Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 février 2019, Mme D..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 11 octobre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 août 2018 du préfet de la Haute-Garonne ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", à défaut de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et la somme de 1 500 euros à son bénéfice en application de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur de droit au regard des dispositions combinées du 6° du I de l'article L. 511-1 et du 4° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle ne pouvait être regardée comme ayant introduit une demande de réexamen de demande d'asile en vue de faire échec à une mesure d'éloignement ; en tout état de cause, le préfet aurait dû caractériser son intention de faire échec à une mesure d'éloignement ;
- sa nouvelle demande d'asile s'appuie sur des éléments nouveaux et présente un caractère sérieux et étayé ; elle n'a en aucun cas été introduite dans l'unique but de faire échec à une mesure d'éloignement ;
- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le préfet a commis une erreur d'appréciation dès lors qu'elle vit avec un compatriote bénéficiant du statut de réfugié depuis trois ans et qu'ils sont parents d'un enfant né en 2015 ;
- c'est à tort que le tribunal a remis en cause le lien de parenté entre sa fille, Fatima et M. C... B... ; elle produit l'acte de naissance de sa seconde fille née le 5 janvier 2019 reconnue par M. B... ;
- la décision d'éloignement étant illégale, il n'y a plus lieu de fixer un pays de renvoi.
Par un mémoire, enregistré le 3 juin 2019, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 12 avril 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 17 juin 2019 à 12 heures.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 janvier 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme F... G... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante russe, d'origine tchétchène, née le 15 août 1994, est entrée en France selon ses déclarations le 10 juillet 2013 et a sollicité son admission au bénéfice de l'asile le 11 juillet 2013. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 17 août 2015, décision qu'elle n'a pas contestée devant la Cour nationale du droit d'asile. Elle a fait l'objet d'un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire le 22 décembre 2015. Mme D... a sollicité le réexamen de sa demande d'asile le 11 janvier 2018. Cette demande a été examinée selon la procédure accélérée définie au 4° du III de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile puis a été rejetée comme irrecevable par l'OFPRA le 18 janvier 2018. Par arrêté du 8 août 2018, le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme D... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'État (...). ". Aux termes de l'article L. 743-2 du même code issu de l'article 21 de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015, applicable à l'espèce : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque :/ (...) 4° L'étranger n'a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'office en application du 3° de l'article L. 723-11, qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement ; (...). ". Aux termes de l'article L. 743-3 du même code applicable à l'espèce : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI. ".
3. Aux termes des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à compter du 1er novembre 2016 : " I.- L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté la demande d'asile de Mme D... le 7 août 2015 et qu'elle n'a pas contesté cette décision devant la Cour nationale du droit d'asile. Elle a présenté une demande tendant au réexamen de sa situation, en invoquant le harcèlement violent des autorités lors de son retour dans son pays d'origine, son lien de parenté avec un frère et des cousins accusés d'avoir soutenu les combattants tchétchènes et son lien avec M. B..., réfugié politique tchétchène en France. Toutefois, elle n'apporte aucun élément probant qu'elle n'aurait pu produire avant la décision susmentionnée de l'OFPRA, ni aucun élément au soutien de ses allégations tenant au fait qu'elle aurait été personnellement exposée à des risques de persécutions lors de son retour dans son pays d'origine. Par ailleurs, ainsi que l'a relevé le tribunal, le seul acte de naissance de sa fille, née le 15 juillet 2015 à Grosny, ne suffit pas à établir que M. B..., titulaire d'une carte de résident de dix ans en qualité de réfugié serait le père de son enfant. Sa demande de réexamen a d'ailleurs été déclarée irrecevable par l'OFPRA le 18 janvier 2018 au motif qu'elle n'avait pas invoqué de faits nouveaux de nature à augmenter significativement la probabilité qu'elle se voit octroyer le statut de réfugié politique. Dans ces conditions, sa demande de réexamen pouvait être regardée comme ayant eu pour finalité de faire échec à une mesure d'éloignement. Par suite, en estimant que la situation de l'intéressée entrait dans le champ d'application des dispositions du 4° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et en prononçant, à son encontre, la mesure d'éloignement en litige, sans attendre que la Cour nationale du droit d'asile ait statué sur sa demande de réexamen, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas méconnu les dispositions précitées du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Au demeurant, la CNDA a rejeté sa demande le 23 mai 2018.
5. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". En application de ces stipulations, il appartient à l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France d'apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
6. Mme D... qui indique être rentrée dans son pays en juin 2015 et avoir accouché le 15 juillet 2015 à Grosny, alors même qu'elle n'en précise pas la date, est revenue en France récemment. Elle se prévaut de sa relation de concubinage avec M. C... B... bénéficiant du statut de réfugié, qui serait le père de sa fille aînée ainsi que de sa seconde fille, née le 5 janvier 2019, dont elle produit l'acte de naissance. Cependant, ce seul document ne corrobore l'existence d'une vie commune qu'à compter de cette date et ne peut donc être regardé comme justifiant, à la date de cette décision, d'une vie commune suffisamment ancienne et stable. Par ailleurs, ainsi que l'a relevé le tribunal l'acte de naissance de sa fille née le 15 juillet 2015 ne suffit pas à établir que M. B... est le père de cette enfant. En outre, il n'est ni établi ni même allégué que Mme D... serait dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine. Dans ces circonstances, la mesure d'éloignement contestée n'a pas porté au droit de Mme D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur lequel elle se fonde.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, président-assesseur,
Mme F... G..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 17 octobre 2019.
Le rapporteur,
Florence G...
Le président,
Éric Rey-Bèthbéder
Le greffier,
Caroline Brunier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX00802