Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 6 avril 2018 et 25 juillet 2019, Mme G... A..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 8 février 2018 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) de condamner le département du Gard à lui verser la somme de 39 702 euros en réparation des préjudices résultant de l'absence de repos hebdomadaire ;
3°) d'annuler la décision du président du conseil départemental du Gard du 13 janvier 2016 ;
4°) de mettre à la charge du département du Gard la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme A... soutient que :
- le président du conseil départemental du Gard a méconnu les dispositions de l'article 17 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, qui ne permettent de déroger à la règle qu'elle fixe d'accorder au travailleur un repos quotidien de onze heures par jour et de 24 heures par semaine que dans des cas exceptionnels et en contrepartie d'une protection appropriée ;
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, elle a été contrainte à l'indemnisation de ses congés au lieu d'en bénéficier ;
- elle subit une rupture d'égalité avec d'autres assistantes familiales, qui bénéficient de fait d'un repos lorsque les enfants qui leurs sont habituellement confiés visitent leur famille naturelle ;
- l'absence de bénéfice du repos compensateur devra être compensée par le versement d'une somme de 39 702 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 juillet 2018, le département du Gard, représenté par Me F... et Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la requérante sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le département fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003 du Parlement européen et du Conseil concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant Mme A..., et de Me E..., représentant le département du Gard.
Considérant ce qui suit :
1. Mme G... A..., assistante familiale employée par le département du Gard depuis l'année 2006, relève appel du jugement du 8 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 13 janvier 2016 du président du conseil départemental du Gard rejetant sa demande tendant à instituer un dispositif lui permettant de bénéficier d'un repos compensateur quotidien et hebdomadaire ainsi qu'au versement d'une somme de 134 381,81 euros, et, d'autre part, à la condamnation du département à lui verser la somme de 39 702 euros en réparation de ses préjudices.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 3 de la directive n°2003/88/CE du 4 novembre 2003 visée ci-dessus : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cours de chaque période de vingt-quatre heures, d'une période minimale de repos de onze heures consécutives. ". Aux termes de l'article 5 du même texte : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cours de chaque période de sept jours, d'une période minimale de repos sans interruption de vingt-quatre heures auxquelles s'ajoutent les onze heures de repos journalier prévues à l'article 3 ". L'article 17 de cette directive dispose : " 1. Dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, les États membres peuvent déroger aux articles 3 à 6, 8 et 16 lorsque la durée du temps de travail, en raison des caractéristiques particulières de l'activité exercée, n'est pas mesurée et/ou prédéterminée ou peut être déterminée par les travailleurs eux-mêmes, et notamment lorsqu'il s'agit : (...) b) de la main d'oeuvre familiale (...) / 2. Les dérogations prévues aux paragraphes 3, 4 et 5 peuvent être adoptées par voie législative, réglementaire et administrative ou par voie de conventions collectives ou d'accords conclus entre partenaires sociaux, à condition que des périodes équivalentes de repos compensateur soient accordées aux travailleurs concernés ou que, dans des cas exceptionnels dans lesquels l'octroi de telles périodes équivalentes de repos compensateur n'est pas possible pour des raisons objectives, une protection appropriée soit accordée aux travailleurs concernés (...) 3. Conformément au paragraphe 2 du présent article, il peut être dérogé aux articles 3, 4, 5, 8 et 16 : (...) b) pour les activités de garde, de surveillance et de permanence caractérisées par la nécessité d'assurer la protection des biens et des personnes, notamment lorsqu'il s'agit de gardiens ou de concierges ou d'entreprises de gardiennage ; / (...) c) pour les activités caractérisées par la nécessité d'assurer la continuité du service ou de la production, (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 421-2 du code de l'action sociale et des familles : " L'assistant familial est la personne qui, moyennant rémunération, accueille habituellement et de façon permanente des mineurs et des jeunes majeurs de moins de vingt et un ans à son domicile. Son activité s'insère dans un dispositif de protection de l'enfance, un dispositif médico-social ou un service d'accueil familial thérapeutique. Il exerce sa profession comme salarié de personnes morales de droit public ou de personnes morales de droit privé dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre ainsi que par celles du chapitre III du présent livre, après avoir été agréé à cet effet. L'assistant familial constitue, avec l'ensemble des personnes résidant à son domicile, une famille d'accueil. " Aux termes de l'article L. 423-33 du même code, applicable aux assistants familiaux employés par des personnes morales de droit public en vertu de l'article L. 422-1 : " Les assistants familiaux ne peuvent se séparer des mineurs qui leur sont confiés pendant les repos hebdomadaires, jours fériés, congés annuels, congés d'adoption ou congés de formation ou congés pour événements familiaux sans l'accord préalable de leur employeur. (...) Sous réserve de l'intérêt de l'enfant, l'employeur doit autoriser l'assistant familial qui en a effectué la demande écrite à se séparer simultanément de tous les enfants accueillis pendant une durée minimale de jours de congés annuels et une durée minimale de jours à répartir sur l'année, définies par décret. L'employeur qui a autorisé l'assistant familial à se séparer de tous les enfants accueillis pour la durée de ses congés payés organise les modalités de placement de ces enfants en leur garantissant un accueil temporaire de qualité pour permettre à l'assistant familial chez qui ils sont habituellement placés de faire valoir ses droits à congés. Lorsque l'enfant est maintenu chez l'assistant familial pendant la période de congés annuels de ce dernier, la rémunération de celui-ci est maintenue et s'ajoute aux indemnités prévues à l'article L. 773-4. (...) ".
4. Mme A... doit être regardée comme invoquant l'incompatibilité entre les dispositions précitées du code de l'action sociale et des familles et celles des articles 3 et 5 de la directive 2003/88/CE. Toutefois, les missions qui lui sont dévolues en sa qualité d'assistante familiale ne se limitent pas aux seules garde et protection des enfants confiés, mais impliquent qu'elle se dévoue à leur entretien et à leur éducation ainsi qu'il est habituellement attendu d'une famille naturelle. L'exercice de son activité ne peut donc être déterminé à l'avance. Ainsi, et en tout état de cause, elle relève de la dérogation prévue par le paragraphe 2 de l'article 17 de cette directive.
5. En deuxième lieu, dans son courrier du 8 décembre 2015, Mme A... s'est bornée à se plaindre de ce que " aucun dispositif n'a été prévu pour lui faire bénéficier de ses repos obligatoires ", avant de mentionner qu'elle était disposée à " trouver solution à ce problème institutionnel (...) pour que la situation ne se présente plus pour l'avenir ". A supposer même que par ces termes, elle ait entendu présenter au département du Gard une demande écrite afin de bénéficier de ses jours de congés, ainsi que le prévoient les dispositions précitées de l'article L. 423-33 du code de l'action sociale et des familles, la décision litigieuse ne repose nullement sur le motif que Mme A... a été indemnisée des congés dont elle n'a pu bénéficier. Il s'ensuit que ce moyen doit être écarté comme inopérant.
6. En dernier lieu, Mme A... soutient que plusieurs familles d'accueil n'auraient à s'occuper des enfants confiés que les jours de semaine, compte-tenu des visites rendues le week-end à la famille naturelle, tandis qu'elle doit assumer la charge de ces enfants en permanence. Toutefois, à supposer ces allégations établies, la différence de traitement ainsi décrite par Mme A... est justifiée par un objectif d'intérêt général, lié à la protection de l'enfance. Il s'ensuit qu'elle n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée méconnait le principe d'égalité.
Sur les conclusions indemnitaires :
7. Mme A... impute le préjudice financier qu'elle invoque aux illégalités entachant, selon elle, la décision du 13 janvier 2016. Dès lors, compte-tenu de ce qui précède, ses conclusions indemnitaires doivent être rejetées.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département du Gard, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... une somme de 1 000 euros à verser au département du Gard sur le fondement de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Mme A... versera au département du Gard une somme de 1 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... A... et au département du Gard.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Alfonsi, président,
Mme H..., présidente assesseure,
M. D..., conseiller.
Lu en audience publique, le 5 décembre 2019.
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N° 18MA01510