Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 30 janvier et les 3 et 21 mai 2019, M. B..., représenté par Me C..., avocat, demande à la cour :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement ;
3°) d'annuler l'arrêté litigieux ;
4°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, et dans l'hypothèse où l'aide juridictionnelle lui serait refusée, de condamner l'État à verser à M. B... la somme de 2 000 sur le seul fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les décisions portant refus d'admission au séjour et obligation de quitter le territoire français sont entachées d'un défaut de motivation en fait et ne permettent pas d'établir qu'il a été procédé à un examen complet de sa situation ;
- la décision fixant le pays de renvoi s'avère affectée d'un défaut de motivation en fait, car elle est parfaitement stéréotypée et ne fait aucun état de la situation du requérant en cas de retour dans son pays d'origine ;
- le refus de titre méconnaît l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors que le préfet se borne à constater qu'il ne présente pas de contrat de travail ou de promesse d'embauche à l'appui de sa demande de titre de séjour, alors qu'il justifie d'une formation professionnelle et du sérieux de ses études, qu'il dispose un contrat d'apprentissage pour l'année 2018 / 2019 avec le Grand Café le Florida à Toulouse et présente des capacités d'intégration et d'insertion professionnelle, qu'il ne présente aucune menace pour l'ordre public et que les avis de la structure d'accueil sont favorables ;
- il méconnaît également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il est entré en France mineur accompagné de ses deux frères, que son père est décédé et qu'il est sans nouvelle de sa soeur ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2019, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête et fait valoir qu'aucun de ses moyens n'est fondé.
Le défenseur des droits a présenté des observations, en application de l'article 33 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011, enregistrées le 20 mai 2019.
Par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 20 mars 2019, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme F... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant guinéen, est entré irrégulièrement en France selon ses dires le 12 octobre 2014, alors qu'il était mineur. Ayant été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, il a sollicité, une fois majeur, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 16 novembre 2016, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour mais, par un arrêt n° 17BX01549- n° 17BX01550 du 16 octobre 2017, la cour a prononcé l'annulation de cet arrêté et enjoint au préfet de réexaminer la situation de l'intéressé. M. B... relève appel du jugement du 20 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 14 mars 2018 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur la demande d'aide juridictionnelle à titre provisoire :
2. Par décision du 20 mars 2019, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé à M. B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Ainsi, la demande du requérant tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire est devenue sans objet.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... B... est entré en France alors qu'il était mineur, accompagné de ses deux frères, Amed et Ousmane, également mineurs. Il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance de Toulouse et hébergé au sein du foyer de jeunes travailleurs " le Vénasque " à Saint-Gaudens, avant d'être scolarisé dès le mois de septembre 2015 au lycée de l'Arrouza à Lourdes, où il a suivi une formation en vue d'obtenir un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) " services brasserie café " validé en 2017. Il s'est alors inscrit pour l'année scolaire 2017-2018 au lycée Sainte Thérèse de Saint-Gaudens en vue d'obtenir la mention complémentaire " barman ", obtenue postérieurement à l'arrêté attaqué à la session de juin 2018. Il ressort également des pièces du dossier que M. B... n'a plus d'attaches en Guinée, que sa famille a fui dès son plus jeune âge pour se réfugier en République Centrafricaine, que son père a été assassiné le 28 février 2014, et que son jeune frère Ousmane a obtenu, certes postérieurement à l'arrêté litigieux, un titre de séjour. Dès lors, dans les circonstances très particulières de l'espèce, le refus de titre de séjour litigieux a porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaît par suite les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Le présent arrêt implique nécessairement que le préfet délivre un titre de séjour à M. B.... Il y a lieu dès lors de lui enjoindre de procéder à cette délivrance dans le délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. M. B... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, sous réserve que Me C... renonce à percevoir la part contributive de l'État, de mettre à la charge de ce dernier, pour le compte de Me C..., la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire de
M. B....
Article 2 : Le jugement du 20 décembre 2018 du tribunal administratif de Toulouse et l'arrêté du 14 mars 2018 du préfet de la Haute-Garonne sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer un titre de séjour à M. A... B... dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'État versera à Me C..., sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive à l'aide juridictionnelle, la somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme G..., présidente-assesseure,
Mme D... E..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 14 novembre 2019.
La rapporteure,
G...Le président
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Camille Péan
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 19BX00402 2