Par une requête, enregistrée le 20 mars 2020, M. A..., représenté par
Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du
20 février 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 février 2020 par lequel le préfet de la Charente-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et a prononcé son assignation à résidence pour une durée de cinq mois ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation administrative dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et, dans cette seconde hypothèse, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à verser à son conseil, Me E..., sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle, de lui verser directement cette somme.
Il soutient que :
- le titre, les motifs et le dispositif de l'arrêté litigieux démontrent que le préfet lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour de sorte que le jugement attaqué a irrégulièrement omis de statuer sur les moyens dirigés contre cette décision de refus ;
- le signataire de cet arrêté ne disposait pas d'une délégation de signature régulière :
- la décision lui refusant le séjour est insuffisamment motivée et que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- cette décision méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celles de l'article L. 313-14 du même code et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale, du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour, en outre elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision lui interdisant le retour sur le territoire français est insuffisamment motivée et méconnaît les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale, du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et a méconnu les stipulations des article 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant assignation à résidence est illégale, du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; elle est en outre insuffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative au droit de l'enfant ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité serbe, né le 8 mai 1983, est entré en France avec son épouse et leurs six enfants en août 2017 pour y demander l'asile. Sa demande a toutefois été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 29 décembre 2017, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le
7 juin 2018. La demande de réexamen qu'il a introduite devant l'OFPRA a été également rejetée le 11 octobre 2019 et cette décision a été confirmée par la CNDA le 15 janvier 2020. Par arrêté du 5 février 2020, pris à la suite du rejet définitif de sa demande d'asile, le préfet de la Charente-Maritime lui a refusé le droit au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et, enfin, l'a assigné à résidence pour une durée de cinq mois. M. A... relève appel du jugement du 20 février 2020 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande qu'il a formée contre cet arrêté.
2. En premier lieu, il ressort de l'arrêté litigieux pris dans son ensemble que le préfet de la Charente-Maritime n'a pas entendu refuser de délivrer à M. A... un titre de séjour dont il est au demeurant constant qu'il ne l'a pas sollicité mais qu'il s'est borné à lui faire obligation de quitter le territoire après que sa demande d'asile a été définitivement rejetée, ainsi que le prévoient les dispositions du 6° de l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après avoir procédé à un examen détaillé de sa situation et s'être assuré qu'aucune circonstance de fait ou de droit ne s'opposait à l'édiction de cette décision. Par suite, nonobstant les ambiguïtés ou les maladresses de rédaction qui affectent la décision lui faisant obligation de quitter le territoire, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif a considéré que ses conclusions dirigées contre cet arrêté en tant qu'il lui refusait le séjour devaient être regardées comme dirigées contre une décision inexistante et était par suite irrecevables.
3. En deuxième lieu, à l'appui des moyens tirés de ce que le signataire de l'arrêté litigieux ne disposait pas d'une délégation de signature régulière, que cet arrêté est insuffisamment motivé, que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation, que la décision lui refusant un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur d'appréciation, que la décision lui interdisant le retour sur le territoire français a méconnu les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la décision fixant le pays de destination a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, enfin, que la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour dont elle serait la conséquence, l'appelant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement la réponse apportée par le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu de rejeter ces moyens par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 prévoit que : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
5. M. A... fait valoir que ses quatre enfants mineurs sont scolarisés en France, qu'un de ses deux fils majeurs s'est vu reconnaître la qualité de réfugié le 31 décembre 2019, que sa mère a sollicité l'asile en France et vit chez l'un de ses frères, titulaire d'une carte de résident, que son épouse souffre de troubles psychologiques et que l'ensemble de la famille de celle-ci réside régulièrement sur le territoire national. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré récemment en France, le 1er août 2017, et que son épouse, qui est elle aussi en situation irrégulière, a également fait l'objet d'une décision d'éloignement, que le recours qu'elle a formé contre cette décision a également été rejeté par le tribunal administratif de Poitiers et que ce jugement a été confirmé par un arrêt de la cour rendu le même jour que le présent arrêt. En outre l'appelant, qui ne justifie aucunement être intégré dans la société française, ne démontre pas davantage qu'il serait isolé dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 34 ans. Dans ces conditions, rien ne faisant obstacle à ce que la cellule familiale constituée de son époux et de leurs enfants mineurs se reconstitue en Serbie ainsi qu'il a notamment été dit au point 5 du présent arrêt, il n'établit pas que l'arrêté litigieux a porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, il n'est pas davantage fondé à soutenir que cet arrêté aurait méconnu les stipulations également précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du
26 janvier 1990 ou qu'il serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.
6. En cinquième lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que les décisions fixant le pays de destination et portant assignation à résidence sont illégales en raison de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire.
7. Il résulte de tout ce qui précède que l'appelant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le premier juge a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté litigieux du 5 février 2020. Par voie de conséquence, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article l. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme B... D..., présidente,
Mme F..., présidente-assesseure,
M. Manuel C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 novembre 2020.
Le rapporteur,
Manuel C...La présidente de la cour,
Brigitte D...
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 20BX01068 2