Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 avril 2018, M. F... A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 22 février 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 8 septembre 2015 portant changement d'affectation au musée de Fontaine-de-Vaucluse ;
3°) d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2016 portant radiation des cadres ;
4°) de condamner le département à lui verser une indemnité de 10 000 euros en réparation du préjudice moral consécutif au harcèlement moral subi ;
5°) de mettre à la charge dudit département le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A... soutient que :
En ce qui concerne la légalité de la décision de mutation :
- contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges, cette mesure devait être motivée ;
- cette mesure est entachée de vice de procédure dès lors que la commission administrative paritaire n'a été saisie pour avis qu'après la date de son édiction ; la circonstance qu'il n'a repris son poste qu'après cet avis est sans incidence sur cette illégalité ;
- alors que le poste proposé ne correspondait pas aux préconisations de la médecine préventive, compte-tenu de la durée du temps de trajet depuis son domicile, l'administration n'a pas cherché à le reclasser, par la voie d'un détachement, vers un poste mieux adapté ;
- cette mesure est constitutive d'une sanction déguisée, manifestement prise en considération du conflit qui l'a opposé à sa supérieure hiérarchique et compte-tenu des faits de harcèlement moral qu'il a dénoncés ;
- le président du conseil départemental du Vaucluse a méconnu l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 dès lors qu'il a décidé de le muter en conséquence de la dénonciation de faits de harcèlement moral ;
- il a été victime de faits de harcèlement moral ;
En ce qui concerne la légalité de la radiation des cadres :
- cette décision, qui est en réalité une sanction déguisée, doit être regardée comme une révocation ;
- cette révocation est entachée d'illégalité, faute pour le président du conseil départemental d'avoir suivi la procédure disciplinaire prévue par les dispositions des articles 89 à 91 de la loi du 26 janvier 1984 et du décret du 18 septembre 1989 ;
- cette sanction est en disproportion avec la gravité des faits qui lui sont reprochés, et alors qu'il a lui-même été victime d'une souffrance au travail dont il n'a jamais été tenu compte ;
- le département ne pouvait le considérer en situation d'abandon de poste alors qu'il avait fait usage de son droit de retrait ;
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
- les préjudices qu'il a subis du fait de l'illégalité des décisions contestées et des faits de harcèlement moral dont il a été victime devront être réparés par le versement de la somme de 10 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2018, le département du Vaucluse, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'appelant la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le département fait valoir que :
- les conclusions dirigées contre la décision portant mutation ne sont pas recevables, s'agissant d'une mesure d'ordre intérieur ;
- les moyens tirés de la saisine tardive de la commission administrative paritaire, de l'absence de recherches de reclassement vers un autre corps, de la violation de la procédure disciplinaire et de la disproportion entre les fautes de l'agent et la mesure de radiation prise à son encontre sont inopérants ;
- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- les agissements invoqués par M. A... sont étrangers à toute considération de harcèlement moral, ainsi que le révèlent les conclusions de l'enquête interne diligentée à la demande de l'intéressé ;
- compte-tenu du caractère infondé des accusations de harcèlement moral et de la parfaite légalité des mesures contestées, les conclusions indemnitaires de M. A... doivent être rejetées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n°85-603 du 10 juin 1985 ;
- le décret n°95-1054 du 30 septembre 1985 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant le département du Vaucluse.
Considérant ce qui suit :
1. M. F... A..., adjoint du patrimoine principal de 1ère classe au sein des services du département de Vaucluse, exerçant les fonctions d'agent d'accueil au musée du cartonnage et de l'imprimerie de Valréas, a été placé en congé longue maladie pour une durée d'un an, puis en congé de longue maladie. Par une " note d'affectation " du 8 septembre 2015, M. A... a été affecté sur un poste d'agent d'accueil, de surveillance et de médiation de la Conservation de Fontaine-de-Vaucluse et de Bonnieux. Le 19 novembre 2015, l'autorité hiérarchique a rejeté le recours gracieux formé par lettre du 23 septembre 2015 par M. A... contre cette affectation. Par un arrêté du 19 septembre 2016, le président a prononcé la radiation des cadres de l'intéressé pour abandon de poste, après l'avoir mis en demeure de reprendre son service le 12 septembre 2016 au plus tard. M. A... relève appel du jugement rendu le 22 février 2018 par le tribunal administratif de Nîmes qui a rejeté sa demande tendant, notamment, à l'annulation des décisions du 19 novembre 2015 et du 19 septembre 2016 ainsi qu'à la réparation de ses préjudices.
Sur les conclusions en annulation :
En ce qui concerne la légalité de la décision de mutation :
S'agissant de la légalité externe :
2. En premier lieu, contrairement à ce que soutient M. A..., la décision contestée comporte l'ensemble des considérations de fait sur lesquelles elle se fonde. Par suite, et en tout état de cause, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que cette décision serait illégale au regard des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979.
3. En second lieu, aux termes de l'article 52 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'autorité territoriale procède aux mouvements des fonctionnaires au sein de la collectivité ou de l'établissement ; seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation des intéressés sont soumises à l'avis des commissions administratives paritaires. (...) ". En outre, l'article 1er du décret du 30 septembre 1985 visé ci-dessus relatif au reclassement des fonctionnaires territoriaux reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions, dans sa rédaction alors, en vigueur : " Lorsque l'état physique d'un fonctionnaire territorial ne lui permet plus d'exercer normalement ses fonctions et que les nécessités du service ne permettent pas d'aménager ses conditions de travail, le fonctionnaire peut être affecté dans un autre emploi de son grade après avis de la commission administrative paritaire. (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que la commission administrative paritaire n'a émis un avis sur le changement d'affectation de M. A... au poste d'agent d'accueil, de surveillance et de médiation de la Conservation de Fontaine-de-Vaucluse et de Bonnieux que le 26 septembre 2015. Ainsi, l'intéressé est fondé à soutenir qu'en décidant de cette affectation dès le 8 septembre 2015, le président du conseil départemental du Vaucluse a méconnu la procédure prévue par les dispositions précitées.
5. Toutefois, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
6. En l'espèce, la commission administrative paritaire a émis un avis favorable, à l'unanimité de ses membres, au changement d'affectation de M. A.... Dans les circonstances de l'espèce, la consultation tardive de cette commission n'a pas eu d'influence sur le sens de la décision attaquée. En outre, l'intéressé a bénéficié de la garantie que constitue pour lui cette consultation avant la reprise effective de ses fonctions, le 5 octobre 2015, à l'issue du congé dont il a bénéficié à l'expiration de son congé longue maladie.
7. Il s'ensuit que le vice de procédure invoqué par le requérant n'est pas de nature à entacher la légalité de la décision contestée.
S'agissant de la légalité interne :
8. En premier lieu, aux termes de l'article 2 du décret du 30 septembre 1985, dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsque l'état physique d'un fonctionnaire territorial, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas d'exercer des fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'autorité territoriale ou le président du centre national de la fonction publique territoriale ou le président du centre de gestion, après avis du comité médical, invite l'intéressé soit à présenter une demande de détachement dans un emploi d'un autre corps ou cadres d'emplois, soit à demander le bénéfice des modalités de reclassement prévues à l'article 82 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984. "
9. En deuxième lieu, si M. A... soutient que le temps de trajet entre son domicile et l'affectation qui lui a été attribuée au 8 septembre 2015 n'est pas compatible avec son état de santé, il ressort d'un courriel de la secrétaire du médecin de prévention que celui-ci a validé la fiche du poste proposé, en recommandant simplement de lui permettre d'accomplir des journées de travail entières. La circonstance qu'un autre poste aurait été disponible à Avignon est à cet égard sans incidence, alors au demeurant que le temps de trajet entre son domicile et chacun de ces deux postes sont équivalents. Dès lors, le poste proposé à M. A... n'étant pas incompatible avec son état de santé, l'autorité hiérarchique n'avait pas l'obligation de l'inviter à présenter une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps ou cadres d'emplois. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du décret du 30 septembre 1985 doit être écarté.
10. En troisième lieu, le deuxième alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 dispose que " Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : /1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. "
11. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.
12. Si M. A... critique la méthode suivie par l'autorité hiérarchique pour mener l'enquête interne diligentée à la suite de ses plaintes pour harcèlement moral, et notamment le choix des employés interrogés, il ne conteste pas les conclusions du rapport établi au terme de cette enquête, dans lequel il a été répondu point par point à chacun des agissements qu'il a dénoncés. Ainsi, l'absence de son nom dans la page de remerciements d'un catalogue édité par le département résulte de ce qu'il n'a pas participé au projet auquel ce catalogue était consacré. De même, le projet " animation d'atelier en primaire " qu'il a proposé le 2 juin 2014 n'a pas été retenu parce qu'il a pris l'initiative de le mettre en oeuvre avant d'y être autorisé. Les fréquents rappels à l'ordre dont il est destinataire sont justifiés par le non-respect des consignes, notamment vestimentaires, et le retard pris dans la réalisation des tâches confiées. Enfin, la seule circonstance qu'il lui a été demandé de justifier le motif de l'absence exceptionnelle qu'il a demandée ne saurait caractériser, en lui-même, des agissements de harcèlement moral. Par suite, et dès lors que le département a ainsi démontré que les faits évoqués par M. A... sont justifiés et n'ont pas excédé l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, le requérant n,'est pas fondé à soutenir qu'il a été victime d'une situation de harcèlement moral.
13. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la mesure contestée n'a été prise qu'afin de permettre à M. A... de reprendre un poste compatible avec son état de santé à l'issue de son congé de longue maladie. Le requérant n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que cette décision constituerait une sanction déguisée.
14. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant l'annulation de la décision du 19 novembre 2015.
En ce qui concerne la légalité de la décision de radiation des cadres :
15. En premier lieu, aux termes de l'article 5-1 du décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale : " Si un agent a un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé ou s'il constate une défectuosité dans les systèmes de protection, il en avise immédiatement son supérieur hiérarchique. "
16. En l'espèce, M. A... n'établit pas, ainsi qu'il l'allègue, avoir invoqué son état de santé pour justifier son absence au cours du mois d'avril 2016. Au surplus, ainsi qu'il a été vu au point 10, il ne ressort pas des pièces du dossier que le poste sur lequel l'intéressé avait été affecté à Fontaine-de-Vaucluse aurait comporté des caractéristiques telles qu'il aurait été fondé à invoquer un " droit de retrait ".
17. En deuxième lieu, pour démontrer que la mesure de radiation des cadres prises à son encontre pour abandon de poste repose sur des motifs disciplinaires, M. A... se borne à des allégations générales sur le traitement dont il s'estime victime de la part de l'autorité hiérarchique. Il ne conteste pas, toutefois, n'avoir pas donné suite aux mises en demeure de reprendre son poste sous peine de radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable qui lui ont été adressées par courrier des 18 juillet et 12 août 2016 autrement que par une lettre du 5 août 2016, dans laquelle il n'a nullement cherché à justifier son absence mais a reproché au président du conseil départemental, le traitement qui lui était réservé. Dès lors, le moyen tiré de l'existence d'une sanction déguisée doit être écarté.
18. En dernier lieu, compte-tenu des motifs exposés aux points précédents, les moyens tirés de l'absence de procédure disciplinaire et de la disproportion entre les faits reprochés et la révocation doivent être écartés comme inopérants.
19. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 19 septembre 2016.
Sur les conclusions indemnitaires :
20. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... ne démontre pas que les décisions qu'il conteste, portant changement d'affectation et radiation des cadres, seraient illégales. Par suite, les conclusions tendant à la réparation des préjudices en lien avec ces décisions doivent être rejetées.
21. En second lieu, ainsi qu'il a été exposé aux points 10 à 12, les faits de harcèlement moral invoqués ne sont pas démontrés. Il s'ensuit que M. A... ne peut prétendre à aucune indemnité à ce titre.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
22. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Il s'ensuit que les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A... ne peuvent qu'être rejetées.
Sur l'amende pour recours abusif :
23. En vertu de l'article R. 741-12 du code de justice administrative, l'auteur d'une requête abusive peut être condamné à une amende d'un montant maximum de 10 000 euros.
24. La requête de M. A... présente un caractère abusif qui justifie que lui soit infligée une amende qui, dans les circonstances de l'espèce, doit être fixée à 500 euros.
Sur les frais liés au litige :
25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de Vaucluse, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'appelant une somme de 2 000 euros à verser au département du Vaucluse demande au titre des frais à ce même titre.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : M. A... est condamné à payer une amende pour recours abusif de 500 euros.
Article 3 : M. A... versera au Département du Vaucluse une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A... et au département du Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2019, où siégeaient :
- M. Alfonsi, président de chambre,
- Mme E..., présidente assesseure,
- M. D..., conseiller,
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N° 18MA02006