Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 21 décembre 2018, 24 mai 2019,
11 octobre 2019, 6 décembre 2019 et 10 juillet 2020, le centre hospitalier spécialisé Georges Mazurelle de la Roche-sur-Yon, représenté par Me H..., demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du 14 novembre 2018 en tant qu'il s'est prononcé sur le besoin d'assistance par tierce personne de M. D... ;
2°) de ramener à de plus justes proportions le montant de l'indemnité allouée à ce titre ;
3°) de mettre à la charge de M. D... et de Mme G... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le besoin d'assistance par une tierce personne, estimé à 6 h par jour, a été mal apprécié par le tribunal qui s'est fondé sur le rapport non contradictoire d'un ergothérapeute alors que le rapport de l'expert diligenté par le tribunal évalue ce besoin à 4h15 par jour et que ce besoin peut être évalué à 2h30 par jour compte tenu du handicap antérieur ; il doit être tenu compte du nombre de jours passés par M. D... chez sa mère entre le 28 janvier 2011 et le 14 novembre 2018 ; il ne peut être demandé d'indemnisation au titre de l'assistance par tierce personne avant la consolidation de l'état de santé de M. D... ;
- la demande incidente présentée par M. D... tendant à ce que son besoin soit estimé à 6h75 par jour ne peut être retenue ;
- le taux horaire retenu par le tribunal et la déduction de la prestation de compensation du handicap doivent être confirmés ; le décompte du nombre de jours d'absence du centre hospitalier spécialisé est exact ;
- le versement d'une rente est mieux adapté en l'espèce.
Par des mémoires enregistrés les 13 mars 2019, 20 juin 2019, 15 octobre 2019, 3 juillet 2020 et 17 juillet 2020 M. F... D... et Mme A... G..., représentés par Me B..., concluent :
1°) au rejet de la requête du centre hospitalier spécialisé Georges Mazurelle de
La-Roche-sur-Yon ;
2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement du 14 novembre 2018 en tant qu'il a procédé à une insuffisante évaluation du besoin en assistance par une tierce personne et à la condamnation du centre hospitalier à leur verser au titre des frais de tierce personne temporaire la somme de 28 080 euros ou subsidiairement celle de 5 184 euros tenant compte de la présence de M. D... au centre hospitalier et, au titre de l'assistance d'une tierce personne, la somme de 1 697 779,20 euros ou subsidiairement celle de 605 883,56 tenant compte de la présence de M. D... au centre hospitalier ;
3°) à ce que ces sommes soient assorties des intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2014 et que les intérêts produits portent eux-mêmes intérêts à chaque échéance annuelle ;
4°) à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier spécialisé Georges Mazurelle la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le rapport établi par l'ergothérapeute pouvait être pris en considération car il a été soumis au débat contradictoire ; le tribunal n'était pas lié par le rapport de l'expert judiciaire ; l'état antérieur de M. D... a bien été pris en compte ;
- les besoins d'assistance de M. D... se sont accrus du fait de sa cécité et doivent être estimés à 6h75 par jour ; un taux horaire de 16 euros doit être retenu ;
- la prestation de compensation du handicap ne présente pas de caractère indemnitaire et ne peut être déduite des sommes versées au titre de l'aide par tierce personne ;
- une indemnité doit être versée pour la période antérieure à la consolidation ;
- le versement d'un capital doit être préféré à celui d'une rente.
Par un mémoire enregistré le 15 mars 2019 l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me C... conclut à sa mise hors de cause et au rejet de toute demande qui serait dirigée à son encontre.
Il soutient qu'il a été définitivement jugé que la responsabilité pour faute du centre hospitalier spécialisé est engagée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- et les observations de Me H..., représentant le centre hospitalier spécialisé Georges Mazurelle et de Me B..., représentant M. D... et Mme G....
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., né le 19 novembre 1987, a été victime à l'âge de six mois d'un violent choc à la tête qui a entraîné une hydrocéphalie post-hémorragique. Il lui a alors été implanté chirurgicalement en 1988 une dérivation ventriculo-péritonéale droite pour drainer et rediriger l'excès de liquide céphalorachidien vers une autre partie de son corps, nécessitant un suivi et une surveillance médicale constants en raison du risque d'obturation de la valve qu'elle comporte. M. D... souffre en outre de problèmes psychiatriques et est, depuis sa majorité, placé sous la curatelle de l'Union départementale des associations familiales de la Roche-sur-Yon. A partir du mois d'octobre 2010, M. D... s'est plaint auprès du personnel hospitalier du centre hospitalier spécialisé Georges Mazurelle d'une baisse de son acuité visuelle. Le
20 janvier 2011 a été diagnostiqué un oedème papillaire bilatérale, une cécité quasi complète ainsi qu'un strabisme convergent, conséquences directes d'un dysfonctionnement de la dérivation ventriculo-péritonéale.
2. Par un jugement du 4 octobre 2017, le tribunal administratif de Nantes a retenu la responsabilité du centre hospitalier spécialisé pour la faute consistant dans le retard de diagnostic et de prise en charge de l'affection dont souffrait M. D.... Il a mis hors de cause l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des infections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et, avant dire droit, a ordonné une expertise afin de se prononcer sur les conclusions indemnitaires présentées par l'intéressé. Aux termes du jugement du 14 novembre 2018, le tribunal a condamné le centre hospitalier spécialisé Georges Mazurelle à verser à M. D... une indemnité de 472 540 euros ainsi qu'une rente annuelle de 33 000 euros, et à Mme G... la somme de 10 000 euros. Le centre hospitalier spécialisé de La-Roche-sur-Yon relève appel de ce jugement en tant seulement qu'il s'est prononcé sur le montant de l'indemnisation du besoin d'assistance par une tierce personne. M. D... et Mme G... demandent, par la voie de l'appel incident, une revalorisation de la même indemnité.
Sur le préjudice lié au besoin d'assistance par tierce personne :
3. Si un ergothérapeute, missionné par les requérants a, dans son rapport du 25 septembre 2014, estimé le besoin d'assistance de M. D... par une tierce personne à 6h45 par jour, il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert neurochirurgien désigné par le tribunal, lequel était assisté d'un psychiatre en qualité de sapiteur, qu'après avoir été pris en charge par le centre hospitalier universitaire de Nantes jusqu'au 28 janvier 2011 M. D... a regagné le centre hospitalier spécialisé Georges Mazurelle. A compter de cette date l'intéressé a eu besoin de l'aide non spécialisée d'une tierce personne pour les périodes où il ne résidait pas dans l'établissement hospitalier spécialisé mais chez sa mère. Cet expert a chiffré la durée quotidienne de cette aide à 4h15, correspondant à 0h15 pour le lever, le petit-déjeuner et la prise de médicaments, 0h15 pour l'habillage et la toilette, 0h45 pour les courses, 1h pour la préparation du repas du midi, 1h pour les loisirs, 0h45 pour le repas du soir, la vaisselle et le médicaments et 0h15 pour le déshabillage et le coucher. Faute pour M. D... et Mme G... d'apporter des éléments probants de nature à établir que cette dernière évaluation serait insuffisante, il y a lieu en l'espèce de retenir un besoin d'assistance par tierce personne à raison de la cécité qui affecte M. D... à hauteur de 4h15 par jour.
4. Sur la base du tableau des absences de l'intéressé fourni par le centre hospitalier spécialisé, qui a été soumis au contradictoire des parties dans le cadre de la présente instance et qui comporte les heures de début et de fin de permissions depuis le 12 février 2011 jusqu'au 23 mai 2020, le nombre de jours susceptibles d'ouvrir droit à indemnisation au titre de l'assistance par une tierce personne peut, en l'espèce, être évalué à 475 jusqu'au jour de mise à disposition du présent arrêt.
5. En se fondant sur un taux horaire de 13 euros, correspondant à une aide non spécialisée et sur une base annuelle de 412 jours afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés, le besoin d'assistance par tierce personne de M. D... peut être évalué à la somme de 29 603 euros.
6. Il résulte également de l'instruction que M. D... perçoit, depuis juillet 2012, du fait de sa cécité, une prestation de compensation du handicap dont le montant, hors prise en compte d'une somme mensuelle de 200 euros attribuée au titre des frais de surcoût de transport en véhicule personnel, doit être évalué à 12 703 euros.
7. Par suite, le besoin d'assistance par une tierce personne de M. D... doit être réparé par le versement de la somme de 16 900 euros (29 603 - 12 703) à la charge du centre hospitalier spécialisé Georges Mazurelle. Cette somme sera majorée des intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2014, date de présentation de la réclamation préalable de M. D... et de Mme G... et les intérêts produits seront eux-mêmes capitalisés à compter du
12 novembre 2015.
8. Pour ce qui concerne la période postérieure à la date de prononcé du présent arrêt, et compte tenu des conditions de prise en charge et de sortie de M. D..., il y a lieu d'évaluer le besoin d'assistance de ce dernier par une tierce personne ouvrant droit à indemnisation sur une base quotidienne en fonction du nombre de jours de présence au domicile de sa mère. L'indemnité journalière sera liquidée sur la base d'un besoin de 4,15 h par jour et du smic horaire brut majoré d'un taux de charge de 40 %. Elle sera versée trimestriellement par le centre hospitalier sur la base des jours de sortie recensés pour chaque période de trois mois, après déduction des sommes attribuées au titre de la prestation de compensation du handicap elles-mêmes réduites, sur justificatif, du montant correspondant au surcoût des frais de transport mentionné au point 6.
Sur les frais liés au litige :
9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge de chacune des parties les frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La somme que le centre hospitalier spécialisé Georges Mazurelle a été condamné par le tribunal administratif de Nantes à verser au titre de l'assistance par une tierce personne doit être ramenée à 16 900 euros, somme majorée des intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2014 et de leur capitalisation à compter du 12 novembre 2015.
Article 2 : Le centre hospitalier spécialisé Georges Mazurelle versera, au titre des besoins futurs d'assistance par tierce personne de M. D..., une somme par jour de sortie qui sera liquidée trimestriellement sur la base d'un besoin d'aide de 4 h15 par jour et d'une rémunération correspondant au smic horaire brut majoré de 40 %, après déduction des sommes attribuées au titre de la prestation de compensation du handicap elles-mêmes réduites, sur justificatif, du montant correspondant au surcoût des frais de transport.
Article 3 : Le jugement n° 1500754 du tribunal administratif de Nantes du 14 novembre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions incidentes présentées par M. D... et Mme G... sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier Georges Mazurelle, à M. F... D..., à Mme A... G..., à la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et à l'Union départementale des associations familiales de Vendée.
Copie en sera transmise pour information au département de la Vendée
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme E..., président
- M. Berthon, premier conseiller,
- Mme Le Barbier, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 janvier 2021.
Le président-rapporteur
C. E...
L'assesseur le plus ancien
E. Berthon
Le greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT04509