Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 20 août 2020 sous le n° 20BX02724, la préfète de la Vienne demande à la cour d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers du 23 juillet 2020.
Elle soutient que :
- le premier juge a estimé à tort que l'ancienneté de la présence en France de M. et Mme E... est significative, sans tenir compte de la durée de leur présence en situation irrégulière ;
- la scolarisation de leurs enfants et la circonstance que deux de leurs enfants sont nés en France sont insuffisantes pour établir que les arrêtés contestés porteraient une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale des intéressés ;
- la menace à l'ordre public représentée par M. E... est caractérisée ;
- M. et Mme E... ne justifient pas d'une intégration sociale et professionnelle d'une particulière intensité ;
- les intéressés présentent des perspectives d'éloignement raisonnables permettant qu'ils soient assignés à résidence dès lors qu'ils possèdent des passeports en cours de validité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2020, M. E..., représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'État le paiement de la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.
Il fait valoir, outre les moyens déjà présentés devant le tribunal administratif de Poitiers, que :
- il n'est pas justifié que la délégation de signature a été régulièrement publiée ;
- leurs deux filles de 3 ans et 5 ans ne pourront suivre une scolarité en Arménie dès lors que la scolarité n'y est pas obligatoire et qu'elle est payante avant l'âge de 6 ans ;
II. Par une requête, enregistrée le même jour sous le n° 20BX02725, la préfète de la Vienne demande à la cour d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers du 23 juillet 2020.
Elle soutient que :
- le premier juge a estimé à tort que l'ancienneté de la présence en France de M. et Mme E... est significative, sans tenir compte de la durée de leur présence en situation irrégulière ;
- la scolarisation de leurs enfants et la circonstance que deux de leurs enfants sont nés en France sont insuffisantes pour établir que les arrêtés contestés porteraient une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale des intéressés ;
- la menace à l'ordre public représentée par M. E... est caractérisée ;
- M. et Mme E... ne justifient pas d'une intégration sociale et professionnelle d'une particulière intensité ;
- les intéressés présentent des perspectives d'éloignement raisonnables permettant qu'ils soient assignés à résidence dès lors qu'ils possèdent des passeports en cours de validité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2020, Mme E..., représentée par Me F..., conclut aux mêmes fins et soulève les mêmes moyens que dans le mémoire en défense présenté dans l'instance n° 20BX02724.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur.
Considérant ce qui suit :
1. M. H... E... et Mme B... C... épouse E..., ressortissants arméniens, sont entrés en France, selon leurs déclarations, le 8 juillet 2014 en compagnie de leur premier enfant. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 7 avril 2015. Les intéressés ont fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français du 20 octobre 2015 dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Poitiers du 17 mars 2016 et un arrêt de la présente cour du 3 novembre 2016. Leurs demandes de réexamen au titre de l'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 18 août 2016, confirmées par des décisions de la Cour nationale du droit d'asile du 17 novembre 2016. Par un arrêté du 13 mai 2019, la préfète de la Vienne a refusé de faire droit à leurs demandes d'admission exceptionnelle au séjour formulées le 17 janvier 2018 et les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. La validité de cet arrêté a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Poitiers du 11 septembre 2019 et un arrêt de la présente cour du 14 mai 2020. Par un arrêté du 17 juillet 2020, la préfète de la Vienne a refusé de faire droit à leurs demandes d'admission exceptionnelle au séjour des 4 mars et 9 octobre 2019, les a obligés à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par un arrêté du même jour, la préfète de la Vienne les a assignés à résidence pour une durée de 45 jours. La préfète de la Haute-Vienne relève appel du jugement du 23 juillet 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a annulé ces arrêtés et lui a enjoint de délivrer à M. et Mme E... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de 45 jours et de verser la somme de 1 200 euros à leur conseil.
Sur la jonction :
2. Les requêtes enregistrées sous les numéros 20BX02724 et 20BX02725 sont relatives à la situation d'un couple de ressortissants étrangers et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur le moyen d'annulation retenu par le premier juge :
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. M. et Mme E... font valoir qu'ils vivent en France depuis six ans, que leur fille aînée est scolarisée en CM1 et que leurs deux autres enfants sont nés en France en 2015 et 2017. Pour justifier leurs efforts d'intégration dans la société française, les intéressés produisent une promesse d'embauche pour M. E... en tant que mécanicien ainsi que trois attestations de connaissances et font valoir également que Mme E... suit des cours de français et qu'elle est entrée dans un dispositif d'accompagnement scolaire. Toutefois, ces éléments ne sont pas suffisants pour justifier à eux seuls que M. et Mme E... auraient noué sur le territoire français des relations d'une particulière intensité. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que les intéressés ont déclaré de fausses nationalités, qu'ils ont occupé jusqu'à la fin de l'année 2019 un logement réservé aux demandeurs d'asile en dépit de la mise en demeure de quitter les lieux qui leur a été adressée en juin 2018 par le préfet et que M. E... a fait l'objet de plusieurs condamnations pour défaut de permis de conduire, dont une infraction en état d'ébriété, à la suite desquelles il a attendu plus de trois ans après sa première infraction le 12 octobre 2016 pour entamer les démarches nécessaires auprès de l'auto-école " La Poitevine ". En outre, il ressort des pièces du dossier que les intéressés ont fait l'objet de précédentes mesures d'éloignement, par des arrêtés du 20 octobre 2015 et du 13 mai 2019, qu'ils n'ont pas exécutées. Dès lors, l'ancienneté de leur présence en France, qui résulte de leur situation irrégulière, ne peut à elle seule justifier une admission exceptionnelle au séjour. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, le moyen tiré de ce que les arrêtés contestés porteraient à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée doit être écarté. Dans ces conditions, la préfète de la Vienne est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers a annulé les arrêtés du 17 juillet 2020.
5. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. et Mme E... à l'encontre des arrêtés en litige du 17 juillet 2020.
Sur les autres moyens :
En ce qui concerne les arrêtés pris dans leur ensemble :
6. Les arrêtés du 17 juillet 2020 ont été signés par M. A... D..., secrétaire général de la préfecture de la Vienne. Par un arrêté du 3 février 2020, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial n°86-2020-012, M. A... D... a reçu une délégation de signature de la préfète de la Vienne pour ce qui concerne l'ensemble des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des arrêtés contestés doit être écarté.
En ce qui concerne les décisions portant refus de délivrer un titre de séjour :
7. En premier lieu, il ne ressort des pièces du dossier ni que les intéressés auraient formulé une nouvelle demande sur laquelle la préfète aurait omis de statuer ni qu'ils seraient entrés régulièrement sur le territoire français. Il ressort des termes mêmes de la décision contestée que la préfète de la Vienne, contrairement à ce qu'affirment les intéressés, ne s'est pas fondée uniquement sur leur situation irrégulière et leur absence d'activité professionnelle pour refuser de leur délivrer le titre de séjour sollicité. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la préfète n'aurait pas tenu compte de l'état de santé de M. E..., de son inscription à une auto-école pour régulariser sa situation depuis ses dernières condamnations pénales, du nouveau logement de M. et Mme E..., dont l'adresse figure dans les arrêtés les assignant à résidence, ou encore des efforts d'intégration de Mme E... pour lesquels, au demeurant, elle ne produit aucune pièce. Par ailleurs, M. E... soutient que la décision contestée est fondée sur le fait qu'il ne justifie ni détenir les qualifications pour occuper l'emploi de mécanicien ni que l'employeur a engagé des démarches auprès de Pôle emploi pour son recrutement, alors que la préfète n'a jamais sollicité la production de tels justificatifs, révélant ainsi un défaut d'examen de sa situation personnelle. Toutefois, il appartenait à M. E... de produire, à l'appui de sa demande de titre de séjour, tous les éléments de nature à confirmer le bien-fondé de celle-ci. En outre, la circonstance que le préfet de la région Nouvelle-Aquitaine a édicté un arrêté du 23 mai 2017 fixant une liste de métiers caractérisés par des difficultés de recrutement au niveau régional est sans incidence sur les obligations qui incombaient à l'employeur pour le recruter. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté. Le caractère suffisant de cette motivation révèle en outre que la préfète a procédé à un examen personnel et circonstancié de la situation des intéressés.
8. En second lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) ".
9. Les intéressés, outre les éléments relatifs à leur situation familiale exposés au point 4 du présent arrêt, font valoir que M. E... souffre d'hypertension pour laquelle il est suivi par le docteur Caunes. Toutefois, ces seuls éléments ne permettent pas de caractériser des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées. Par ailleurs, si M. E... soutient que la décision portant refus de délivrer un titre de séjour est fondée sur la menace qu'il représenterait pour l'ordre public, il ressort des termes mêmes de cette décision que la préfète de la Vienne a seulement entendu apprécier son degré d'intégration sociale dans la société française au regard, notamment, des condamnations pénales dont il a fait l'objet. Par suite, ce moyen doit être écarté.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité des décisions portant refus de leur délivrer un titre de séjour à l'appui de leurs conclusions tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français.
11. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4 du présent arrêt, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont seraient entachées les décisions attaquées au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
12. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ".
13. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas pour effet en elle-même d'entraîner la séparation de M. et Mme E... de leurs enfants. Par ailleurs, rien ne s'oppose à ce que le couple, accompagné de leurs trois enfants, reconstitue la cellule familiale en dehors du territoire français. En outre, les intéressés font valoir en appel que leurs deux filles, âgées de 3 ans et 5 ans, ne pourront poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine au motif que la scolarité y est payante et facultative avant l'âge de 6 ans. Ils produisent à cet effet une fiche de l'académie de Grenoble et une fiche de l'Unesco relatives à la scolarisation des enfants en Arménie. Toutefois, ces éléments ne sont pas de nature à établir à eux seuls qu'ils ne pourraient poursuivre une scolarité normale dans leur pays d'origine. Par suite, la décision attaquée n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
En ce qui concerne les décisions leur refusant un délai de départ volontaire :
14. Aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à la préfète de rappeler le contenu de l'article du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'elle a visé dans son arrêté et qui a fondé la décision en litige, laquelle cite, au demeurant, celles des dispositions qui en ont constitué le fondement. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit ainsi être écarté.
En ce qui concerne les décisions fixant le pays de renvoi :
15. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de leurs conclusions tendant à l'annulation des décisions fixant le pays de renvoi.
16. En second lieu, les décisions attaquées comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, notamment la circonstance qu'ils n'établissent pas être exposés à des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans leur pays d'origine. Par suite le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.
En ce qui concerne les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français :
17. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. " / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...). / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
18. Il résulte des dispositions précitées que la préfète est tenue, lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé et sauf dans le cas de circonstances humanitaires, d'assortir sa décision portant obligation de quitter le territoire français d'une décision portant interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de ce que la préfète n'a porté aucune d'appréciation sur le prononcé de cette mesure doit être écarté.
19. En outre, il résulte de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour fixer la durée de l'interdiction de retour assortissant l'obligation de quitter le territoire français tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Les décisions d'interdiction de retour doivent comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que ses destinataires puissent à leur seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation des intéressés, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
20. Il incombe ainsi à l'autorité compétente de faire état des éléments de la situation des intéressés au vu desquels elle a arrêté, dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de leur présence sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de leurs liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont ils ont fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifient sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
21. En l'espèce, les décisions contestées, après avoir visé les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont elle fait application, indiquent que l'examen de la situation des intéressés a été effectué relativement au prononcé et à la durée de l'interdiction de retour, " au regard notamment du huitième alinéa dudit III ", c'est-à-dire des quatre critères évoqués aux points précédents. Les décisions contestées rappellent que le comportement de M. E... constitue une menace à l'ordre public, que les intéressés se sont soustraits à deux précédentes mesures d'éloignement et qu'ils ne démontrent pas avoir des liens personnels et familiaux en France. Ainsi, ces décisions sont suffisamment motivées au regard des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du même code. Par suite, ce moyen doit être écarté.
En ce qui concerne les arrêtés portant assignation à résidence :
22. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de leurs conclusions tendant à l'annulation des arrêtés portant assignation à résidence.
23. En second lieu, les arrêtés contestés comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, notamment le premier alinéa du I de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et indiquent que les intéressés, qui disposent d'une adresse sur le territoire français et d'un passeport en cours de validité, offrent des garanties de représentation et que leur éloignement demeure une perspective raisonnable. Par suite le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de ces arrêtés doit être écarté. En outre, il ressort de cette motivation que la préfète de la Vienne a procédé à un examen de leur situation personnelle, en dépit d'une erreur de plume relative à la date des mesures d'éloignement dont ils ont fait l'objet.
24. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de la Vienne est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé les arrêtés du 17 juillet 2020.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 20001628-20001629 du 23 juillet 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par M. et Mme E... devant le tribunal administratif de Poitiers sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... E..., à Mme B... C..., épouse E..., et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président-rapporteur,
Mme G..., présidente-assesseure,
M. Manuel Bourgeois, premier-conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 janvier 2021.
Le président de chambre,
Éric Rey-Bèthbéder
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX02724, 20BX02725