Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 juin 2018, la commune de Montrollet, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 3 mai 2018 ;
2°) de rejeter les demandes de MM. D... G... et A... G... ainsi que de l'association Les machinistes préservateurs de véhicules historiques américains tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 juillet 2015 par lequel le maire de Montrollet a mis en sens unique la rue du Couvent et des décisions rejetant implicitement les recours présentés contre cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de MM. D... G... et A... G... ainsi que de l'association Les machinistes préservateurs de véhicules historiques américains une somme de 4 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance.
Elle soutient que
* le jugement attaqué est insuffisamment motivé et entaché d'une contradiction dans ses motifs ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en exerçant un contrôle normal sur la légalité de l'arrêté litigieux et qu'ils ont, en tout état de cause, commis une erreur d'appréciation.
Par un mémoire, enregistré le 23 octobre 2018, MM. D... G... et A... G... ainsi que l'association Les machinistes préservateurs de véhicules historiques américains, représentés par Me F..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la commune de Montrollet au titre des frais exposés pour l'instance.
Ils soutiennent que la requête est irrecevable dès lors que le maire de la commune n'a été habilité qu'à ester en défense devant la cour et que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C... E...,
- les conclusions de Mme Aurélie Chauvin, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la commune de Montrollet, et de Me F..., représentant MM. G... D..., G... A... et l'association Les machinistes préservateurs de véhicules historiques américains (MPVHA).
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 15 juillet 2015, le maire de Montrollet a mis en sens unique la rue du Couvent. La commune de Montrollet relève appel du jugement du 3 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé cet arrêté ainsi que les décisions rejetant implicitement les recours présentés contre cet arrêté par MM. G... et par l'association Les machinistes préservateurs de véhicules historiques américains (MPVHA).
Sur la régularité du jugement :
2. D'une part, contrairement à ce que soutient la commune de Montrollet, les premiers juges n'ont pas annulé l'arrêté litigieux du 15 juillet 2015 au motif qu'il serait insuffisamment motivé mais en raison de ce qu'il porte une atteinte excessive tant à la liberté d'aller et venir qu'au droit de propriété. Par suite, la commune appelante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé.
3. D'autre part, la commune de Montrollet n'est pas davantage fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une contradiction de motifs en se bornant à faire valoir que ce jugement retient que l'atteinte portée à la liberté d'aller et venir ainsi qu'au droit de propriété est limitée mais néanmoins illégale.
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire exerce la police de la circulation sur les routes nationales, les routes départementales et les voies de communication à l'intérieur des agglomérations (...). A l'extérieur des agglomérations, le maire exerce également la police de la circulation sur les voies du domaine public routier communal et du domaine public routier intercommunal (...) ".
5. En premier lieu, et contrairement à ce que soutient la commune de Montrollet, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de rechercher si la mise en sens unique d'une rue repose sur des motifs de nature à la justifier légalement. Par suite, la commune n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ne se sont pas borné à examiner si l'arrêté litigieux n'était pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
6. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que MM. G... sont riverains du chemin de Vergnoret et que l'association MPVHA, dont l'objet est " le regroupement des amateurs et propriétaires privés de véhicules anciens et authentiques, à moteur, avec matériels associés, de plus de 30 ans d'âge, principalement d'origine américaine et autres nationalités de la même époque et ayant un intérêt historique relatif au "D Day" (...), dans un objectif de restauration et de perpétuation de connaissances mécaniques et historiques ", a son siège social au n° 1 de ce chemin, lequel débouche sur la rue du Couvent. Il ressort également des pièces du dossier et n'est, au demeurant, pas contesté par la commune appelante, que la mise en sens unique de la rue du Couvent ne permet pas aux véhicules longs, notamment au tracteur routier et au semi-remorque utilisés par MM. G... et par les membres de la MPVHA, de manoeuvrer entre le chemin de Vergnoret et la rue du Couvent sans enfreindre l'arrêté litigieux du 15 juillet 2015, compte tenu de l'angle particulièrement aigu formé par ces deux voies.
7. La commune soutient que l'atteinte ainsi portée à la liberté d'aller et venir ainsi qu'au droit de propriété, en particulier au libre accès à leur propriété des demandeurs de première instance, est justifiée par des motifs de sécurité dès lors d'une part, que la rue du Couvent, d'une longueur de 150 mètres, est très sinueuse et très étroite, d'autre part, que la structure de la chaussée n'est pas adaptée à un trafic dense et impose de limiter le passage de camions de plus de 3,5 tonnes à la desserte locale. Toutefois, à l'appui de ces allégations, la commune ne produit aucun élément matériel et se borne à faire état d'une lettre de l'agence départementale de l'aménagement du 17 juillet 2009 dont il ressort seulement que la sortie de la rue du Couvent sur la route départementale 165 manque de visibilité et d'une lettre du sous-préfet de Confolens du 25 juin 2010 ajoutant que cette rue est étroite, que la vitesse y est souvent excessive, que la mise en sens unique permettra de fluidifier le trafic, notamment de poids lourds, et que l'accès à la propriété de M. D... G... est toujours possible alors qu'il ressort des pièces du dossier que la rue du Couvent est une rue résidentielle située entre deux routes départementales de sorte qu'elle est peu propice à un trafic dense, à fortiori au transit de véhicules lourds, tandis qu'il ressort d'une attestation de l'organisme en charge de la collecte des déchets produite par la commune appelante que la benne de ramassage des déchets qui circule rue du Couvent est d'un poids de 26 tonnes PTAC et que, pourtant, elle ne rencontre aucune difficulté de circulation dans cette rue. Enfin, la commune n'établit ni même ne soutient que les objectifs poursuivis n'auraient pu être atteints par d'autres mesures moins attentatoires à la liberté d'aller et venir ainsi qu'au droit de propriété.
8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête, que la commune de Montrollet n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont annulé l'arrêté litigieux du 15 juillet 2015. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Montrollet le versement à M. D... G..., à M. A... G... et à l'association Les machinistes préservateurs de véhicules historiques américains d'une somme totale de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête est rejetée.
Article 2 : La commune de Montrollet versera à M. D... G..., à M. A... G... et à l'association Les machinistes préservateurs de véhicules historiques américains une somme globale de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Montrollet, à M. D... G..., à M. A... G... et à l'association Les machinistes préservateurs de véhicules historiques américains.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme H..., présidente-assesseure,
M. C... E..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 octobre 2020.
Le rapporteur,
Manuel E...
Le président,
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au préfet de la Charente, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°18BX02433