deux titres de recettes n° 122 et 123 émis le 23 janvier 2014 ;
3°) à titre subsidiaire, de réduire à de plus justes proportions les titres de recettes émis le 23 janvier 2014 ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Cannes la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son intervention volontaire est recevable ;
- aucune indemnité ne peut être allouée dès lors qu'aucun empiètement du sous-sol de l'immeuble sur le domaine public de la commune de Cannes ne peut être reproché à ses occupants ;
- à supposer que les tréfonds de la voie publique puissent être regardés comme appartenant au domaine public de la commune de Cannes, il ne résulte pas de l'instruction que le sous-sol du bâtiment empiète sur ce domaine pour une surface de 168 m² ;
- le montant des redevances est entaché d'erreurs dès lors que l'indemnité sollicitée ne correspond en rien aux revenus qu'elle aurait dû percevoir en cas d'occupation régulière ;
- le tribunal a omis de prendre en compte les caractéristiques de l'occupation pour évaluer le préjudice subi par la commune correspondant aux revenus qu'elle aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant la période concernée ;
- la surface occupée par les parois moulées, évaluée à 50 m², ne pouvait être regardée comme permettant la perception d'une indemnisation d'occupation équivalente aux 118 m² restant sur lesquels la société SCLC a réalisé une exploitation commerciale ;
- le loyer retenu à tort intègre un surcoût lié à la propriété commerciale qui ne peut être accordée sur le domaine public et doit faire l'objet d'un abattement de 20 % ;
- l'indemnité doit correspondre à une surface nue située dans les tréfonds du domaine public appréciée selon les barèmes de la table Lassale ;
- la commune de Cannes a commis une faute en s'abstenant de réclamer une redevance ou une indemnité au titre de l'occupation des tréfonds pendant cinq ans, puis en percevant pendant dix ans une redevance de cent francs et en réclamant en 2006 une somme 6 000 fois plus élevée ;
- elle a commis une faute dans le cadre de la procédure de saisie immobilière qui a abouti à l'adjudication du bail à construction le 9 février 2006 ;
- elle a commis une faute envers la société SCLC lors de la conclusion de la délégation de service public lui permettant de bénéficier de ressources supplémentaires ;
- ces fautes présentent un caractère exonératoire pour le débiteur des titres de recettes.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 19 mars et 5 mai 2019, la commune de Cannes conclut, à titre principal, au rejet de la requête et demande à la Cour :
1°) à titre subsidiaire, de rectifier les titres exécutoires en litige conformément à l'arrêt n° 17MA01260 du 2 octobre 2017 ;
2°) de mettre à la charge de la Société Casinotière du Littoral Cannois et de la société Jesta Fontainebleau la somme de 1 500 euros chacune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par la Société Casinotière du Littoral Cannois ne sont pas fondés ;
- dans l'hypothèse où les titres exécutoires contestés seraient annulés, elle demande à être indemnisée sur le fondement de l'enrichissement sans cause.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation des titres de recettes n° 122 et 123 émis le 23 janvier 2014 et à la décharge de l'obligation de payer les deux sommes de 94 656,24 euros mises à la charge de la requérante par ces titres de recettes dès lors que ces deux titres ont été annulés respectivement par deux mandats n° 21539 et 21540 du 20 décembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,
- et les observations de Me B... représentant la Société Casinotière du Littoral Cannois.
Considérant ce qui suit :
Sur l'intervention de la société Jesta Fontainebleau :
1. L'arrêt à rendre sur la requête de la Société Casinotière du Littoral Cannois est susceptible de préjudicier aux droits de la société Jesta Fontainebleau. Dès lors, l'intervention de cette société est recevable.
Sur l'étendue du litige :
2. Lorsqu'une décision administrative faisant l'objet d'un recours contentieux est retirée en cours d'instance pour être remplacée par une décision ayant la même portée, le recours doit être regardé comme tendant également à l'annulation de la nouvelle décision. Lorsque le retrait a acquis un caractère définitif, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision initiale, qui ont perdu leur objet. Le juge doit, en revanche, statuer sur les conclusions dirigées contre la nouvelle décision.
3. Par deux mandats n° 21539 et 21540 des 20 décembre 2017, la commune de Cannes a, postérieurement à l'introduction de la requête enregistrée le 1er août 2017, annulé les deux titres de recettes n° 122 et 123 émis le 23 janvier 2014 à l'encontre de la Société Casinotière du Littoral Cannois et les a remplacés par deux nouveaux titres n° 9156 et 9157 d'un montant rectifié de 82 555,20 euros sur le fondement d'un arrêt n° 17MA01260 de la Cour du 2 octobre 2017, chacun couvrant la même période. La société requérante soutient qu'elle n'entend pas contester ces deux mandats dont elle n'a eu connaissance qu'en cours d'instance et qu'elle a demandé l'annulation des deux nouveaux titres précités devant le tribunal administratif de Nice. Dans ces conditions, le retrait des titres exécutoires contestés doit être regardé comme étant définitif. Par ailleurs, les deux nouveaux titres émis n'ont pas la même portée que les titres initiaux puisqu'ils n'ont pas le même montant. En outre, ils font déjà l'objet d'une contestation devant le tribunal. L'appel ne peut ainsi être regardé comme tendant à leur annulation. Dès lors, les conclusions de la Société Casinotière du Littoral Cannois tendant à l'annulation du jugement attaqué rejetant sa demande dirigée contre les deux titres initiaux émis le 23 janvier 2014 ainsi qu'à l'annulation de ces derniers et à la décharge de l'obligation de payer les deux sommes de 94 656,24 euros mises à sa charge sont devenues sans objet.
Sur les frais liés au litige :
4. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Société Casinotière du Littoral Cannois, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune de Cannes demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Cannes la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la Société Casinotière du Littoral Cannois et non compris dans les dépens.
5. Les conclusions présentées au même titre par la société Jesta Fontainebleau, qui, dans la présente instance, a la qualité d'intervenante et non celle de partie au sens des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : L'intervention de la société Jesta Fontainebleau est admise.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de la Société Casinotière du Littoral Cannois.
Article 3 : La commune de Cannes versera à la Société Casinotière du Littoral Cannois la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Cannes et la société Jesta Fontainebleau au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5: Le présent arrêt sera notifié à la Société Casinotière du Littoral Cannois, à la commune de Cannes et à la société Jesta Fontainebleau.
Délibéré après l'audience du 4 décembre 2019, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- Mme A..., première conseillère,
- Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 13 décembre 2019.
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N° 17MA03448
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